BeHealth Hackathon: des projets inspirés par les professionnels de la santé

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Par · 12/12/2017

Début décembre, le cluster Lifetech.brussels organisait, conjointement avec l’Union nationale des Mutualités libres, un hackathon national consacré à l’e-santé. Particularité: la volonté des organisateurs de faire germer et, si possible, de pérenniser des projets au scénario solide, qui soient initiés et portés par des professionnels de la santé et qui répondent dès lors à des besoins pré-identifiés.

Le week-end fut préparé plusieurs mois à l’avance par un exercice de collecte et de sélection de besoins. Les participants ont ainsi pu piocher parmi 9 “défis santé” pré-qualifiés pour imaginer des solutions basées sur le numérique: suivi de l’après-accouchement, implication des personnes âgées dans le suivi de leur santé (notamment pour les soins post-hospitaliers), traitement des cicatrices de brûlures, rupture de l’isolement des personnes âgées, coordination du parcours de soins pour des malades chroniques…

“Nous avons également veillé à ce que que chaque équipe comporte un nombre équilibré de professionnels de la santé, de développeurs, de personnes à orientation commerciale”, ajoute Azèle Mathieu, directrice de Lifetech.brussels.

Des prix… sous condition

Autre mesure prise par les organisateurs pour augmenter les chances que les projets portés pendant le hackathon continuent leur petit bonhomme de chemin: plusieurs des prix décernés aux projets lauréats sont directement liés au “jour d’après”. Par exemple, et assez classiquement, de l’accompagnement par Lifetech.brussels avec possibilité de poser sa candidature pour participer au programme d’accélération que propose le cluster. Mais aussi, un prix de 10.000 euros octroyé par la Fondation Roi Baudouin et Innoviris qui reviendra à… la première équipe ayant transformé son projet en véritable start-up.

L’Union nationale des Mutualités libres, co-organisateur du hackathon, dit quant à elle vouloir continuer à accompagner deux projets: d’une part, un projet de télémonitoring; de l’autre, un projet Baby and Mum qui imagine une appli pour assurer le suivi du retour à la maison après accouchement.

Quant à Lifetech.brussels, en plus des porteurs de projets qui postuleraient et seraient éventuellement retenus pour la prochaine édition de son programme d’accélération, il restera impliqué dans le projet “e-Finger” porté par le CPAS de Saint-Gilles (voir ci-dessous) et de manière plus large dans le projet “Quartier Aide et Soins” que le CPAS a initié en partenariat avec divers acteurs des soins de santé (médecins, hôpitaux…) afin d’améliorer les parcours de santé.

Les 3 projets lauréats

e-Finger

Le prix du “meilleur scénario business” a été décerné à un projet de “passeport médical” pour personnes âgées, porté par le CPAS de Saint-Gilles.

La problématique qu’il espère résoudre: la prise en charge, par les hôpitaux, de personnes âgées qui aboutissent aux urgences sans pouvoir être identifiées. Ce peut être le cas, par exemple, en cas d’accident ou de vol avec violence. Ce genre de situation est plutôt fréquent: jusqu’à 6 personnes par jour et par hôpital à Bruxelles !

Ce genre de situation entraîne des coûts (estimés à 4 millions d’euros par an pour l’ensemble des hôpitaux du pays), des pertes de temps, ainsi que des problèmes pour organiser le suivi médical après la sortie de l’hôpital. D’où l’idée de constituer une base de données centralisée qui se contente toutefois d’un minimum d’informations afin de respecter la vie privée de ces patients potentiels.

Le hackathon a permis d’identifier et de tester le dispositif qui servira à l’identification. Après étude de terrain, les préférences des “cobayes” se sont portées sur l’identification par empreinte digitale.

Le projet prévoit dès lors le déploiement de dispositifs de collecte d’empreinte et de constitution d’une mini-fiche personnelle dans une série de lieux bruxellois en contact avec un public de personnes âgées: services population des administrations communales, CPAS, services d’aide à domicile, maisons de repos…

Les données collectées se limiteraient dans un premier temps aux nom et prénom, adresse, personne à contacter en cas de problème, nom et coordonnées de l’éventuelle assistante sociale ou aide à domicile, médecin et pharmacien personnels. Dans un deuxième temps, la possibilité d’intégrer cette mini-fiche d’urgence au dossier médical sera envisagée. “Le budget estimé du projet se monte à 137.000 euros”, déclare Valentina Silva, chef de projet CPAS de Saint-Gilles. “Si nous pouvons obtenir l’aide des communes et des mutuelles, il est parfaitement faisable. L’économie potentielle pour la Région bruxelloise est de 930.000 euros…”

e-Posas

e-Posas est une application d’e-santé dédiée au suivi du traitement de brûlures et des cicatrices qui en sont la conséquence. Ce projet, dont l’idée initiale vient d’une chercheuse d’Oscare, centre de recherche et de soins spécialisés dans les brûlures et cicatrices (Université d’Anvers), a vu deux start-ups collaborer afin de combiner leurs solutions respectives.

Awell, jeune société bruxelloise spécialisée dans l’automatisation du suivi multidisciplinaire des trajets de soins (via des plates-formes hébergées dans le cloud), avait déjà imaginé une appli qui remplace le traditionnel formulaire papier Posas (Patient and Observer Scar Assessment Scale, autrement dit une échelle d’évaluation des cicatrices applicable à la fois par le patient et par l’observateur de soins).

Son application rend plus efficace la collaboration entre les différents acteurs de la chaîne de santé (médecins, infirmières…) qui interviennent tout au long du parcours de soins, parfois long, menant à la guérison complète d’une brûlure (dans les cas les plus graves, ce parcours peut se chiffrer en années).

Lors du hackathon, Awell a fait équipe avec Andaman7 pour rendre la solution davantage utilisable à la fois par les professionnels des soins de santé et par les patients. Grâce à l’intégration qui a été entamée entre les deux applis, les patients seront désormais mieux à même de conserver et de réactualiser, tout au long du parcours de soins, les informations sur l’évolution de leur cicatrice.

Outre la dématérialisation du formulaire Posas, la solution automatise l’envoi, au bon moment et à la bonne personne, des documents et messages, permet de mesurer précisément la longueur de chaque étape du traitement, recueille les commentaires au quotidien, permet d’établir une ligne du temps. La fonction photo du smartphone permet d’illustrer précisément l’évolution de la brûlure ou cicatrice et d’indiquer au soignant l’endroit spécifique qui pose par exemple problème. En 2018, l’équipe d’Awell envisage de doter sa solution d’une fonction chatbot qui déchargerait le personnel soignant d’une partie des questions récurrentes et classiques auxquelles apporter une réponse au patient.

Awell et Andaman7 sont bien décidées à finaliser le processus d’intégration de leurs deux solutions et de la proposer à terme aux autres centres de traitement des brûlés.

A noter encore que lors du hackathon, Awell et Andaman7 se sont aussi intéressées à deux autres projets participants qui pourraient bénéficier d’une intégration similaire. A savoir, une application de suivi de la sclérose multiple et le projet Baby and Mum, pour le suivi du retour à la maison après accouchement.

Hi Claude

Désormais, assurer, au quotidien, le suivi de ses constantes devient de plus en plus aisé grâce à des dispositifs médicaux (ou de type lifestyle) connectés, qui envoient les données collectées vers des smartphones ou des montres connectées. Quand ce n’est pas ces derniers, via des applis, qui jouent eux-mêmes ce rôle.

Toutefois, tout le monde n’est pas prêt à adopter ce genre de systèmes jugés trop invasifs ou trop complexes. C’est notamment le cas pour des personnes plus âgées ou de purs technophobes. Et c’était là le défi qu’une équipe du hackathon a voulu relever.

Elle a donc imaginé un système de télésurveillance qui se passe de smartphone. Bien entendu, des dispositifs connectés restent nécessaires et l’avenir dira si les choix imaginés sont plus “acceptables”…

Simulation du futur dispositif connecté Hi Claude

La solution repose sur un dispositif connecté, baptisé Hi Claude, qui a pour mission de centraliser les données médicales connectées (taux de glucose, fréquence cardiaque, prise de température…). Toutes les communications entre dispositifs s’effectuent via Bluetooth. Ce “Hi Claude” qui, à terme, prendra la forme d’un petit plateau avec écran incorporé, a une double fonction: d’une part, relayer, via connexion 3G/4G, les données médicales vers le médecin ou, par exemple, la centrale de soins à domicile, et de l’autre, servir de “pense-bête intelligent” et de source de conseils pour le patient. Par exemple, pour l’avertir que telle constante dépasse la norme et qu’il devrait appeler d’urgence son médecin, que tel médicament doit être pris, etc.

Le dispositif Hi Claude est présenté comme étant “sécurisé” dans la mesure où les données qu’il transmet à l’extérieur sont cryptées (OpenSSL v3) et que les données qu’il centralise ne pourront être consultées que par les personnes autorisées. Si le projet se transforme en start-up, l’équipe promet de “ne pas détenir les données et d’en laisser le contrôle complet au patient et/ou au centre de soins du patient.”

Pour ce qui est de la consultation des données au sein du domicile, il suffira au patient d’appuyer sur un bouton pour que Hi Claude le renseigne. L’équipe a également pensé à restreindre l’accès aux données en ayant recours à… une montre connectée. Seul le porteur de la montre (le patient) pourrait activer le dispositif Hi Claude. Mais ce scénario doit encore être validé – notamment pour être sûr que le modèle choisi ne transfère pas les données vers son fabricant ou un autre destinataire ! Des tests avec des patients doivent encore être organisés “pour analyser leurs retours avec cette solution.”

Précaution supplémentaire imaginée pour respecter la vie privée au maximum: “l’interface vocale se contente de dire que tout s’est bien passé pendant la journée. Ceci empêche tout autre utilisateur d’avoir accès aux données exactes”, souligne Gilles Fernandez, membre de l’équipe.

Les modalités exactes de communication n’ont toutefois pas encore été totalement déterminées: “nous comptons développer une application pour le centre de soins qui configurera l’appareil en fonction des besoins et demandes du patient. Par exemple, envoi ou non des données au centre de soins, communication orale ou non des résultats. En effet, certains patients ne désirent pas avoir le détail des résultats, juste savoir si tout va bien… ou pas.”

Le choix de l’interface vocale, par contre, a été fait. Ce sera IBM Watson. Cette interface a été privilégiée à des “assistants” que l’on rencontre davantage dans des environnements domestiques, tels que l’Alexa ou l’Echo d’Amazon ou Google Home, notamment pour des raisons de confidentialité (“Google réutilise les données transmises, dans tous les cas”) et de plus grande souplesse d’adaptation des API.

Outre la voix, Hi Claude est aussi doté d’une fonction d’alerte visuelle, également prévue sur la montre du patient. En cas de dépassement des normes ou de nécessité de rappeler une prise de médicament, l’appareil clignotera. Par ailleurs, toujours dans le but d’offrir une solution aussi simple et “techno-invisible” que possible, l’équipe imagine une information régulière du patient qui continuerait, en parallèle, de se faire sur papier, avec envoi hebdomadaire d’un petit rapport synthétisant l’évolution des constantes.

Le dispositif pourrait être utilisé dans différents contextes: télésurveillance de personnes âgées, de suivi post-opératoire à domicile, de malades chroniques…