Women in AI Belgium: parce que l’IA a besoin d’“universalité”

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Par · 19/10/2018

En termes de “réseau”, il n’y a encore qu’une tête de pont mais une communauté de femmes actives dans le monde foisonnant de l’Intelligence Artificielle est en passe de se constituer en Belgique. Elle réunira toute une série de profils et pas uniquement, loin s’en faut, des “accros des algo”. Women in AI Belgium est en fait le prolongement chez nous du réseau Women in AI Europe qui a pris naissance, voici déjà quelque temps, en France, à l’initiative de femmes évoluant dans ce secteur – développeuses, ingénieures, spécialistes marketing, responsables commerciales…

Women in AI

Objectif: combler, dans ce domaine aussi, le “fossé genré”, devenir un acteur majeur de promotion des carrières féminines en IA, encourager les entreprises à engager davantage de femmes et faire naître un réseau d’influenceuses.

L’“ambassadrice” de ce réseau, pour la Belgique, est Ségolène Martin, co-fondatrice de la société Kantify, société spécialisée dans la “smartisation” des petits et moyens acteurs (ses spécialités: tarification prédictive, marketing personnalisé, reconnaissance d’image), et qui avait précédemment était à l’origine du projet Meetsies (plate-forme de rencontres culinaires entre amis et voisins).

L’événement de lancement de la toute nouvelle communauté Women in AI Belgium devrait intervenir d’ici la fin de l’année mais sans qu’une date soit déjà connue. Quelles seront les premières actions ou priorités de Ségolène Martin? “Avant toute chose, fédérer les femmes belges actives en IA, attirer des membres – elles peuvent tout simplement se manifester et s’inscrire via le site de l’association. Le travail consistera tout d’abord dans des actions de sensibilisation.”

Rétablir l’équilibre – à de multiples niveaux

Pourquoi un réseau de femmes se justifie-t-il plus particulièrement dans le domaine de l’IA? “Comme dans beaucoup d’autres branches, on constate un clair déficit de femmes en IA. Or, c’est un domaine fondamental pour l’avenir de la société et les développements économiques futurs. Un autre aspect majeur est celui de la “partialité” ou “subjectivité” des algorithmes.” Conçus majoritairement par des hommes, ils souffrent de certaines carences en termes de genres – tout comme de races, comme la chose en a déjà été démontrée.

Ségolène Martin (Women in AI Belgium): “Face aux préjugés qui peuvent être introduits dans les algorithmes, il est important que les femmes s’emparent de tels développements pour garantir l’universalité.”

Aux yeux de Ségolène Martin et du réseau Women in AI, il est donc essentiel d’attirer plus de femmes vers le monde du développement et de l’usage des algorithmes afin de redresser ces “bias” et de gommer les parti pris, inconscients ou non. “Face aux préjugés [orientations inconscientes] qui peuvent être introduits [par leurs concepteurs masculins] dans les algorithmes, il est important que les femmes s’emparent de tels développements pour garantir l’universalité.”

Ce point de vue était également émis, tout récemment encore, par Virginia Eubanks, auteur du livre “Automating Inequality: How High-tech Tools Profile, Police, and Punish the Poor”: “La prise de décision automatisée n’est jamais véritablement transparente parce qu’elle s’ancre dans les préjugés et les présupposés de ses concepteurs. […]

Il y a un parallèle intéressant à établir avec un débat que nous avons eu aux États-Unis dans les années 1980 au sujet des discriminations dans le domaine judiciaire – en particulier les discriminations raciales dans la détermination de la peine, discriminations qui ont dévasté les communautés afro-américaines. De cette situation sont nés plusieurs actes législatifs mettant en place des peines-plancher, retirant un certain degré de discrétion aux juges. Le problème, c’est qu’au lieu d’éliminer les discriminations raciales dans le système judiciaire, cela a abouti à une explosion de l’incarcération de masse, qui a d’abord touché les communautés afro-américaines. L’ironie de cet exemple s’applique aux décisions algorithmiques: l’égalité de traitement peut exiger la discrétion humaine.”

Mais revenons-en aux femmes dans l’IA…

De Paris au monde

Le réseau Women in AI développe toute une série d’actions: l’organisation d’ateliers à destination des entreprises en vue de les amener à former et à accueillir davantage de femmes dans leurs équipes IA, une collaboration avec des écoles afin d’inclure l’IA dans les programmes et de former les plus jeunes, l’organisation d’événements de réseautage, des publications destinées à promouvoir l’IA, et une participation à des travaux de recherche et à des publications scientifiques.

Côté éducation, un “summer camp” a par exemple été organisé les 21 et 22 juin, en France (à la Station F de Paris, campus de 34.000 m2 accueillant une ribambelle de start-ups), à destination des lycéennes (13-16 ans). Au programme: le b.a-ba de l’intelligence artificielle, la découverte de divers cas d’utilisation dans divers secteurs d’activités et un exercice pratique consistant à concevoir un véritable robot.

L’association, née et basée à Paris à l’initiative de trois femmes (Moogan Asghari, Hanan Salam et Caroline Lair), a désigné une série d’“ambassadrices” chargées de faire naître des antennes dans les différents pays, voire d’agir au niveau de villes. Parmi elles donc, Ségolène Martin pour la Belgique. D’autres ont été désignées pour la Finlande, le Liban, la Biélorussie, pour Londres, Toronto, Berlin… Mais il y a (ou aura) aussi des ambassadrices thématiques. Première de cordée: Stephanie Kuku, chargée d’évangéliser dans le secteur de la santé. A l’issue du Summer Camp, l’une des lycéennes qui y ont participé est par ailleurs devenue la première Jeune Ambassadrice, chargée de porter la bonne parole auprès des jeunes.