Vers une évaluation labellisante des applis mobiles d’e-santé?

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Par · 20/02/2018

Il ne s’agit encore que d’une proposition mais le cabinet de Maggie De Block a dévoilé une initiative de la ministre de la Santé publique concernant ce qui pourrait devenir une sorte de labellisation des applications mobiles d’e-santé. Potentiellement en vue de leur acceptation comme “dispositifs médicaux” dans les trajets de soins et de leur remboursement par la sécurité sociale.

Partant du constat que les patients ont de plus en plus recours à des applis mobiles pour suivre, voire gérer, divers aspects de leur santé (ou bien-être) et que la législation est plutôt en retard d’une ou deux guerres en la matière, la ministre Maggie De Block a formulé une proposition de cadre d’évaluation desdites applis qui permettrait de juger de leur “qualité”, intérêt et efficience.

Un label à trois étages

Absence “de réglementation, de cadre juridique, de modèle permanent pour la rémunération des prestataires de soins. La ministre De Block souhaite que cela change.”

Sa proposition? Instaurer un cadre d’évaluation organisé en trois strates ou catégories, dans lesquelles les applis mobiles seraient classées.

Premier niveau: obligation de répondre à un certain nombre de “critères de base”. Des critères relativement basiques, destinés à écrémer la myriade de solutions et ne retenir que celles qui sont au minimum sérieuses: “les appareils et applications doivent fonctionner comme promis – par exemple, surveiller le pouls d’un patient –  tout en respectant la réglementation en matière de vie privée et de sécurité des données”.

Au deuxième étage de la “pyramide” d’évaluation, on retrouverait les applis “en mesure de communiquer avec d’autres applications de santé mobile officielles dans notre pays” et répondant à certaines conditions de base [qui, elle aussi, doivent encore être définies].

Troisième palier, le plus “vertueux”: des applis “dont l’utilisation a démontré une plus-value sur le plan économique de la santé”. Les applis qui satisferaient à ce troisième niveau d’exigences auraient droit à un “modèle de financement sur mesure”.

Travaux en cours

Mais il ne s’agit donc encore que d’une proposition, d’une idée lancée sur la table, “préparée en concertation avec le secteur et les administrations compétentes”, qui devra encore recueillir réactions, éventuelles contre-propositions et ajouts. Le cabinet de Maggie De Block le reconnaît d’ailleurs, les parties prenantes qui se sont lancées dans la formulation de ce “modèle d’évaluation” sont encore “en train de l’élaborer”…

But recherché, avec cette structuration en trois niveaux? “Permettre d’évaluer si une place peut être attribuée aux applications dans le cadre des soins de santé réguliers et, le cas échéant, laquelle.”

Qu’impliquera pour un concepteur d’appli de voir sa création atteindre ou avoir droit d’être classée au niveau 1, 2 ou 3? A quoi donneraient droit les 3 niveaux? A un remboursement, à un droit d’utilisation par les professionnels des soins de santé, à un sceau “qualité” permettant au patient de choisir en meilleure connaissance de cause?

Réponse du cabinet: “La pyramide ne confère pas des “droits”. Elle sert surtout à donner des garanties en termes de qualité et de sécurité des applications. Par exemple, si une appli qui satisfait à toutes les conditions de base (niveau 1), un prestataire de soins pourra la conseiller à son patient ou sa patient, en ayant l’esprit tranquille.

Le niveau 2 implique que l’appli est également en mesure de communiquer avec d’autres applications e-santé. Les applis qui auront reçu le “sceau” Niveau 3 seront celles qui auront démontré leur capacité à produire des avantages économiques. Pour cette catégorie, un modèle de financement sera élaboré, sur mesure pour chaque appli.” Là encore, on attend d’en savoir plus que la manière dont cette “plus-value économique” sera évaluée et hiérarchisée, et selon quels critères.

Une matière en constante évolution

Quiconque est un tantinet familier avec le monde des applis le sait: ces petites bêtes ont pour habitude de “pivoter”, de muter – parfois radicalement – en moins de temps qu’il faut pour les acheter et les installer. La version suivante comporte de nouvelles fonctionnalités, revient sur certains concepts de base – en ce compris les finalités visées et l’usage qui est fait des données perso.

L’évaluation faite de la version x.0 sera donc potentiellement remise en question par l’arrivée de la version +1 ou +6. Comment dès lors évaluer l’appli au gré de ses évolutions au fil du temps? Le cabinet de Maggie De Block n’offre pas encore de réponse sur la méthode: “C’est là quelque chose que l’on va définir dans les semaines à venir. Il est déjà clair que nos administrations joueront un rôle dans ce processus.”

Autre question: toutes les applis mobiles e-santé sont-elles concernées? “Il doit bien entendu s’agir d’applis qui peuvent jouer un rôle dans la santé d’un individu. Selon le niveau qu’elles veulent atteindre – 1, 2 ou 3 – , elles devront satisfaire à des conditions et critères clairs. Mais il y aura bien sûr aussi des applis qui seront intéressantes et utiles et qui ne voudront pas entrer dans ce système de validation.”

La “pyramide” ne sera donc pas un passage obligé, juste une sorte de geste de bonne foi et/ou volonté. On a hâte d’en apprendre plus à mesure que l’idée se peaufinera…

Quelle sera la suite?

Les initiateurs vont continuer de plancher sur la structuration de la “pyramide” au cours des prochaines semaines. La proposition sera par ailleurs examinée et débattue avec divers organismes qui sont chargés d’élaborer un tel système de validation. Sont concernés, en l’occurrence: l’AFMPS (Agence fédérale des médicaments et des produits de santé), le SPF Santé publique, l’INAMI, la plate-forme e-Santé mais aussi les fédérations sectorielles Agoria et beMedTech…