Premier consortium de recherche, pour 4 cas-pilote

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Par · 01/03/2016

Petit rappel, pour commencer, de la manière dont se mettra en oeuvre et opérera la plate-forme Wallonia Big Data à ses débuts.

Le premier axe sera dédié à la R&D. Selon le principe des “PIT” (partenariats d’innovation technologique), des sociétés, petites et grandes, et des acteurs académiques travaillent de concert sur des projets de recherche et développement, autour de “cas d’usage” (“use cases”) spécifiques, choisis en raison de leur caractère novateur (besoins spécifiques, contraintes ne trouvant pas de solution existante sur le marché, mise en oeuvre novatrice de concepts déjà existants…).

Le principe du “partenariat d’innovation technologique”

Un PIT (partenariat d’innovation technologique) implique la participation, au minimum, de deux entreprises (dont une PME) et de deux organismes de recherche (universités, hautes écoles, centres de recherche agréés).

Le but est de permettre aux industriels de faire valoir et de faire baser les travaux de R&D sur leurs besoins concrets mais dans un contexte favorisant les transferts de compétences et de technologies entre chercheurs, monde académique et entreprises, en particulier à destination des PME et TPE.

 

Un premier PIT a été constitué pour les besoins du lancement de la plate-forme Wallonia Big Data et pour générer de premiers résultats. Un deuxième consortium PIT a démarré en parallèle, en quelque sorte par un heureux hasard du calendrier. Le programme de recherche concerné (EO Regions!), piloté par Spacebel et le Pôle de compétitivité Skywin, a en effet été initié dans le cadre du Plan Marshall 4.0.

L’avènement de l’infrastructure Big Data constituait une ressource qu’il était utile d’exploiter (potentiels de traitement, de stockage et d’analyse de données). Voir notre autre article pour plus de détails sur le projet EO Regions! et ses objectifs.

D’autres “PIT” pourront se constituer à l’avenir, autour d’autres projets de recherche et d’autres thèmes que les 8 premiers “use cases” spécifiques à la première phase du Wallonia Big Data. Mais pour pouvoir être avalisés comme projets PIT à part entière, il leur faudra passer par le cheminement classique. A savoir, le dépôt d’un dossier par un consortium auprès de la DGO6 en vue de l’obtention d’un subside mais toujours à la condition expresse que le projet soumis inclue des éléments objectifs d’innovation dans le domaine du big data et de l’analytique.

“Mais”, estime Pierre-Paul Fares de NRB, “dans la mesure où la plate-forme existe désormais et que le canevas pour le montage de dossiers de type PIT informatiques a été éprouvé, le processus d’évaluation et d’approbation de futurs dossiers par la DGO6 devrait être accéléré…”

Par la suite, d’autres projets de recherche, sur d’autres thèmes, de nature plus spécifique ou encore de moindre envergure, s’adresseront potentiellement à d’autres acteurs que les Pôles de compétitivité.

Le second axe de la plate-forme Wallonia Big Data, qui entrera en jeu d’ici un an, est celui de la SCRL (société coopérative à responsabilité limitée) qui sera chargée de commercialiser les résultats de R&D. Nous vous en parlons plus longuement dans cet autre article.

Premier consortium

Pour lancer le lancement du Wallonia Big Data, un premier consortium PIT s’est constitué, composé de NRB, qui joue le rôle de coordinateur (c’est elle qui gère et met à disposition l’infrastructure de traitement et de stockage big data, reposant sur des technologies IBM), le CETIC et l’UNamur, ainsi que trois sociétés locales, sélectionnées en vue d’apporter des compétences spécifiques. A savoir: Pepite, Data Fellas/NextLab et CBlue.

Au cours des prochaines semaines, le cadre de gouvernance du PIT prendra forme, s’appuyant notamment sur un comité de pilotage, où chaque membre sera représenté et bénéficiera d’une voix pour la prise des décisions stratégiques, et sur un comité de suivi qui veillera à la mise en oeuvre des projets-pilotes de recherche ou “use cases”.

4 premiers “use cases”

Le consortium sera appelé à travailler sur huit cas d’usage (“use cases”), autrement dit projets de recherche. Ils correspondront à des scénarios et contextes d’exploitation spécifiques des big data, qui nécessitent de développer des solutions, applications ou services n’existant pas encore sur le marché ou difficilement accessibles pour les acteurs locaux. Notamment dans les domaines de l’aérospatial, de la génétique, des biotechnologies…

Autre critère de sélection: le caractère reproductible du “use case”: “il ne pourra donc pas s’agir d’un projet, d’une solution ou d’une application qui serait spécifique à un client. La solution à développer et pouvant être commercialisée doit pouvoir servir à de nombreux destinataires, en ce compris dans une perspective dépassant les frontières de la Wallonie”, précise Philippe Mack, patron de Pepite.

Philippe Mack (Pepite): “La sélection des “use cases” de recherche se fera en fonction de leurs besoins en termes de stockage et de traitement de données, mettant à contribution les capacités en performances et volumétrie de l’infrastructure mises en oeuvre par NRB et que des acteurs tels que Pepite n’ont pas la possibilité de procurer.”

Quatre premiers projets de recherche ont été définis. Ils concernent des problématiques spécifiques que veulent résoudre ou dans lesquelles les Pôles de compétitivité veulent progresser.

Thèmes:

  • soins de santé: développement d’un système d’alerte à destination du corps médical pour la surveillance en temps réel des patients en soins intensifs
  • recherche médicale: accélération des résultats de recherche sur le génome et l’identification des facteurs favorisant le développement des cancers
  • aérospatial: maintenance préventive de bancs d’essais pour les moteurs aéronautiques
  • ICT: maintenance préventive pour anticiper les défaillances de composants matériels au sein d’une infrastructure informatique.

Ces premiers projets seront réellement lancés dès que l’infrastructure mise en oeuvre par NRB sera sur les rails.

Aux dernières nouvelles, le coup d’envoi des premiers “use cases” se situerait à l’été.

Les 4 autres projets-pilote doivent encore être définis et pourraient démarrer un an plus tard, “sauf adaptation du plan de travail.” Les 4 autres doivent encore l’être. Il reviendra au comité de pilotage de sélectionner les scénarios (soumis par des industriels ou centres de recherche) qui justifient la mise à contribution des ressources et services proposés par la plate-forme big data.

Un des 4 premiers cas d’usage est actuellement défini de manière plus précise que les trois autres. Il s’agit en l’occurrence de celui concernant les soins de santé (surveillance temps réel des patients suivis en soins intensifs).

Porteur de projet: le CHU de Liège. Le contexte, les objectifs ont été balisés et les jeux de données sont prêts à être exploités.

Pour les trois autres, le travail d’identification des porteurs de projets (sans doute des sociétés membres des Pôles de compétitivité concernés), du scénario et des objectifs à atteindre, sans parler des jeux de données sur lesquels travailler, doit encore être poursuivi. “Des discussions sont en cours afin d’en baliser le périmètre”, dit-on chez NRB.

Pierre-Paul Fares (NRB): “Les entreprises locales souffrent encore d’un manque de performances, qui grève leur capacité à préserver leur avantage concurrentiel. Or celui-ci peut venir de la valeur ajoutée que procurent les données et de la maîtrise de ces dernières.”

“Il ne s’agit aucunement de refaire [Ndlr: et dès lors de concurrencer] quelque chose qui existe déjà sur le marché”, insiste Pierre-Paul Fares de NRB.

“La plate-forme Wallonia Big Data doit aussi permettre aux acteurs locaux de se projeter vers l’international, ce qui sera notamment le cas du projet EO Regions!, piloté par Spacebel (voir notre autre article). Elle doit devenir une vitrine technologique à l’exportation, dans un esprit de fédération des ressources. Des ressources qui sont parfois encore sous-exploitées au niveau local alors que les compétences sont reconnues à l’international. Prenez le cas de Pepite qui est davantage connue et présente au Canada ou à Madagascar qu’en Belgique.”

Deux finalités

Ces projets de recherche, proposés par les membres du consortium et par les Pôles de Compétitivité, auront deux finalités. D’une part, ils serviront à valider les scénarios d’analyse big data (sur des jeux de données réels) et l’efficacité de l’infrastructure mise en oeuvre par NRB et son aptitude à garantir performances, évolutivité et résultats probants.

“Les uses cases doivent permettre de prouver que l’infrastructure mise en oeuvre est à même de fournir les solutions et services analytiques innovants qui pourront être ensuite commercialisés”, indique Arnaud Ligot, administrateur de CBlue, membre du premier consortium PIT.

Bien entendu, ces projets de recherche feront plus qu’essuyer les éventuels plâtres: ils déboucheront également sur des résultats tangibles, potentiellement commercialisables par la future SCRL.

Les apports des différents membres du consortium

Gestionnaire et hébergeur de l’infrastructure-clé de la plate-forme Wallonia Big Data, NRB assurera son fonctionnement et la gestion du cloud privé. Il lui revient donc de veiller aux performances et à la disponibilité des ressources informatiques, reposant sur ses deux infocentres, avec, selon les contraintes du projet, mise à disposition de clusters Hadoop ou de systèmes dédiés, et des services de gestion et de stockage pertinents (ETL, flux temps réel de données, analyse de données sociales…).

La contribution de CBlue à la phase de R&D se situe dans le droit fil de son coeur de métier, en l’occurrence la collecte et l’analyse de logs et la prévention d’attaques. Ses compétences se situent notamment dans le domaine de l’optimisation des capacités et des performances ou encore le traitement des pics de charges.

Autre apport d’expertise, celui de Pepite, dans le domaine de l’analytique, en particulier pour les acteurs de l’industrie manufacturière.

Data Fellas, pour sa part, est notamment spécialisée dans l’optimisation analytique dans le domaine des sciences du vivant, en génomique.

Quant à l’Université de Namur, le département impliqué dans le consortium est le centre de recherche Naxys, spécialisé dans les systèmes complexes, ainsi que, mais dans une moindre mesure, le Crids, qui se penchera sur des aspects de cadre légal et de vie privée dans le cadre du traitement, de l’analyse et du partage de données à caractère personnel.

Sur base d’un financement public, Naxys mettra, pendant toute la durée du projet de recherche (deux ans), un post-doc à disposition à temps plein. A charge pour lui de contribuer au développement de nouveaux algorithmes ou de transposer et adapter des algorithmes existants ou méthodologies nouvelles aux cas d’usage concernés. Il aura également un rôle de veille en la matière.

Ce post-doctorant sera accompagné et supervisé par le prof. Renaud Lambiotte, qui interviendra également pour déterminer les besoins des porteurs de projet et les aider à trouver des solutions.

Et cela bénéficiera à qui?

Si les premiers destinataires des travaux de recherche et des résultats, commercialisables, qui en découleront seront les Pôles de compétitivité et leurs membres, à terme, tous les acteurs économiques ou publics locaux sont potentiellement concernés et pourront solliciter la plate-forme. Que ce soit, comme on l’a vu, dans le cadre de projets d’innovation, susceptibles d’être partiellement financés par le biais d’un PIT, soit dans un contexte plus classique de projet analytique sur big data. “Toute société ayant un projet industriel d’analyse de données sera le bienvenu”, souligne-t-on chez NRB.

Jacques Wieczorek (NRB): “En imaginant cette plate-forme Big Data transversale aux 6 Pôles de compétitivité, en y associant un acteur majeur tel que NRB, les meilleurs petits acteurs wallons du big data et les meilleurs chercheurs universitaires, nous avons placé le curseur des risques au minimum. Le reste sera surtout une question d’évangélisation. Les Pôles de compétitivité doivent devenir des sponsors de la plate-orme auprès de leurs membres.”

Les compétences, services et prestations que les membres de la PFI pourront mettre à disposition sont variés – depuis le stade de la conception (développement d’algorithmes, adaptation ou personnalisation d’une solution existante…) jusqu’à l’implémentation d’un projet: étude d’opportunité, analyse des besoins, conseils sur les outils à mettre en oeuvre, mise à disposition de capacités de stockage, d’outils de visualisation et de traitement, de modèles ou d’algorithmes, exploitation/exploration/fouille de données via sollicitation de l’infrastructure de big data en mode “service”, service d’analyse et de reporting, interventions de data scientists, modélisateurs de scénarios économiques ou analystes…

Outre les Pôles de compétitivité, les porteurs de projets et entreprises (de toutes tailles) pourront faire appel à des spécialistes “à la demande”, selon la nature des besoins en matière de collecte, traitement et analyse de (méga)données.

Le tarif des prestations devra encore être défini et précisé mais on semble s’orienter vers un principe de “pay as you need”, avec des taux fixés en fonction des temps de traitement, ressources, compétences… sollicités.