Inoopa: j’e-commerce ou je m’abstiens?

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Par · 04/07/2016

Faut-il ou non se lancer dans l’e-commerce? Cela a-t-il un sens pour un petit commerçant, compte tenu de ses spécificités, de son créneau, de son environnement? Quelle rentabilité espérer? Doit-on mettre l’accent sur la visibilité, la réputation, la complémentarité avec le magasin physique?

Autant de questions existentielles qui, pour beaucoup de petits acteurs, restent souvent sans réponse faute d’expertise, de bons interlocuteurs… Ou faute de moyens pour investir dans une étude de faisabilité, dans une tentative-pilote…

Les PME qui se lancent dans l’e-commerce ne le font pas non plus forcément à-propos.

”66% des activités on-line des PME ne sont pas rentables. Pour de multiples raisons: manque de compétences en matière de référencement naturel, d’analytique, b ack-office inadapté, carences logistiques, offre qui n’est pas positionnée à l’international alors que le marché intérieur est trop exigu…”

Jean-Pol Boone: “66% des activités on-line des PME ne sont pas rentables.” (Statistique d’origine française)

Souvent, la petite société ou le petit commerçant n’est pas en mesure d’analyser les critères qui font que son projet est porteur, rentable ou non. “Il arrive aussi bien trop souvent que les PME et TPE fassent confiance à des prestataires qui leur promettent monts et merveilles, signent aveuglément des contrats à long terme sans visibilité sur le retour sur investissement, déboursent de grosses sommes pour du conseil non pertinent…”

Jean-Pol Boone est l’animateur du “pôle” IT/digital de BeAngels et siège au comité de sélection du fonds d’investissement W.IN.G. Il a créé ou dirigé plusieurs sociétés ayant axé leurs activités sur les transactions en-ligne: Outlet Avenue, foto.com, ShopInvest.

Jean-Noël Chamart a lui aussi quelques co-créations de sociétés à son actif: Mediadis, Venyo, eCommerceConsultants, WebDirect.

C’est pour tenter de gommer ces obstacles, ne serait-ce qu’en partie, que le projet Inoopa, initié par Jean-Pol Boone et Jean-Noël Chamart (voir leur CV minute en encadré ci-contre), a vu le jour. Il s’agit d’un audit en-ligne, relativement simple et rapide, qui permet de tirer de premières conclusions et d’orienter la PME, la TPE, la start-up ou le simple porteur de projet dans telle ou telle direction numérique.

Inoopa se positionne comme  un outil de premier diagnostic, démocratique, qui minimise l’effort et l’investissement puisqu’il repose sur une série de questions simples auxquelles répondre via un questionnaire en-ligne et sur une analyse automatisée des informations fournies par l’aspirant e-commerçant.

Y aller ou pas…

Le but de l’outil d’Inoopa – “être in ou… pas” – est donc d’aider un porteur de projet à décider de l’opportunité de se lancer ou non et de la manière de le faire.

Chaque situation est particulière. A la question “dois-je me lancer dans l’e-commerce?”, la réponse de l’outil sera donc parfois négative ou bourrée de mise en gardes.

Exemple cité par Jean-Pol Boone: “un coiffeur n’a pas intérêt à lancer une e-shop [pour y vendre par exemple des produits de soins des cheveux].” Et cela, pour des raisons objectives, logiques: produits que l’on retrouve sur d’autres plates-formes à meilleur prix (parce que ces opérateurs peuvent négocier des volumes plus importants) ; coût élevé de la conception d’un e-shop ; manque de maturité du marché dans ce secteur où il n’y a pas (encore) d’Uber du tif…

Par contre, les conclusions de l’analyse peuvent orienter vers d’autres pistes numériques. Dans le cas de notre coiffeur: promotion via les réseaux sociaux pour amener du trafic vers le salon, référencement sur Google, carte de fidélité virtuelle, campagnes de fidélisation par e-mail…

La méthode

Quelle crédibilité et pertinence donner à un algorithme qui, sur base des données et informations encodées par l’entrepreneur ou commerçant, en sort une évaluation de l’opportunité et des perspectives financières d’une future activité e-commerce?

En fait, l’outil n’est pas réellement quelque chose de désincarné. Il est le fruit de la modélisation de l’expertise accumulée par les deux fondateurs et d’autres entrepreneurs au cours de leur carrière.

Les tarifs

Inoopa propose un service financièrement abordable. Maximum 100 euros pour faire réaliser l’évaluation, avec génération d’un rapport circonstancié. Coût unique que l’intéressé ne doit plus débourser s’il veut, par la suite, refaire le test en raison, par exemple, d’une évolution de sa stratégie ou d’un contexte ayant évolué.

Outre le tarif unique de 100 euros pour la production d’un rapport document, Inoopa propose aussi un rapport nettement plus succinct à titre gratuit. A contrario, ceux qui veulent aller plus loin, affiner l’analyse pour un volet spécifique (par exemple, les implications logistiques), peuvent demander une analyse plus poussée mais aussi plus onéreuse: 1.600 euros.

Pour générer du chiffre d’affaires, la jeune société envisage par ailleurs un modèle de revenus récurrents, passant par l’offre de son service sous marque blanche, en B2B, et/ou sous forme d’abonnements avec fonctions à valeur ajoutée.

Lors de la phase bêta, près de 500 rapports ont été réalisés pour des sociétés bien réelles (notamment dans le cadre d’une campagne PopUp Webshop sponsorisée par CBC Banque).

Les conseils et conclusions que procure l’outil sont aussi le résultat d’un croisement avec des données objectives chiffrées et statistiques venant de quelques bureaux d’analyse et de conseils réputés tels que GfK, Nielsen, Ipsos, Forrester… “Ces statistiques nous permettent d’aiguiller le fonctionnement de l’algorithme, étant entendu que nous n’avons en effet pas nous-mêmes des acquis dans la vente en boucherie ou celle de montres…”

Le contenu du rapport, toutefois, ne peut être considéré comme parole d’évangile. Ce n’est jamais qu’un document de base, à affiner éventuellement. “Mais nous avons sciemment voulu que la totalité de l’analyse soit automatisée afin de proposer un prix abordable et de rendre des compétences qui étaient jusqu’ici réservées aux grands comptes ou aux grosses PME, abordables pour les plus petites structures”, insiste Jean-Pol Boone. “Par ailleurs, il n’y a pas d’intervention humaine dans la formulation des conclusions parce que nous sommes nous-mêmes des entrepreneurs, pas des consultants.”

A noter que la jeune pousse Inoopa s’est entourée de quelques partenaires pour l’apport d’un accompagnement aux porteurs de projets et PME: UCM, bpost, CBC Banque, Beyond (ce dernier pour ses compétences en propriété intellectuelle).

Comment ça marche?

Le prétendant e-commerçant ou tout porteur de projet qui s’interroge sur les priorités de sa “présence numérique” commence par répondre au questionnaire en ligne : secteur d’activité, localisation, chiffre d’affaires…

Un questionnaire à remplir en 10 minutes…

L’algorithme passe le tout à la moulinette, compare avec la base de connaissances et les ressources statistiques disponibles, analyse les réponses et en sort un “score” e-commerce. A savoir, sur une échelle de 0 à 100%, quelle est l’opportunité de se lancer dans l’e-commerce.

Ce score s’accompagne d’un commentaire sur divers paramètres (ressources humaines, ventes, marketing, propriété intellectuelle, produits…). L’aspirant e-commerçant a également droit à une projection commerciale: évaluation de chiffre d’affaires potentiel sur 24 mois, importance de la marge possible, coûts détaillés, ventilation par pays (Belgique, France, Italie, Pays-Bas, etc – pour documenter ses éventuelles intentions à l’export).

Il trouvera également dans le rapport une liste de concurrents étrangers présents sur son marché en Belgique – lisez: ses concurrents “numériques”, depuis les plates-formes majeures telles qu’un Zalando, jusqu’à de plus petits concurrents qui sont bien référencés sur Internet… Jusques et y compris des informations sur les volumes de commandes et les revenus qu’ils génèrent ou encore les mots-clé qu’ils utilisent pour leur référencement.

Enfin, à titre d’information et de relais vers d’autres acteurs qui pourront potentiellement l’accompagner dans sa démarche et son projet futurs, il trouvera quelques noms de personnes ou organismes pouvant assurer un accompagnement spécifique, thématique et/ou spécialisé, et des informations sur les aides et subsides disponibles à Bruxelles et en Wallonie.

Viser l’international et la diversification

L’outil d’Inoopa, en phase de finalisation mais déjà opérationnel en-ligne, n’existe encore qu’en français… pour le marché belge. Une version néerlandaise devrait être disponible fin septembre.

La jeune pousse parle par ailleurs d’ores et déjà d’internationalisation, via des partenariats – en Roumanie, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. C’est notamment pour cette phase que la start-up a recherché et obtenu un apport de fonds auprès de MeusInvest (250.000 euros via Start-Up Invest, 50.000 euros via LeanSquare). L’argent permettra notamment de développer les algorithmes adaptés aux marchés-cible étrangers.

Mais Inoopa a également d’autres ambitions, sur le territoire belge.

En exploitant les données collectées (et dûment anonymisées) lors des audits en-ligne auprès des PME et TPE qui feront appel à son service, Inoopa espère disposer de chiffres et statistiques concrètes sur la situation de l’e-commerce en Belgique et devenir “éditeur de statistiques e-commerce”. “Pour l’instant, les chiffres – notamment ceux de Comeos et de BeCommerce – concernent essentiellement les grandes sociétés. Il y a un manque critiques de données objectives pour la grande majorité du tissu économique local”, souligne Jean-Pol Boone. Le “baromètre” de l’ADN est, pour l’instant, le seul point de repère – épisodique et partiel.