Odoo se trouve un acolyte local pour se développer en Chine

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Par · 22/03/2018

Odoo vient de créer une co-entreprise transcontinentale avec la société chinois Inspur. Destination: la conquête du marché chinois. Certes la société disposait déjà d’un bureau à Hong Kong mais demeurait un petit Poucet. Chiffre d’affaires; 800.000 dollars, “ce qui n’est rien en comparaison de la taille du marché. Nous voulions passer au niveau supérieur”, indique Fabien Pinckaers, fondateur et patron d’Odoo.

La société brabançonne, spécialisée dans les solutions de gestion d’entreprise (ERP, e-commerce, etc.) en open source, s’allie donc avec un ténor (public) de l’informatique chinoise (solutions ERP, solutions de gestion de centres de données, hébergement dans le cloud en modes IaaS, PaaS et SaaS, vente de serveurs et de solutions de stockage) pour s’ouvrir de nouveaux horizons.

Largement méconnu chez nous, Inspur est pourtant un géant en Asie. Pour l’année 2017, à simple titre d’exemple, Gartner le pointait dans le trio de tête mondial, aux côtés de Dell EMC et de HPE, en matière de vente de serveurs x86. Mais, surtout, c’est, parmi tous les fabricants répertoriés par le bureau d’études, celui qui enregistre la plus forte croissance ces dernières années. Son rythme en 2017: + 50% en ventes et + 81,7% en termes de volumes (serveurs).

N° 1 d’ici 4 ans?

Objectif d’Odoo en s’alliant à Inspur: “devenir leader des solutions de gestion d’entreprise sur le gigantesque marché chinois d’ici quatre ans.” Créneau visé: les PME. “Nous visons les entreprises de 1 à 500 employés, toutes industries confondues. Inspur a une très grande expérience sur les moyennes entreprises (50-500 employés). Ce devrait donc être notre première cible”, souligne Fabien Pinckaers.

Inspur, en matière d’ERP, y revendique en tout cas actuellement la troisième place, derrière les deux “régionaux de l’étape” que sont Kingdee et Yonyou (voir note en fin d’article).

Même s’il vise davantage les grandes entreprises, il ne faudrait pas oublier un acteur tel que SAP qui a fait du marché chinois l’un de ses objectifs stratégiques, annonçant voici quelques années qu’il comptait y investir deux milliards de dollars d’ici à 2015. Un SAP qui a d’ailleurs, lui aussi, signé un accord avec Inspur…

Quoi qu’il en soit, s’allier avec un acteur local était un passage obligé pour Odoo, compte tenu des réglementations imposées par la Chine en matière de services cloud…

Une alliance indispensable pour s’attaquer au marché chinois

“Le marché de la PME en Chine est encore très fragmenté, et principalement en mode “on premise”, avec des solutions déployées et gérées sur site. Les offres cloud n’en sont qu’à leurs débuts”. Une opportunité que veut donc saisir Odoo. Mais impossible de s’aventurer sur le marché chinois par ses seuls moyens. Plus particulièrement lorsque le modèle commercial repose sur l’utilisation de ressources cloud.

“La Chine est différente du reste du monde de par la politique très protectionniste du gouvernement chinois”, constate Fabien Pinckaers

“A quelques exceptions près, le gouvernement chinois oblige à ce que l’actionnariat principal d’une société implantée en Chine soit chinois. Et il est également presque impossible d’obtenir les accréditations nécessaires, par exemple pour un logiciel de comptabilité certifié, si l’entreprise n’est pas chinoise.

La plupart des grands acteurs américains ont échoué en Chine. Voyez Google, supplanté par Baidu, YouTube par Youku, ou Uber par Didi. Les sociétés qui ont pu s’implanter avec succès – par exemple, SAP – l’ont souvent fait par le canal d’une joint venture avec un acteur chinois fort.”

Et les contraintes sont encore plus grandes dès que l’on parle cloud et Internet.

Les serveurs cloud Odoo seront nécessairement basés en Chine: “il ne peut pas en être autrement, à cause du firewall chinois. Le gouvernement bloque de nombreux accès à des sites extérieurs depuis la Chine. Google, par exemple, n’est pas accessible depuis la Chine.”

Raison supplémentaire de la création de la co-entreprise avec Inspur, joint venture qui sera propriétaire de l’infrastructure.

Autre raison, plus traditionnelle mais pas moins importante, de la convention passée avec le géant chinois: “accélérer la mise sur le marché. Grâce à un acteur comme Inspur, nous allons gagner quelques années dans le développement du marché chinois. Avec des bureaux dans 80 villes, et de nombreux partenaires IT, ils ont une force commerciale qu’il nous faudrait des années à monter nous-mêmes.”

Opérationnelle à la mi-avril

La co-entreprise a été constituée via une mise de capitaux de 5 millions de dollars. Elle se prénomme provisoirement Odoo Inspur, “créée à Hong Kong pour des raisons de protection légale. Nous créerons ensuite une filiale en Chine pour opérer le business pour lequel le nom n’est pas encore défini”, souligne Fabien Pinckaers.

Odoo délèguera un Chief Technology Officer (CTO) “afin d’assurer le succès du déploiement du logiciel et de gérer une équipe de 10 personnes chargées d’adapter et de personnaliser la solution aux réalités auxquelles font face les entreprises chinoises. De plus, des formations techniques, fonctionnelles et de ventes SaaS seront dispensées par des experts Odoo.”

Ce CTO n’a pas encore été désigné mais le sera par Odoo et devrait venir de ses rangs. Pour ce qui est d’autres collaborateurs belges (ou occidentaux), le principe suivi sera le suivant: “nous faisons intervenir des employés de chez Odoo lorsque c’est nécessaire. La semaine dernière, par exemple, un Belge est allé donner les formations techniques aux équipes de la joint venture. Souvent, ce seront des Chinois de notre filiale de Hong Kong qui interviendront, en cas de besoin, et pas des Belges, en raison de la barrière de la langue.”

La co-entreprise devrait être à pied d’oeuvre à la mi-avril. Les contrats devraient être finalisés avant la fin du mois de mars. “Nous avons cependant commencé à former les équipes, à construire la société et à préparer les documents marketing…”

Les deux “cibles”

Inspur est donc actuellement n°3 sur le marché chinois en termes de solutions ERP/gestion d’entreprise pour PME. Il est devancé par Kingbee et Yonyou.

Kingdee International Software Group, coté à la Bourse de Hong Kong et basé à Shenzhen, a passé un accord avec IBM en 2007, pour une action commerciale conjointe en matière de solutions marketing, SaaS, e-commerce ainsi que pour l’offre de solution cloud, de services applicatifs et de conseils.

Yonyou Software pour sa part (anciennement Ufida Software) est notamment un éditeur de solutions de gestion d’entreprise (ERP, CRM, SCM, aide à la décision/business intelligence, et comptables). [ Retour au texte ]