Thomas Dermine (CATch), “Wallon de l’Année”: un pari sur le renouveau

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Par · 27/02/2019

La désignation de Thomas Dermine, responsable de la cellule CATch (Catalysts for Charleroi), comme “Wallon de l’Année” par l’Institut Destrée est non seulement une reconnaissance des efforts accomplis par cette équipe dans une perspective de redéploiement économique après le traumatisme Caterpillar mais aussi tout un symbole, un pari sur une nouvelle génération d’entrepreneurs et sur le renouveau – numérique et autre – de la région carolo et au-delà.

Jacques Lanotte, président du jury, n’a pas manqué de le souligner lors de la remise du coq d’argent: “Le prix décerné à Thomas Dermine, c’est aussi la reconnaissance du travail d’une équipe. Mais, avant tout, c’est la reconnaissance d’une Wallonie qui peut faire preuve d’audace.”

Il rappelait par ailleurs les intitulés – éloquents – de deux tribunes signées par le passé par Thomas Dermine, parues dans l’Echo: “Disruptons gaiement” et “L’optimisme est un devoir moral”.

Thomas Dermine. L’anti-nostalgie?

Recevoir le Prix du Wallon de l’Année est aussi une invite à poursuivre l’effort du redéploiement économique carolo, selon les axes définis, aux rangs desquels figurent en bonne place la formation des jeunes générations, mais aussi des personnes actives, pour lutter contre la pénurie des métiers du numérique, les promesses de l’e-santé (notamment via le projet INAH de partage des données médicales), le secteur de la logistique et des transports, l’implantation de data centers sur d’anciens sites miniers, ou encore le développement d’un incubateur des sciences de l’ingénieur.

Thomas Dermine (CATch): “Le plan CATch, c’est aussi un retour aux sources pour une génération de Wallons, la volonté de s’impliquer, dans la durée, dans les enjeux locaux.”

Lors de l’événement organisé pour la remise du Prix, plusieurs orateurs ont souligné deux choses. D’une part, le contexte économique wallon demeure problématique et tout est loin d’être rose. D’autre part, des signaux positifs témoignent d’une volonté et d’une dynamique, sans doute encore insuffisante, de redressement.

Aux yeux de Thomas Dermine, le plus grand défaut et frein, en Wallonie, est la nostalgie du passé. “Cessons de nous plaindre de notre déclin et réjouissons-nous plutôt des potentiels et dynamismes nouveaux.”

C’est d’ailleurs grâce au passé que l’avenir – notamment dans sa dimension de renouveau et de disruption numérique – sera possible. “C’est parce qu’il y a eu le charbon et les mines que l’industrie sidérurgique a été possible. Grâce à elle, il y a eu les constructions métalliques. Grâce à ces dernières, il y a désormais les satellites. L’économie est, par nature, fondamentalement cumulative. Le tout est de s’ajuster en permanence et d’anticiper les mutations.”

D’où la priorité que l’équipe CATch octroie à la “formation du capital humain, tous âges confondus”.

“Enseignement, recherche et formation professionnelles sont les meilleures armes anti-nostalgie, indispensables pour faire face aux disruptions futures qui ne manqueront pas de nous arriver en pleine figure.”

Thomas Dermine profitait d’ailleurs de la tribune qui lui était offerte pour lancer un appel au prochain gouvernement (régional) qui sortira des urnes en mai. Sa proposition? Un “Plan Marshall dédié au capital humain. Avec une approche bottom up, basée sur l’expérimentation. Le but n’est pas de créer de nouvelles recettes mais de mettre à l’échelle ce qui se tente déjà aux quatre coins de la Wallonie.” Avec aussi une collaboration “entre bassins et entre ces silos qui minent la Wallonie.”

Start-up (éphémère) d’utilité publique

La mission confiée à l’équipe CATch aura une durée déterminée. Dès le départ, le calendrier prévu est de trois ans. Avec, comme lignes de force, la constitution, par domaine, d’équipes impliquant acteurs privés et publics, la finalité d’un support à la dynamique entrepreneuriale et “surtout un travail qui évite les silos, qui décloisonne, qui recrée des ponts et des synergies.”

A quasi mi-parcours, Thomas Dermine estime que la structure est “dans les clous” pour concrétiser les objectifs fixés. Principal indicateur qui avait été défini, fin 2017: la création, d’ici 2025, de 6 à 8.000 emplois directs dans les quatre grands secteurs identifiés: santé et technologie; manufacturing de pointe; numérique et industries créatives; aéroport et logistique.

Le parcours du lauréat 2018

Petit retour sur le parcours de Thomas Dermine qui, signalons-le au passage, est le deuxième plus jeune lauréat du prix Wallon de l’Année (qui fut institué en 1996).

Né en 1986, à Charleroi, Thomas Dermine suit des études d’ingénieur de gestion chez Solvay et ensuite en sciences-po à l’ULB avant de s’en aller à Harvard décrocher un master en Politiques publiques.

Pour ses débuts professionnels, il est tout d’abord engagé chez McKinsey avant de se lancer dans l’aventure de l’auto-entrepreneuriat à la faveur d’un passage au Kamet Ventures, le studio de start-ups lancé par Axa à Paris. Il y planche sur un projet (toujours porté actuellement par son acolyte de l’époque) visant à favoriser, grâce aux nouvelles technologies, le maintien de personnes âgées à domicile.

En septembre 2017, le gouvernement wallon (majorité PS-cdH à l’époque) lui confie le soin de redéfinir un avenir économique pour la région de Charleroi afin de gommer le cataclysme de la fermeture de Caterpillar et de définir des axes porteurs d’activités et d’emplois futurs. Ce sera le plan et la cellule CATch.

Si l’équipe de Paul Magnette, à l’époque, s’est tourné vers lui, c’est notamment en raison de ses travaux de réflexion qu’il effectue depuis déjà quelques années sur la redynamisation stratégique de l’économie locale. Déjà son mémoire portait sur un “plan stratégique pour Charleroi”. Un travail de prospective qui lui avait d’ailleurs valu, dès 2009, de recevoir le premier Prix d’Economie politique décerné par le Congrès des Economistes de langue française, dont le jury était présidé par Guy Quaden, ancien gouverneur de la Banque nationale.