Women in Tech et l’Ecole 19 (école de code) font cause commune

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Par · 04/04/2018

L’Ecole 19, établissement de formation au code et aux compétences numériques, atypique en raison de sa méthode pédagogique (voir plus en détails ci-dessous), s’apprête à entrer en action à la mi-juin.

La campagne de recrutement d’apprenants et apprenantes bat son plein. Pour l’instant, deux-tiers des places à saisir (150 au total) sont déjà réservées. D’ici l’ouverture officielle, l’Ecole 19 continue donc de battre le rappel en organisant des séances d’information et de découverte et en s’alliant à des partenaires tels que Women in Tech Brussels qui feront jouer leurs réseaux pour inciter des jeunes à s’inscrire.

Côté événements, l’Ecole 19 sera partenaire de la journée “Crack du Code”, organisée par Actiris, le 14 avril. Le “pitch” de cette journée est éloquent: “Sans développeurs Web, pas d’Instagram, pas de Snapchat, pas de YouTube … Et donc pas de YouTubeurs. Sans eux, le Web serait moins fun. […] T’as envie d’essayer de coder ? Participe à Crack du code. Le codage, c’est l’avenir. C’est même un vrai métier.”

Deuxième événement: une journée Portes ouvertes sur le site-même de l’Ecole 19, à Uccle, le 21 avril.

“Là où Crack du Code s’adresse davantage à un public de chercheurs d’emploi et proposera aux participants un jeu d’initiation au code, leur permettant de se découvrir une vocation et d’être orientés soit vers MolenGeek, soit vers l’Ecole 19, notre journée Portes ouvertes attirera sans doute davantage des profils d’étudiants, même si des chercheurs d’emploi seront sans doute aussi au rendez-vous”, explique Stephan Salberter, directeur de l’Ecole 19.

A noter qu’à l’occasion de cette journée Portes ouvertes, les participants auront la possibilité de s’inscrire directement pour intégrer le programme, en passant éventuellement par la phase “piscine”, une immersion préalable d’un mois (du 30 avril au 25 mai) au cours de laquelle les “aspirant(e)s” participent à une série de tests de logique, d’épreuves atypiques, de défis ludiques mesurant leurs capacités…

Attirer les “filles”

“Renforcer la mixité des formations technologiques à Bruxelles”. Lisez: attirer davantage de jeunes filles et de jeunes femmes vers les formations à la programmation. Tel est l’objectif du partenariat que viennent de conclure l’Ecole 19 et le réseau Women in Tech Brussels.

De g. à dr.: John-Alexander Bogaerts, fondateur de l’Ecole 19 ; Loubna Azghoud, Women in Tech Brussels ;  et Stephan Salberter, directeur de l’Ecole 19.

Pour ce dernier, c’est un prolongement logique de son objectif: accroître la représentativité féminine dans la création d’entreprises et la participation active à la société et à l’innovation (voir quelques chiffres, éloquents, en fin d’article). Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Women in Tech tisse des liens avec des organismes de formation au code et d’initiation au numérique. Ce fut déjà le cas par le passé avec le programme Le Wagon et avec MolenGeek.

Pour l’heure, parmi les quelque 100 pré-inscrits, l’Ecole 19 ne compte encore que 10% de femmes. Un pourcentage “classique”, voire même sensiblement meilleur que celui dont peuvent faire état les différents établissements et plates-formes nouvelles de formation aux nouvelles technologies. Mais un pourcentage qui reste en-deçà du ratio que les responsables de l’école voudraient atteindre. Le but (minimal) serait de compter 20% d’étudiantes, déclare Stephan Salberter (soit mieux que le “score” actuel de l’Ecole 42 à Paris où l’on compte entre 12 et 14% de femmes).

Le chiffre de 20% n’est pas cité au hasard. En effet, l’Ecole 19 tire ses moyens d’actions de l’apport financier non seulement d’entreprises commerciales mais aussi de fondations privées. Parmi elles, la Fondation 4Wings, qui se définit comme un “venture philanthropist ou impact investor, désireux de créer des cercles vertueux d’inclusion et de lutter contre la précarité en Belgique.” Et l’une des conditions d’investissement est de garantir cette “dose” minimale de bénéficiaires ou destinataires féminines…

Aménager le cursus

Comment l’Ecole 19 et Women in Tech Brussels comptent-ils s’y prendre pour améliorer le quota féminin parmi les étudiants de la la B19? D’une part, effectuer quelques aménagements d’horaires seront effectués afin de respecter les contraintes souvent spécifiques à la gent féminine (vie de famille, prise en charge des enfants…) et, d’autre part, “évangéliser” le réseau Women in Tech.

Salle de travail de l’Ecole 19, à Uccle. Sur le modèle de l’Ecole 42 de Paris…

Pour ce qui est de l’aménagement de l’environnement d’apprentissage, “le but est de tenir davantage compte de la charge familiale, qui est plus particulièrement vraie pour les femmes, d’autoriser par exemple du travail de groupe, du travail sur projets ou la remise de travaux dans des plages horaires décalées…”, explique Loubna Azghoud, directrice opérationnelle de Women in Tech Brussels et gestionnaire du projet Entrepreneuriat Féminin au sein de cette organisation.

De même, une réflexion a été engagée pour favoriser l’accueil des enfants. La présence sur le site du château de Latour de Freins, où est établie l’Ecole 19, d’autres établissements d’enseignement (écoles maternelle et primaire) est déjà une bonne chose pour les (jeunes) mères de famille. D’autres “facilités” devraient voir le jour. Parmi les possibilités, l’ouverture d’une garderie.

Pour le reste, Women in Tech Brussels activera son réseau. “Nous ferons passer le message vis-à-vis des membres du réseau et de nos partenaires existants qu’il y a des places à prendre dans les rangs de l’Ecole 19. Pour ce faire, nous organiserons des rencontres, des conférences, en y invitant notamment des “role models” féminins, des professionnelles pouvant inspirer, démontrer qu’il est parfaitement possible pour les femmes de réussir dans les milieux technologiques.”

Petit rappel de ce qu’est l’école 19

Calquée sur les préceptes de l’Ecole 42, fondée par Xavier Niel à Paris et dont elle est une franchise, l’Ecole 19 bruxelloise propose un cursus de formation au code et aux compétences numériques, “sans diplôme ni professeur”, mais sous l’égide de responsables pédagogiques, selon une pédagogie d’apprentissage entre pairs (peer-to-peer learning), “un fonctionnement participatif” où les étudiants doivent se prendre eux-mêmes en mains, s’épauler et atteindre les objectifs via un apprentissage pratico-pratique basé sur le développement de projets et la collaboration.

Cette méthode, en décalage flagrant avec les méthodes pédagogiques classiques, a été théorisée dès ses débuts français en raison du type de profils attendus des professionnels d’aujourd’hui et de demain: pas de profil bien balisé, rigide, mais des personnes compétentes, aptes à imaginer, créer, innover, se réinventer et “pivoter” en rythme avec les technologies et l’innovation.

L’Ecole 19 s’adresse à un public de chercheurs d’emploi, de jeunes en décrochage scolaire ou sociétal, ou d’“étudiant(e)s peu adapté(e)s au système éducatif traditionnel”. Tranche d’âge: 18-30 ans.

Outre les particularités de sa démarche pédagogique, l’école se distingue également par le fait qu’elle ne délivre pas de diplômes, uniquement des preuves de compétences acquises, et qu’elle procure un enseignement entièrement gratuit pour les apprenant(e)s.

Durée du cursus: en principe trois ans mais la flexibilité est de mise, les étudiant(e)s terminant leur parcours à des rythmes divers, allant de deux à cinq ans.

Ecole privée, elle obtient ses moyens financiers auprès d’entreprises (parmi lesquelles Proximus, Belfius, Deloitte, De Persgroep, Solvay et UCB). “Le partenariat avec ces grandes entreprises permet notamment d’y envoyer les étudiants en stage (durée: 4 mois). C’est en quelque sorte une démarche de type proof of concept”, souligne Loubna Azghoud. “En Belgique, nous sommes fortement attachés à la mentalité diplôme mais les choses sont en train de changer, notamment du côté des (grandes) entreprises à forte composante hi-tech pour qui ce sont surtout les compétences qui priment. Les mentalités, les modes de travail et d’éducation sont en train de changer. Et l’Ecole 42 a déjà prouvé que son modèle répondait aux besoins. Sa méthode a déjà fait ses preuves à Paris et à San Francisco, avec un taux de mise à l’emploi de 100%.” [ Retour en début d’article ]

Premiers inscrits

Les profils de la centaine de premiers inscrits sont du genre panachés. “Nous comptons actuellement une centaine d’inscrits au programme de tests [Ndlr: la fameuse “piscine” qui se déroulera du 30 avril au 25 mai]. La moyenne d’âge est de 23 ans. 60% des inscrits sont des chercheurs d’emploi. 30% sont des étudiants – avec même quelques jeunes qui viennent de terminer leurs humanités. Les 10% restants ont déjà un travail, à temps plein ou à temps partiel”, déclare Stephan Salberter.

“Les inscrits viennent de tous les horizons: beaucoup sont en quête d’inclusion sociale. Nous comptons également des primo-arrivants. Nous avons même un joueur de foot d’origine polonaise qui évolue dans un club de Division 1… Cette mixité fait à la fois notre particularité et la richesse de l’expérience. Intégrer l’Ecole 19, c’est se donner l’occasion de travailler et de vivre avec des gens qu’on n’aurait jamais rencontrés ailleurs. Tous ont un langage en commun et c’est le code. La finalité de notre école est l’inclusion sociale, la création d’emplois avec des gens créatifs et collaboratifs…”

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Women in tech Brussels rappelle quelques chiffres sur la présence des femmes dans les sphères numériques:

  • seulement 13,7% des start-ups (hi-tech) belges créées par des femmes
  • parmi les étudiants en première année d’informatique dans l’enseignement supérieur belge, seulement 7% de jeunes femmes, “alors que la transformation digitale produira 700.000 emplois d’ici 2025 dans l’Union européenne” – autrement dit, il y a une énorme sous-représentation de la gent féminine…
  • diplômés STEM (sciences, technologie, ingénierie, mathématiques): un sur quatre est une femme, “alors que les femmes belges représentent plus de 60% des universitaires.”  [ Retour au texte ]

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De g. à dr.: John-Alexander Bogaerts, fondateur de l’Ecole 19 ; Loubna Azghoud, Women in Tech Brussels ;  et Stephan Salberter, directeur de l’Ecole 19.