Dalberg Data Insights: une start-up entièrement dédiée au “data for good”

Article
Par · 03/03/2017

Sept collaborateurs de Real Impact Analytics, société spécialisée dans l’analytique de big data, créent ce qu’on pourrait appeler une “spin-off”. Nom de baptême: Dalberg Data Insights.

Cette création d’un rejeton autonome s’explique de différentes manières. D’une part, la volonté de scinder plus clairement les projets à forte connotation sociétale – le “data for good” – des activités nettement plus commerciales.

D’autre part, comme l’expliquent Alexis Eggermont et Frédéric Pivetta, les deux fondateurs de la nouvelle entité, par “le fait est que Real Impact Analytics butait contre un plafond de verre. La société rencontrait des limites en termes de financement de ce genre de projets, de connaissances dans certaines thématiques telles que l’énergie ou les épidémies, et de compétences en gestion et analyse stratégique.

Jusqu’à présent, nous avions développé des solutions pour des problématiques spécifiques. Par exemple, les problèmes de mobilité dans une ville africaine. Nous voulions pouvoir intégrer nos développements dans une perspective plus stratégique, les déployer de manière plus large, prendre en compte les problématiques de réglementations nouvelles à mettre en oeuvre, mettre nos outils à disposition dans des environnements plus ouverts en termes de propriété intellectuelle…”

Voulant poursuivre et développer davantage ces projets analytiques big data à finalité sociétale, humanitaire ou environnementale, Real Impact Analytics devait donc trouver un nouveau modèle.

Alexis Eggermont: “Nous voulions pouvoir intégrer nos développements dans une perspective plus stratégique.”

D’où la décision de s’appuyer sur Dalberg Global Development Advisors, cabinet de conseil en stratégie et politique, habitué à apporter son expertise des “problématiques de développement et d’innovation” à des gouvernements, fondations, ONG et autres institutions internationales. “Dalberg, c’est 400 personnes réparties dans 15 pays”, souligne Alexis Eggermont. Avec des expertises spécifiques dan des domaines aussi variés que l’agriculture et la sécurité alimentaire, l’accès à l’énergie, l’assistance humanitaire et la nutrition, ou encore l’inclusion économique.

Au-delà de l’expertise, s’allier à Dalberg ouvre de nouvelles portes à l’équipe, en ce compris dans des régions où Real Impact Analytics n’était pas active (en Asie, notamment). Et ces portes devraient s’ouvrir tant côté clients potentiels que partenaires de financement des projets. Jusqu’à présent, les projets de Real Impact Analytics avaient essentiellement été financés par l’ONU ou des fondations américaines. Désormais, le champ s’élargit à l’Union européenne, à la Coopération au développement et à d’autres contributeurs.

“La Coopération au Développement belge finance déjà des projets en Afrique”, souligne Frédéric Pivetta. “Par contre, la Coopération au Développement de la Commission européenne ne le fait pas encore. Fin mars, je me rends  en Australie pour participer à une séance de travail de plusieurs jours sur la digitalisation de la Coopération au Développement de la Commission européenne, justement pour parler de ce sujet…”

Premiers projets

Puisant dans le portefeuille hérité de Real Impact Analytics, la nouvelle société est déjà engagée dans divers projets.

Deux exemples: le développement d’un modèle prédictif de la propagation du virus zika (transmis par le moustique tigre) pour le ministère brésilien de la santé et l’étude analytique des problèmes de mobilité et de sécurité alimentaire en Ouganda. Dans ce dernier cas, le “client” est une agence des Nations-Unies qui a confié à Dalberg Data Insights le soin de développer une application qui détecte les crises alimentaires dans des zones difficiles d’accès.

Anticiper la propagation d’une épidémie de malaria en analysant les mouvements de population révélés par leurs smartphones…

Pour ses débuts, Dalberg Data Insights vise surtout l’Afrique et, dans une moindre mesure, l’Amérique latine. Le réseau du cabinet Dalberg devrait aussi lui ouvrir les portes de l’Asie. “Nous voulons par ailleurs étendre les problématiques auxquelles nous nous attaquons”, déclare Alexis Eggermont. “Notamment l’énergie et l’agriculture. Certains domaines exigeront de nouvelles expertises. Par exemple, l’inclusion financière, la mobilité… Les experts de Dalberg seront donc très utiles.”

Dalberg Data Insights ne se donne pas réellement de priorités ou de préférences thématiques. Toutefois, elle appliquera certains critères pour la sélection et l’acceptation de projets. “A commencer par l’importance du projet et la possibilité de résoudre le problème qui est posé dans d’autres pays. La pertinence pour diverses géographies est nécessaire pour du scale-up.” Autrement dit, une reproductibilité de la solution qui serve à la fois les intérêts de la société et ceux de la planète…

Le financement des missions se fait pour l’instant au coup par coup, projet par projet. US Aid, par exemple, finance le projet brésilien. Le nerf de la guerre viendra de fondations (Bill Gates, MasterCard…), de gouvernements… “Mais nous recherchons une assise plus large, un financement plus récurrent et nous espérons obtenir de financements supplémentaires, plus européens”, confirme Alexis Eggermont

“Mais cela ne viendra que dans un second temps. Il nous faut d’abord prouver la maturité des solutions. Or, à l’heure actuelle, le marché de l’analytique prédictif, à des fins sociétales, est encore très neuf. Les ONG ne sont pas encore habituées à recourir à ce genre d’outils. De la récurrence n’est donc pas encore possible.

Contrairement à des projets qui sont menés pour des sociétés privées, qui sont à la fois les commanditaires et les payeurs, les finalités sociétales qui sont celles de Dalberg Data Insights impliquent 4 types d’acteurs: le fournisseur des jeux de données, l’organe qui finance le projet, nous-même pour le développement, et l’utilisateur (client) final. Créer ce genre de modèle va prendre du temps.” La récurrence, selon lui, ne viendra sans doute qu’en 2018 ou 2019.

Diversifier les sources de données

Frédéric Pivetta: “Nous développerons notre propre propriété intellectuelle dans un monde qui demande d’ouvrir ce code au maximum pour en enrichir l’impact.”

Pour ses activités d’analytique prévisionnelle, Real Impact Analytics s’est jusqu’ici appuyée sur des jeux de données venant d’opérateurs télécoms. Les déplacements et les comportements communicationnels des usagers permettent en effet, tout en veillant à ne travailler que sur des agrégats anonymisés (par souci du respect de la vie privée), de déduire toute une série d’informations: préférences d’achats, risques de congestion urbaine, schémas de diffusion de maladies…

Dalberg Data Insights, elle aussi, s’appuiera sur ces données télécom. Tout simplement “parce qu’il existe peu d’autres jeux de données dans les pays émergents”. Mais elle désire aller plus loin et convaincre d’autres acteurs (banques, acteurs de la grande distribution, opérateurs de satellites, administrations publiques…) de lui ouvrir l’accès à leurs données.  “Cela permettrait de compléter et de donner plus de précision aux conclusions tirées de l’analyse des données de télécommunication.”

Quelles relations entretiendront Real Impact Analytics et Dalberg Data Insights (DDI)? Les contacts noués par la première avec les opérateurs télécoms seront essentiels pour la nouvelle entité. Dalberg Data Insights bénéficiera d’une licence perpétuelle auprès de Real Impact. La propriété intellectuelle de tout ce qui a été développé à ce jour par Real Impact demeure évidemment dans son escarcelle mais DDI pourra donc l’exploiter et l’enrichir. “Nous développerons par ailleurs notre propre propriété intellectuelle dans un monde qui demande d’ouvrir ce code au maximum pour en enrichir l’impact.”

Elle peut pour ce faire s’appuyer sur une équipe qui inclut à l’heure actuelle deux data scientists et qui dispose de compétences en apprentissage automatique (machine learning), visualisation et agrégation de données…

Frédéric Pivetta: “nous réfléchissons aux mécanismes à mettre en oeuvre pour garantir qu’aucune loi ou réglementation locale n’est enfreinte et que les résultats livrés par les algorithmes sont acceptables d’un point de vue éthique. Par exemple, en ne permettant pas d’identifier un groupe politique ou une ethnie…”


Constitution du capital

Alexis Eggermont et Frédéric Pivetta sont les actionnaires majoritaires. Autres partenaires de la nouvelle entité: Dalberg et Real Impact Analytics.