Horus, nouveau logiciel comptable, prépare son entrée sur le marché belge

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Par · 04/05/2018

“En gestion comptable, plus rien ne s’est passé en termes d’innovation disruptive depuis les années ’90, voire la moitié des années ’80”.

Affirmation sans détours, lourde de reproches (ou regrets?), dans la bouche de celui qui, pendant de longues années, a dirigé Bob Software, éditeur du logiciel de gestion comptable éponyme, et qui y est resté en poste jusqu’en 2016, même après son rachat par Sage Software.

Philippe Tailleur a toujours baigné dans la conception et la commercialisation de logiciels comptables. Son parcours est émaillé de noms qui résonnent de manière familière à tous ceux qui en utilisent: Cubic, Exact, Bob, Sage… Aujourd’hui, un cinquième nom s’ajoute à la liste. Horus.

Horus? Inconnu au bataillon? Et pour cause. Il s’agit d’une start-up liégeoise et d’une nouvelle solution, davantage dans l’air du temps, qu’il lance lui-même sur le marché, entouré de ses deux fils et de deux autres “anciens” du secteur – Philippe Nestergal et Michel Sobczak, ayant eux aussi débuté chez Cubic.

Parce que le monde a changé…

Pourquoi lancer une solution de gestion comptable – une de plus ! – sur un marché aussi mouchoir de poche et confettis que le marché belge, croulant déjà sous les offres? Parce que justement “plus rien ne s’est passé en termes d’innovation disruptive depuis la moitié des années ’80”. Et que les progrès de la technologie – tant en potentiels mémoire, calcul qu’en automatisation de tâches et “intelligence” des fonctions – justifient amplement à ses yeux que l’on s’attaque – “enfin” – à des habitudes et méthodes qu’il estime dépassées et irrationnellement lourdes et inefficaces.

“Nous évoluons aujourd’hui dans une économie du runtime, une culture de l’on-time [lisez de l’immédiat], du mobile, de l’automatisation des tâches, une économie de l’utilisation plutôt que de la possession. Nous ne voulons plus attendre plusieurs semaines que le comptable nous procure notre situation financière.

Philippe Tailleur (Horus Software): “En 2020, 50% des décideurs dans les PME seront des digital natives. Et ils veulent des outils qui soient de leur temps.”

Par ailleurs, la fidélité aux prestataires est révolue: quand on n’est pas satisfait on change. Et c’est désormais le cas aussi pour le comptable ou la fiduciaire.”

Le constat n’a pas manqué d’être également posé par les acteurs du secteur. Dès lors, qu’y a-t-il de neuf du côté d’Horus Software? Contrairement aux éditeurs en place, affirme Philippe Tailleur, “qui préfèrent greffer les nouveaux potentiels sur un vieux coeur en mal de performances et l’habiller de pseudo-innovation marketing”, l’équipe d’Horus est repartie d’une page blanche pour créer son logiciel.

La solution en est encore pour quelques semaines en phase beta, testée et évaluée notamment par quelques fiduciaires et par InvestSud. Elle entrera en phase commerciale début juillet.

Du neuf sous le capot

Horus Software revendique d’avoir “tordu le cou aux postulats du secteur”: périodes comptables obligatoires, réouvertures en fin d’année “au mépris du principe de continuité des activités”, analyse syntaxique pour l’intégration de documents dématérialisés, coexistence forcée de plans comptables… Le tout, largement “justifié par des contraintes techniques qui ont disparu.”

Horus s’appuie sur une base de données unique, hébergée dans le cloud. Sans limitation d’espace de stockage ou de puissance de calcul. De quoi autoriser le versement de tous les documents, dossiers, plans comptables dans un même espace et le recalcul permanent des balances et situations.

Cette base génère deux contenus distincts, répondant à des modes de visualisation et de présentation de données distincts, selon que le destinataire soit l’utilisateur final (PME, entrepreneur…) ou le comptable.

La solution promet par ailleurs un potentiel de réactualisation constant de la situation comptable, au gré des nouvelles pièces injectées et de la génération largement automatique des écritures.

Côté intégration et prise en compte des documents dématérialisés, le principe classique de l’analyse purement syntaxique des contenus, via OCR, est remplacé par une dose d’analyse du “poids” (volume des éléments graphiques et pixels) des fichiers et des éléments des documents PDF. Analyse confiée à des algorithmes, avec un taux de reconnaissance annoncé de 97%.

Tous les documents, quelle que soit leur provenance (facture scannée, facture électronique arrivée via e-mail ou mise à disposition via une plate-forme du genre Doccle ou encore le serveur d’un fournisseur – opérateur télécom, fournisseur d’énergie…), sont automatiquement analysés, catégorisés et associés aux écritures correspondantes.

L’intelligence artificielle devient aussi un paramètre majeur de la solution pour un rôle plus fondamental: l’automatisation des tâches et des flux d’informations destinés tant au comptable qu’à l’entrepreneur (ou indépendant). Le potentiel d’auto-apprentissage vise à améliorer sans cesse l’efficacité des algorithmes. C’est le côté “analyse comportementale” dont Horus Software fait un argument commercial. “Le comportement en question est celui du comptable. La machine apprend la manière dont il traite telle ou telle pièce, s’appuie sur l’historique des traitements pour proposer automatiquement une écriture comptable qui soit en adéquation avec les habitudes d’encodage du comptable.”

Machine apprenante

L’un des associés de Horus Software est à l’origine de l’orientation intelligence artificielle de la solution. Bryan Steyns, diplômé de l’ULg, avait dédié son travail de fin d’études à l’intelligence artificielle appliquée à la reconnaissance de documents. Il est donc à l’origine des capacités “cognitives” (principe des réseaux neuronaux), du nouveau logiciel.

Les algorithmes analysent les caractéristiques de chaque pièce et document versé dans le système, en identifient le type, la provenance, la nature des données et leur destination en termes de traitement (données comptables, fiscales, de trésorerie…).

Mais ils vont plus loin: sur base de l’historique de traitement qu’en a fait jusque là le comptable, ils “déterminent la manière dont celui-ci s’est comporté face aux différents types de documents et leur appliquent le même traitement.”

Mais pas en mode larbin servile. L’“intelligence” sert aussi à détecter et signaler des anomalies: du genre montant anormalement élevé sur un document pourtant “habituel” (parce que provenant par exemple, à intervalles réguliers, de tel ou tel émetteur). “Toute anomalie, par rapport à un montant ou une date, donne lieu à un signalement au comptable, avec codage couleurs”. C’est donc bien l’être humain qui, au final, demeure maître de l’écriture comptable, décidant d’accepter ou non une pièce.

Philippe Tailleur (Horus): “Alléger sensiblement le travail du comptable. Son rôle n’est plus tant de l’encodage que de la supervision d’encodage.”

“Tout document émanant d’un nouvel émetteur ou identifié comme de type nouveau, portant sur un bien ou service nouveau” sera signalé, en code rouge, pour approbation. A mesure que ce document s’installera comme normal dans les activités de la société, il sera accepté et classé automatiquement par le logiciel, sans solliciter l’intervention du comptable – jusqu’à ce qu’une anomalie éventuelle ne survienne.

“Cela allège sensiblement le travail du comptable. Son rôle n’est plus tant de l’encodage que de la supervision d’encodage.” Mais cela ne le soulage par contre pas d’une nécessaire rigueur.

C’est toujours l’utilisateur qui doit injecter les documents dans le système. Par exemple, en vérifiant l’arrivée de documents dans sa boîte mail ou en se connectant au serveur d’un site de facturation.

Deux versions

La solution Horus existe en deux versions. Horus Mobile, disponible pour plates-formes iOS et Android, est destinée au gestionnaire (TPE, entrepreneur, indépendant), procure les fonctions de pilotage d’activités qui lui sont nécessaires (gestion de trésorerie, de ventes, de marge…). Le comptable et la fiduciaire ont quant à eux droit à un Horus Office.

Côté commercialisation, Horus Software s’est entouré de quelques partenaires-revendeurs dont Megabyte, ESI, Gap Informatique, Brainstorming et ACE Computer. “Horus Software a pour vocation d’être un éditeur pas un canal de commercialisation. Les revendeurs sont donc un maillon indispensable de notre stratégie”, souligne Jérôme Tailleur, directeur commercial. “Ils auront un rôle de support, de formation, de conseil, mais aussi d’assistance aux clients, compte tenu du fait que le logiciel induit un important changement des activités quotidiennes des comptables et fiduciaires.”

Les 6 associés de Horus Software. De g. à dr.: Bryan Steyns, Philippe Tailleur, Jérôme Tailleur, Michel Sobczak, Philippe Nestergal, et Benjamin Tailleur.

Horus Software ne désire pas désigner plus de 10 revendeurs de première ligne. “Tout au plus désignerons-nous éventuellement 10 ou 15 acteurs supplémentaires qui passeront via nos partenaires principaux”, insiste Philippe Tailleur. Pas plus de “20 ou 25” au total donc. Non pas pour des raisons de risque de concurrence et d’empiètement sur l’un ou l’autre territoire – “le marché potentiel est suffisant pour que ce phénomène ne se produise pas” – mais plutôt “parce que nous voulons garantir une qualité de service au client.”

Ajoutons encore pour terminer que, pour ses débuts, la jeune pousse liégeoise a reçu le soutien de trois partenaires financiers: banque CBC (prêt), Novallia (prêt subordonné) et InvestSud (participation au capital). Côté capital justement, outre InvestSud, on compte six actionnaires: Philippe Tailleur et ses deux fils (Jérôme, directeur commercial, et Benjamin, directeur du marketing produit), Bryan Steyns (directeur New Technology), Philippe Nestergal (directeur produit) et Michel Sobczak (directeur technique).