Ipoome: campagnes de crowdfunding assistées par… IA

Article
Par · 26/01/2018

Pour le bouclage de la 12ème édition de son “Boostcamp”, programme d’accompagnement de projets numériques/IT, le MIC Bruxelles avait introduit un nouvel ingrédient dans la traditionnelle soirée de pitch devant jury à laquelle les néo-entrepreneurs se soumettent. Voir un bref descriptif des  projets en fin d’article.

L’équipe du Microsoft Innovation Center s’était en effet tournée vers la start-up française Ipoome (qui débarque chez nous), auteur d’une plate-forme de crowdfunding, afin de la mettre dans la boucle et d’offrir ainsi aux porteurs de projets une tribune via laquelle tenter de lever de premiers fonds.

Pourquoi avoir sollicité Ipoome plutôt qu’une autre – plus locale? Parce que cette jeune pousse française a eu l’idée de baser sa plate-forme sur des outils d’intelligence artificielle. C’est un “agent intelligent”, répondant aux règles édictées par des algorithmes concoctés sur mesure, qui est à la manoeuvre.

Dans le chef du MIC Brussels, c’est là une première expérience voire un test. Le but est de déterminer si le fait de mettre dans la boucle, dès le stade d’un projet encore prototype, un mécanisme de financement par les fameux 3F (“family, friends & fools”) peut réellement servir de levier utile pour les projets.

Lors de la soirée de clôture du programme Boostcamp, il n’y a pas eu d’opération de levée de fonds proprement dite – pour la simple et bonne raison qu’Ipoome n’opère des campagnes de crowdfunding que pour des sociétés déjà constituées (voir plus loin). Toutefois, les personnes appartenant au premier cercle de contacts des porteurs de projet, qu’ils aient été présents dans la salle ou qu’ils fréquentent les mêmes réseaux sociaux (LinkedIn, Facebook…), ont eu et auront encore la possibilité de déclarer leur intention d’investir dans le projet. Pour ce faire, il leur suffit de s’inscrire sur la plate-forme Ipoome) et de livrer certains renseignements – en ce compris des informations sur leur “expérience financière” (patrimoine, historique d’investissement, propension à investir dans une société cotée ou non en Bourse, préférence pour de l’investissement sous forme de capital ou de prêt…).

Les outils d’intelligence artificielle d’Ipoome valideront leur “profil”, évalueront leur potentiel à devenir des crowdfunders et, lorsque le projet présenté au MIC deviendra réellement société, le petit robot Ipoome recontactera, projet par projet, les candidats-investisseurs identifiés en vue d’un véritable passage à l’acte.

Premiers pas en Belgique

Ipoome a vu le jour en France en septembre 2017. La start-up est une émanation de Hoolders, une plate-forme de co-investissement entre particuliers et investisseurs professionnels.

La clientèle à laquelle s’adresse Ipoome est (très) majoritairement faite de PME, de TPE et de start-ups. “Tous ceux dont la taille modeste ne permet pas de s’adresser à des banques ou à des business angels qui ne sont pas prêts à financer leurs projets, soit par manque de connaissance de leur secteur, par désintérêt ou par réticence par rapport au risque qu’ils estiment courir”, souligne Guillaume Tourniaire, co-fondateur d’Ippome.

La plate-forme s’adresse aussi bien à des sociétés high tech qu’à de petites entreprises – ou indépendants – aux métiers plus traditionnels (bouchers, artisans, sociétés de service…).

A ce jour, en France, Ipoome a permis le financement d’une dizaine de sociétés, dont 10% de start-ups, la majorité évoluant dans les secteurs traditionnels. Moyenne des fonds levés: 60.000 euros pour les dossiers de financement en capital, 25.000 euros pour le financement sous forme de prêt.

Si Hoolders est présente en Belgique depuis l’année dernière (elle a établi ses quartiers à l’ICAB à Bruxelles), l’arrivée de la plate-forme Ipoome chez nous est toute récente puisqu’elle date du début 2018. Pour l’heure, la gestion technique et administrative de la plate-forme de crowdfunding pour d’éventuelles campagnes locales continuera d’ailleurs de se faire au départ de la France.

De premiers contacts ont été établis avec quelques sociétés mais sans encore de concrétisation. La petite équipe belge Ipoome/Hoolders commence par ailleurs à se tourner vers les incubateurs et accélérateurs locaux pour leur offrir ses services et les gagner à sa cause de crowdfunder. L’accord passé avec le MIC Bruxelles est la première concrétisation de cette stratégie.

Aux yeux de Guillaume Tourniaire, le marché belge est tout-à-fait intéressant. Non seulement en raison de la grande majorité de TPE et de PME qui le compose mais aussi en raison de la “densité” de start-ups.

“Il y a 500.000 entreprises en Belgique dont 95% emploient moins de 10 personnes. C’est très exactement notre cible. Des études ont démontré que 50% des entreprises ont besoin de financement chaque année. Un tiers seulement trouvent écho du côté des banques.

Pour ce qui est des start-ups, on en compte 500 en Belgique. Sur un total donc de 500.000 sociétés. En France, on en compte environ un millier pour un total de 2,1 millions de sociétés.”

Conditions pour pouvoir initier une campagne de crowdfunding via Ipoome? Être une société de plein exercice. Condition nécessaire pour que la start-up puisse opérer en respect avec les contraintes des autorités financières (l’AMF en France, la FSMA en Belgique), en étant à même de livrer aux autorités tous les “indices” nécessaires (numéro de TVA, inscription à la BCE, statut, adresse…) prouvant que ses clients sont bel et bien des sociétés et qu’il n’y a pas de risque de blanchiment d’argent.

Dès lors, pourquoi Ipoome a-t-il passé un partenariat avec le MIC Bruxelles dans le cadre de son programme d’accompagnement Boostcamp où les projets ne se sont pas encore transformés en start-ups ou entreprises?

“Parce que les jeunes sociétés sont évidemment confrontées aux mêmes obstacles que le PME et TPE et parce que le principe d’Ipoome qui est de solliciter le premier cercle de contacts est particulièrement valable dans leur cas. Convaincre des business angels ou des personnes en-dehors du premier cercle est encore plus compliqué pour elles parce qu’elles ne sont pas en mesure de les rassurer, de faire état d’une équipe, de démontrer leur capacité d’exécution, de présenter des comptes, des clients, un chiffre d’affaires…”

Mon acolyte financier est un robot

L’originalité de la plate-forme de crowdfunding Ipoome est de recourir à des algorithmes et à un “agent intelligent” pour prendre en charge toute une série de tâches qui, sur d’autres plates-formes, doivent être assurées tant par le gestionnaire de la plate-forme que par les sociétés ou porteurs de projets qui y lancent une campagne d’appel à financement. Des tâches telles que l’identification des investisseurs potentiels, l’animation d’une communauté ou l’envoi de messages.

Guillaume Tourniaire (Ipoome): “Nous visons le premier cercle parce que les gens investissent surtout sur base de la connaissance qu’ils ont de la personne qui porte le projet.”

Avec Ipoome, c’est le “robot” qui analyse les opportunités d’investissement, sélectionne et sollicite les investisseurs potentiels, les met en relation avec le porteur de projets, assure les relances… Cet agent virtuel s’appuie sur un algorithme en partie conçu sur mesure pour chaque client par les développeurs Ipoome, en fonction de la nature de son projet, de son domaine d’activités, de ses besoins.

Mais de quelles données “se nourrit” l’algorithme pour opérer? D’une part, de données factuelles fournies par la société qui se lance dans l’opération de crowdfunding: chiffre d’affaires, informations sur ses clients, ses fournisseurs…

D’autre part, de données concernant l’entrepreneur, puisées sur les réseaux sociaux qu’il fréquente (LinkedIn, Facebook…), les personnes avec qui il est en relation sur ces réseaux, le “comportement” de ces contacts par rapport à son projet ou le thème de ce projet…

Le tout est croisé avec des données que l’équipe Ipoome/Hoolders a collectées au gré des précédentes campagnes de financement d’entreprises. Ces données “historiques” ou contextuelles sont malaxées et interprétées par des mécanismes de machine learning afin d’en déduire des éléments décisionnels qui seront appliqués à la campagne de crowdfunding du nouveau client.

Le robot passe au crible toutes ces données et évalue la probabilité qu’auront les contacts de l’entrepreneur d’investir dans son projet. Si le seuil de 80% est atteint, le robot les contacte, les sollicite et au besoin les relance via divers canaux (mail, SMS, réseau social…).

Une certaine dose d’intervention humaine demeure évidemment nécessaire. “Pour toute mise de fonds supérieure à 5.000 euros, un contact direct est assuré avec l’entrepreneur, histoire de rassurer l’investisseur.”

Premier cercle

L’opération de recherche automatisée de crowdfunding vise donc le “premier cercle” des porteurs de projets, à savoir des personnes avec qui ils ont noué des contacts plus ou moins étroits, plus ou moins “conscients” et suivis.

Pour une raison toute simple, explique Guillaume Tourniaire: “au fil des campagnes de financement que nous avons organisées et accompagnées, nous avons pu constater que les gens investissent surtout sur base de la connaissance qu’ils ont de la personne qui porte le projet. Lorsqu’ils la connaissent parce que c’est un ami, une connaissance, un ancien collègue, un client…, ils sont davantage prêts à investir.”

Les 8 projets du 12ème MIC Boostcamp (Bruxelles)

Le premier prix a été décerné au projet massim.io, une solution cloud qui met de la puissance calcul à disposition de développeurs, chercheurs et ingénieurs afin de leur permettre d’effectuer à moindre coût des calculs de simulation et d’optimisation de leurs logiciels ou algorithmes. Parmi les secteurs visés: la construction, l’automobile, le médical…

Deuxième projet récompensé: Designer4me, un portail qui permet de mettre en relation directe clients et designers de mode. L’idée est, d’une part, de permettre à chacun de se commander des vêtements qui correspondent à sa silhouette (et pas uniquement à des mensurations standard) et à ses goûts, et, d’autre part, de se payer des vêtements originaux et de qualité, en démocratisant le principe-même des vêtements sur-mesure. L’idée s’apparence à un projet financé par crowdfunding sur une plate-forme du genre KickStarter: un consommateur imagine un vêtement avec un ou une designer, pré-commande. La production sera lancée si suffisamment de personnes commandent ce modèle, le rendant rentable pour le designer. La sollicitation de personnes potentiellement intéressées à acheter le modèle se fait sur base de recommandations, envoyées aux “cibles” sur base d’outils analytiques.

Autres projets:

Casalta: une appli de gestion de recherche immobilière qui concilie offre et demande en s’appuyant sur l’analyse de données géolocalisées qui révèlent les préférences et habitudes de vie des individus (mobilité, loisirs, lieu de travail…).

StartMyCompany: un service en-ligne pour faciliter les démarches d’un candidat-entrepreneur: comptable, notaire, administration, banque…

Ugo: pour repérer plus aisément sur les réseaux sociaux les opportunités en termes d’emploi, de compétences ou de contacts RH intéressants.

Hexeko: une plate-forme de réservation de séances de sport pour collaborateurs de sociétés.

Landfriend: une appli d’e-commerce direct entre producteurs fermiers et consommateurs.

Mygrants.online: une solution de gestion administrative de subventions pour asbl.

[ Retour au texte ]