W.IN.G: le fonds du numérique wallon est lancé… et déjà actif

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Par · 24/02/2016

La Wallonie s’est officiellement dotée d’un nouvel outil de financement des start-ups (et sociétés en croissance) évoluant dans le champ du numérique. Nom de baptême: W.IN.G, acronyme de Wallonia Investment and Growth.

Annoncé, dès le dévoilement du Plan du Numérique, comme l’une de ses actions prioritaires, le W.IN.G devient donc la première de ces actions à sortir des starting blocks. Objectif: faciliter l’accès au financement pour les start-ups “à fort potentiel”, que ce soit au stade du pré-financement (pre-seed) ou, pour des sociétés déjà un peu plus matures, lors d’un premier tour de table.

Comme l’avait souhaité le Conseil du Numérique, ce fonds se donne pour règle d’alléger le processus de remise de dossier et d’accélérer la prise de décision.

Dotation: 50 millions (en fonds publics) sur 5 ans, auxquels viendront potentiellement s’ajouter 30 millions venant d’invests. Sans compte des fonds privés. Un premier partenariat est en passe d’être officialisé avec Belfius Insurance qui débloque un pot de 10 millions d’euros (à allouer selon des modalités restant à déterminer).

Lors de l’annonce officielle, le ministre Jean-Claude Marcourt ajoutait que le total de 50 millions (soit 10 millions par an) n’est pas forcément un plafond hermétique. “50 millions ou plus, si affinités”, déclarait-il. “Une réserve de financement est disponible si l’on constate que la formule est un succès.”

Le SRIW comme point d’ancrage

Le nouveau fonds est piloté et géré par la SRIW qui interviendra à la fois dans la sélection des projets financés (Olivier Vanderijst, le président du comité de direction de la SRIW, siège au comité de sélection) et surtout dans le processus d’octroi des fonds et dans le suivi des dossiers.

Il mettra en outre certaines compétences à disposition des sociétés aidées. Olivier Vanderijst énumère: “notre connaissance du monde de l’investissement – fonds d’investissement étrangers compris -, notre aptitude à conseiller les sociétés pour l’introduction de dossiers, la présence d’un représentant de la SRIW au conseil d’administration (en cas de participation au capital).”

Sans oublier une mise en relation avec les sociétés dans lesquelles la SRIW est partie prenante (quelque 400). Elles pourraient être source de conseils pour les jeunes pousses mais aussi se transformer en possibles clients ou référents vers leurs propres clients.

Les bénéficiaires

“Le W.IN.G s’insère au début de la chaîne de financement, là où les jeunes pousses souffrent d’un manque de capitaux pre-seed ou d’amorçage”, explique Olivier Vanderijst. “Par le passé, on a pu constater que des jeunes pousses qui sortaient d’un NestUp ou d’un boostcamp du MIC devaient en passer par une longue période – de 6 à 18 mois – avant de pouvoir réaliser une première levée de fonds (privés). Par exemple, parce que leur business model n’est pas encore bien défini. Les structures publiques, de leur côté, ne peuvent pas les aider en vertu du sacro-saint concept d’investissement conjoint avec le privé. Cela provoque un rupture dans leur développement alors même que, dans le numérique, la rapidité est essentielle.”

Olivier Vanderijst (SRIW): “Pallier à la période de rupture dans le développement d’une start-up numérique, alors même que, dans le numérique, la rapidité est essentielle.”

Le W.IN.G s’adresse dès lors à deux catégories de sociétés, ayant deux types de besoins.

D’une part, les toute jeunes pousses, encore fragiles, pas encore totalement “formatées”, qui viennent parfois tout juste d’émerger d’un incubateur ou d’un accélérateur et qui ont besoin d’oxygène financier pour tenir le coup, le temps de réussir un premier tour de table.

Pour elles, le W.IN.G prévoit un financement de maximum de 50.000 euros, sous forme de prêt convertible, potentiellement libérable en plusieurs tranches qui seront allouées moyennant réalisation de certains objectifs.

Autre catégorie: les sociétés en croissance, plus mûres, qui se sont lancées dans un premier appel à investisseurs. Pour elles, moyennant dossier convaincant, le W.IN.G pourra intervenir jusqu’à hauteur de 250.000 euros.

Prêt ou capital? Comment le fonds W.IN.G et la SRIW décideront-ils de l’une ou l’autre formule?

Olivier Vanderijst explique quelques règles auxquels le fonds se tiendra:

  • des prêts convertibles, pour le stade du pre-seed, sans nécessité de contre-partie privée: “W.IN.G intervient en solo, avec pour but d’aider par exemple la start-up à stabiliser son modèle, lui donner le temps de vérifier la traction…”
  • les prêts peuvent être libérés en plusieurs tranches, correspondant à des jalons prédéfinis (signature de contrats avec des clients, affinement du modèle économique…) ou le respect de certaines conditions (“comme une insertion dans l’écosystème d’accompagnement des start-ups…”)
  • avantage de la formule de prêt convertible, selon Olivier Vanderijst: “cela évite le problème des longs débats que suscite la valorisation et permet au W.IN.G de convertir sa mise de fond, avec un discount, lors du premier tour de table”
  • pour les interventions au stade du premier tour de table, W.IN.G intervient, sous forme de prêt convertible ou de mise de capitaux, jusqu’à hauteur de 250.000 euros, cette fois en liaison avec des investisseurs privés et éventuellement des invests publiques. Le fonds public pourra injecter jusqu’à deux-tiers de la somme globale collectée lors du tour de table.

Décision rapide

C’était l’un des objectifs assignés pour créer ce “fonds du numérique”: qu’il puisse intervenir très rapidement.

La promesse? Après introduction et acceptation du dossier, la décision et l’allocation des fonds se feront en quelques semaines.

Le Comité de sélection, composé d’entrepreneurs expérimentés ayant, pour certains, un profil d’investisseurs (voir sa composition ci-dessous), se réunira 8 fois par an, en divers endroits de la Wallonie.

Le processus de sélection? Il commence par une inscription sur le site du fonds  www.wing-digitalwallonia.be. Inscription qui se veut la plus simple possible: une description du projet en quelques lignes suffit. Un conseiller de la SRIW entre alors en jeu pour prendre contact, aider et conseiller pour la structuration du dossier.

La société est ensuite invitée à le défendre devant le comité d’investissement “dans les 15 à 30 jours”. Le comité fait connaître sa décision… dans les deux jours. La somme octroyée, elle, est libérée dans les jours qui suivent.

Une première réunion du comité de sélection a déjà permis de donner le feu vert à deux dossiers d’investissements. Les bénéficiaires en sont les start-ups ListMinute et Neveo.

ListMinute, auteur d’une place de marché de services de proximité, a reçu 100.000 euros sous forme de prêt convertible, qui viennent s’ajouter aux 200.000 euros levés auprès de business angels.

Neveo bénéficie pour sa part d’un prêt convertible de 250.000 euros, et les ajoute aux 150.000 euros levés auprès d’investisseurs privés (deux business angels et le fonds privé LeanFund). Cette société a conçu une solution permettant aux personnes âgées, peu adeptes des nouvelles technologies, de rester en communications avec leurs proches qui, eux, ne connaissent plus que la tablette, l’ordi ou le smartphone.

La première tranche de 130.000 euros a déjà été versée; les deux suivantes sont conditionnées à la signature de contrats avec des clients.

Nous revenons plus en détails sur la nature des dossiers rentrés par ces deux premières “W.IN.Gisées”. A lire: notre article consacré à ListMinut et celui consacré aux projets de Neveo.

Des fonds, mais pas que…

Le WING ne sera pas uniquement un tiroir-caisse. Il se veut aussi un interlocuteur via lequel les sociétés en quête de fonds peuvent trouver des “mentors”, des tuyaux pour dénicher d’autres sources de financement. Par ailleurs, des partenariats seront passés avec une série de sociétés et d’acteurs proches ou intimement impliquées dans le phénomène start-up. Ils proposeront services ou produits à des conditions préférentielles, voire gratuitement.

Les signatures de partenariat doivent encore être faites mais les accords de principe ont été engrangés. Quelques noms?

  • le Réseau Entreprendre Wallonie, le MIC (Microsoft Innovation Center), The Faktory ou encore LeanSquare pour la mise à disposition de coachs
  • LeanSquare est considéré comme le partenaire de référence pour l’incubation de projets, en région liégeoise, qui nécessiteraient encore de l’accompagnement afin de passer la barrière du comité de sélection
  • Universem: intervention dans l’instruction des dossiers, mise à disposition d’outils d’analyse et services d’accompagnement en matière de Web marketing
  • Proximus: mise à disposition d’espaces gratuits de stockage pendant une période déterminée
  • Citobi: offre de solutions CRM et marketing
  • des acteurs tels que BDO ou Deloitte, pour du conseil stratégique
  • des institutions financières: Belfius Insurance est la première confirmée, en mode co-investissement, mais le nom de BNP Paribas Fortis est également cité, pour un partenariat qui devrait impliquer son InnovationHub.
Qui est qui?

Le comité de sélection est placé sous la direction de Pierre Rion. Outre ses fonctions (reconduites) du Conseil du Numérique, Pierre Rion affiche un tableau de chasse professionnel plutôt fourni: cofondateur et ancien président d’IRIS et du cluster Twist, président du conseil d’administration d’EVS, administrateur de plusieurs sociétés et organismes tels que Multitel, Cluepoints, Akkanto, business angel ayant notamment investi dans Belrobotics, XDC, Progecoo…

Le comité est composé de 6 autres personnes. A savoir, par ordre alphabétique:

Jean-Pol Boone, responsable du “pôle numérique/IT” de Be Angels. Investisseur lui-même, il s’intéresse plus particulièrement au monde du marketing et de l’e-commerce. Il est le co-fondateur et directeur d’Inoopa, auteur d’un outil d’évaluation d’opportunité de projet e-commerce. Il avait auparavant participé à la création de Outlet Avenue et opéré comme chief digital officer de Shopinvest et comme directeur ad interim de foto.com.

Christian Demain, chief investment officer de Belfius Insurance.

Alain Marsily, co-fondateur de Netmino, auteur d’une appli de gestion d’“événements” – lisez: de toutes les activités d’une personne (rendez-vous, tâches, lancement de produits, publications…), structurés selon le concept de réseau et d’affinité. Il fut le fondateur de la chaîne de magasins Exell et co-propriétaire de la chaîne de revendeurs Apple Abelsys. Il a par ailleurs à son actif la création, outre-Atlantique, de la société OmniUpdate, un éditeur de logiciels de gestion commerciale, proposés en mode SaaS. Il a également fait escale, pendant sa carrière, auprès de sociétés telles que IRIS (en tant que membre du comité d’audit) et Mainstay (éditeur de solutions Apple).

Marc Melviez, directeur de Luciad (éditeur de logiciels de gestion, d’analyse et de visualisation d’informations géospatiales) et par ailleurs co-fondateur et directeur d’Avia-Rent Wallonie. Au cours de sa carrière, il a tenu les rênes de plusieurs filiales belges d’éditeurs de logiciels, tels que Ross Systems, Pillar, Hyperion ou encore Frango.

Denis Steisel, président du Réseau Entreprendre Bruxelles, co-fondateur et directeur du conseil d’administration d’Emakina, il est aussi, depuis peu, partenaire et directeur de Eezee-IT. Son parcours professionnel l’a notamment vu passer par Wiggins Teape, Econocom et Expert Finance Consulting.

Et Olivier Vanderijst, président du comité de direction de la SRIW, par ailleurs président du conseil d’administration de Prayon et d’Otary (partenariat entre spécialistes belges de l’éolien offshore), membre du c.a. de la FN Herstal et administrateur à la Fondation Roi Baudouin.  [ Retour au texte ]