Make IT ouvre une antenne en Californie en janvier

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Par · 26/11/2018

Le startup studio (1) namuro-bruxellois Make It ouvrira bien, comme il en avait marqué la volonté voici quelques mois, une antenne en Californie. Ce devrait être fait en janvier 2019. Lieu choisi: Los Angeles.

Fidèle à sa philosophie de démarche “lean”, la société y démarrera prudemment, élisant domicile dans un espace de coworking. Le premier but est en effet de “multiplier les rencontres, de se faire connaître, de nouer des contacts, d’identifier des partenaires, d’organiser ou participer à des conférences dans le milieu universitaire… Nous n’y implantons pas une équipe, mais une tête de pont vers le marché américain”, précise Guy-Louis de le Vingne, co-fondateur et CEO de Make It.

La démarche demeure donc inchangée quel que soit le contexte. Pour explorer le marché flamand, “son important potentiel entrepreneurial et sa typologie plus proche de celle des Pays-Bas”, Make It procède aussi par “réseautage via partenaires, afin d’évangéliser à la basen le plus tôt possible dans la vie d’un projet – au stade de l’idéation et du pré-MVP – afin de contaminer avec le virus Make It”.

L’antenne californienne sera dirigée par Alexis Bedoret, co-fondateur de Make It, qui sera assisté d’un commercial chargé de développer un réseau de relations, d’“évangéliser” la méthode Make It. La société est en effet convaincue que sa démarche de gestion et maturation de projet (Test It, Shape It, Build It, Grow It), façonnée et testée “sur pièce” au fil de ces dernières années peut combler un besoin, en ce compris au pays de l’eldorado des start-ups. Nicolas Streel s’en expliquait déjà en début d’année. A partir de janvier 2019, ce sera donc l’acid test, grandeur nature.

“La Californie compte nettement plus de start-ups et, surtout, d’investisseurs. Les jeunes pousses y ont donc davantage de chances de réussir que chez nous mais les entrepreneurs se posent tous les mêmes questions: comment aborder le marché, être efficace et pertinent?”

Pour Guy-Louis de le Vingne, l’ouverture de cette antenne est aussi le signe de l’ambition de la société. “Nous avons franchi un cap. La création de ce bureau est une indication de succès. Ce sera pour nous l’occasion de nous mesurer aux normes américaines, de concrétiser la valorisation dans la mesure où les Etats-Unis sont aussi un moyen d’accéder au capital à risque [pour les projets].”

L.A. plutôt que S.F.

Le choix de Los Angeles peut étonner à l’heure où les jeunes pousses techno choisissent généralement de préférence des lieux-phare tels que la Silicon Valley ou la côte Est des Etats-Unis.

Guy-Louis de le Vingne et Nicolas Streel, directeur commercial, s’en expliquent comme suit: “On y rencontre des start-ups moins matures qu’à San Francisco par exemple. Le marché y est en outre moins saturé.”

Los Angeles apparaît en outre comme un laboratoire fertile en termes de débouché potentiel: “le marché est y très concentré. Rappelons que c’est une mégalopole de 20 millions d’habitants, deux fois plus que la Belgique, quatre fois plus que la Wallonie plus Bruxelles…”

Le marché décidera

Pour ses activités en Belgique, Make It a choisi de se concentrer sur les projets orientés Internet des Objets. Tous secteurs confondus. Et le champ est potentiellement large et varié. 

“Peu de startup studios, dans le monde, couvrent la totalité de la chaîne pour des projets IoT – depuis l’idée jusqu’à la première version du produit. Beaucoup se concentrent soit sur la conception de l’électronique soit sur la production. Entre ces deux étapes, il y a un énorme fossé que nous comblons”, déclare Guy-Louis de le Vingne.

Guy-Louis de le Vingne (Make It): “Ce sera pour nous l’occasion de nous mesurer aux normes américaines, de concrétiser la valorisation dans la mesure où les Etats-Unis sont aussi un moyen d’accéder au capital à risque [pour les projets].”“Nous ne nous focalisons pas sur des expertises sectorielles – les projets peuvent concerner les transports, la santé, l’énergie… Par contre, nous avons développé des expertises techniques, transversales à tous les projets: miniaturisation, consommation efficiente de l’énergie, (géo)localisation, communications…”

Des compétences qu’elle exploite aussi bien pour les projets en mode studio que pour des clients tels que Billy Bike (vélos électriques connectés), Full Up (jauge à mazout connectée), Pasha Parking (solution de gestion de parking en rue, sur la voie publique), collier connecté pour chiens (fonction de géolocalisation), bracelet connecté Helpilepsy (suivi et gestion des crises d’épilepsie)…

Cet été, la société a en outre ouvert à Bruxelles (à proximité du carrefour des Quatre Bras) un espace d’usinage et de prototypage – la SN Factory – où elle conçoit, teste et produit des dispositifs en tous genres, à l’aide d’équipements variés: imprimantes 3D, découpeuses laser, CNC…

Pour son arrivée sur le marché américain, Make It ne visera par contre pas forcément le monde de l’IoT. “Nous évaluerons, sur place, le potentiel du marché. Nous verrons quels types de projet y naissent, nous testerons certaines pistes et verront comment le marché répond.

Il faut pouvoir gérer l’incertitude”, souligne Nicolas Streel. “C’est le marché qui décide. Il faut savoir rester à l’écoute de la réalité de terrain.” 

Levée de fonds

Jusqu’ici, Make It a opéré sur fonds propres. Volontairement. Guy-Louis de le Vingne en donne l’explication plus loin dans cet article. Mais l’heure est aujourd’hui venue de se donner un peu d’oxygène. “Ces quatre dernières années [Ndlr: Make It a vu le jour en 2015], nous avons créé la méthodologie et l’équipe pour la création des start-ups. Ceci étant désormais acquis, nous constatons que nous avançons en fait avec le frein à main tiré. 

Cet été, Make It inaugurait son espace SN Factory (conception et production) à Bruxelles. Les équipements ont été financés grâce à un prêt bancaire.

En quatre ans, nous avons porté quatre projets en interne [Ndlr: Aerosint (impression 3D multi-matière), Fullup (jauge connectée), Tipaw (collier de géolocalisation pour chiens), Helpilepsy (bracelet connecté de suivi de l’épilepsie].

Impossible en mode bootstrapping de faire plus. Pourquoi d’ailleurs vouloir lancer dix projets en parallèle si c’est pour en voir échouer six?

Nous voulons aujourd’hui donner un coup d’accélération à notre croissance et à notre capacité de suivi. Or, il est impossible de procéder à cet investissement tant qu’on ne réalise pas de marge.”

D’où l’appel à des capitaux tiers qui viendront d’investisseurs tant privés que publics. Le montant de la levée de fonds ne devrait pas dépasser le million d’euros. De ce point de vue, Make It maintient donc sa politique de frugalité.

L’IoT, un domaine exigeant en termes de compétences

L’équipe de Make It compte actuellement un total de 40 personnes dont 25 qui sont mises à disposition des différents projets incubés. De quoi constituer un panel de compétences variées dans lesquelles piocher en fonction des besoins.

“En tant que startup studio, nous mutualisons les ressources humaines et compétences au bénéfice de tous les projets incubés, afin de diminuer les risques, de développer des compétences internes de plus en plus fortes, de réduire les coûts RH pour les start-ups.

Lorsqu’elle agit en solo ou même lorsqu’elle passe par un incubateur classique”, souligne Nicolas Streel, “une start-up confie souvent le sort de son idée brillante à un directeur technique qui devrait être full stack – compétent par exemple en développement front et back end, en sécurité, etc. Mais il ne peut être spécialiste en tout. Il n’est pas compétent en matières commerciales, légales, en design…

L’éventail de compétences à couvrir est encore plus large dans le domaine de l’IoT qui impose une couche de complexité supplémentaire.

L’équipe de Make It, elle, inclut non seulement des développeurs front end et back end, des designers ou spécialistes du marketing digital mais aussi des profils du genre ingénieur électromécanicien, spécialiste des logiciels embarqués, devops, casing, développeur d’applis mobiles, designer visuel, spécialiste en matériaux.…”

Trois activités

A côté de ses activités de startup studio, Make It accompagne également des projets en mode plus classique. Soit comme “accélérateur”, avec prise de participation et prestation de services, ou comme simple prestataire de services à la demande.

En mode startup studio, Make It a cinq projets à son actif, dont quatre qui sont le fruit de l’imagination de l’équipe. En mode prestations de services pour clients, le répertoire est déjà riche, avec plus de 200 interventions, ponctuelles ou de plus grande envergure, pour des start-ups, des incubateurs, des entreprises de plus grande taille…

Miser sur différentes activités est souvent nécessaire pour un startup studio. Surtout à ses débuts. En effet, dans la mesure où il se rémunère sur les exists, un startup studio doit pouvoir (sur)vivre pendant quelques années sans rentrée d’argent venant de cet axe.

Certains s’appuient uniquement sur un apport de fonds initial. C’est un peu le cas d’Øpp Startup Studio, à Liège, lancé sur les fonts baptismaux il y a quelques mois, grâce à des apports financiers de Meusinvest et de Nethys. Mais Øpp, lui aussi, vivra de prestations d’agence pour des clients tiers.

Dans le cas de Make It, des prestations de services sont considérées comme utiles et nécessaires pour deux raisons, souligne Guy-Louis de le Vingne: “Cela nous permet de ne pas rester fermés sur nous-mêmes. Le but est de rester en contact avec le marché et avec le niveau d’exigence de clients extérieurs – notamment en termes de respect d’un timing de projet.”

Exemples? Nous avons déjà évoqué Billy Bike et Pasha Parking. Autres projets pour lesquels Make It a apporté ou apporte encore actuellement son expertise: conception de l’électronique et de la programmation interne pour une caméra connectée qui compresse l’image et la “streame” directement en 4G ; automatisation du suivi de mesures-clé (température, hygrométrie…) pour un projet de “Vertical Farming” ; prestations orientées logiciels pour une application d’automatisation des tâches de gestion d’un immeuble en copropriété, une appli de gestion de campagnes média par influenceurs, ou encore une application d’automatisation des processus de trésorerie pour PME.

L’autre raison de prester des services pour tiers est de financer le startup studio. “Jusqu’ici, notre volonté a toujours été d’opérer sans levée de fonds. Pour une double raison: nous placer nous-mêmes dans la peau d’un entrepreneur ayant des moyens limités. Cela nous force à faire beaucoup avec peu, tout comme eux. Ensuite, cela nous pousse à être très précis dans notre stratégie.

Quand on a des moyens limités, on est davantage forcés à se poser sans cesse la question de savoir si telle dépense est réellement mieux pour la création ou l’exécution de la start-up…”

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(1) Pour rappel, un “startup studio” est un incubateur de jeunes pousses un peu spécial dans la mesure où il s’investit nettement plus dans le parcours de création de la start-up. L’idée, qu’elle vienne de sa propre équipe ou d’un tiers, est prise en charge au stade de l’idéation. Souvent, comme c’est le cas chez Make It, le studio engage un CEO ou un CTO et met à disposition les compétences hétérogènes de ses propres collaborateurs. En échange, le studio prend une proportion importante d’equity et en engrange les fruits lors du lancement effectif de la start-up sur le marché, avec rachat par un tiers ou entrée en Bourse.

Le parcours suivi au sein du startup studio Make It est le suivant: idéation, mise à disposition de diverses compétences pendant les premières années pour développer la solution, levée de fonds. A partir de cette étape, le studio commence à facturer ses prestations “mais à prix réduit. On n’investit plus nous-mêmes mais on ne fait pas encore de profit sur les prestations.” Le but est de faire racheter le projet/la start-up par une entreprise. Plus tard, lorsque la start-up vole de ses propres ailes et dispose de plus de moyens, la facturation se fait à un tarif supérieur “mais toujours en mutualisant les ressources internes de Make It, ce qui lui revient moins cher que de se constituer sa propre équipe.”  [  Retour au texte  ]