eWON joue la carte du rachat pour exploiter la vague du M2M industriel

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Par · 10/02/2016

eWon, société nivelloise spécialisée dans les solutions de communications pour systèmes et équipements industriels, opèrera désormais comme entité spécialisée en M2M (machine-to-machine) industriel au sein du groupe suédois HMS Industrial Networks AB.

Ce dernier a en effet annoncé l’acquisition de la société belge pour la somme rondelette de 30 millions d’euros, dont 10 millions via échange d’actions. “Rondelette” dans la mesure où elle est quasi deux fois supérieure au chiffre d’affaires d’eWon. Mais il est vrai que le domaine des communications (en ce compris Internet) pour équipements industriels en tous genres est à la veille d’un essor qu’on prédit impressionnant. C’est tout l’enjeu de l’IoT (lisez Internet des Objets) industriel, instrument de l’“industrie 4.0”.

Pourquoi cette acquisition? Elle est en fait le fruit de volontés convergentes de la part de l’acheteur et du racheté. Petit entretien avec Serge Bassem, patron d’eWON.

Pour quelles raisons avoir cherché ou accepté une offre de rachat et, plus spécifiquement, celle de HMS?

Serge Bassem: “Le premier produit d’eWON remonte à 2001 (voir notre encadré en fin d’article pour plus de détails sur l’offre actuelle ANCRE). Dès cette époque, nous avions la conviction qu’un jour tous les équipements industriels seraient connectés sur et via Internet. L’évangélisation fut longue. Le véritable décollage d’eWON auprès des constructeurs de machines industrielles remonte à environ 7 ans. Depuis, nous avons enregistré une croissance annuelle moyenne de 20 à 25%. Nous sommes aujourd’hui reconnu comme un leader sur le terrain des accès distant aux équipements industriels via Internet [la société a récemment été classée N° 1 mondial par un magazine spécialisé américain, devant… Rockwell, Siemens et General Electric].

Aujourd’hui, le marché de l’Internet des Objets explose et l’IoT industriel s’annonce comme un marché considérable. On parle de 60 millions de machines dans les usines, dont 70% ont plus de 15 ans et devront être remplacées. La productivité y gagnera aussi beaucoup.

Face à cet énorme marché, nous restions une petite PME de 15 millions d’euros et 57 personnes. Nous nous sommes dès lors lancés dans une réflexion, en interne, sur la manière de grandir face à ce marché.

De g. à dr.: Pierre Crokaert, directeur technique d’eWON, Staffan Dahlstrom, patron de HMS, et Serge Bassem, directeur général d’eWON

La croissance purement interne ne semblait pas suffisante. Même si nous enregistrions un taux de croissance annuel supérieur à 20%, le marché grandit beaucoup plus vite que nous.

Procéder à des acquisitions? Nous sommes encore trop petit pour le faire. Restait l’option de rejoindre une société plus grande. Nous nous sommes donc mis à la recherche d’une société partageant notre vision, les mêmes valeurs, présentant une stratégie d’accès au marché plus forte et proposant des produits complémentaires.”

Le choix s’est donc porté sur la suédoise HMS Industrial Networks AB, qui développe des solutions de communication pour systèmes d’automatisation. “Une société 5 ou 6 fois plus importante que nous, qui possède 11 filiales dans le monde, emploie 400 personnes, est listée au Nasdaq de Stockholm.”

Conservez-vous une certaine autonomie ou serez-vous intégré dans une entité HMS?

Nous devenons la marque de HMS dans le domaine du M2M industriel, leur centre d’expertise M2M. Plus de 30% de nos équipes sont concernées par la R&D. Nous ne sommes encore qu’à l’aube de l’“industrial Internet of Things”. Ce pourcentage va donc peut-être encore s’amplifier à l’avenir.

En quoi HMS et eWON sont-elles complémentaires?

Nous nous adressons pratiquement aux mêmes clients mais pas avec les mêmes solutions. Ils proposent par exemple la solution Anybus, qui connecte des systèmes industriels au sein de l’entreprise, ou IXXAT [fruit de l’acquisition de la société allemande du même nom], qui connecte des capteurs au sein des équipements industriels. Mais il leur manquait des solutions de communications vers l’extérieur…

Serge Bassem: “Nous nous sommes mis à la recherche d’une société partageant notre vision et présentant une stratégie d’accès au marché plus forte.”

L’approche commerciale est quelque peu différente. HMS propose par exemple aussi des solutions embarquées et compte donc parmi ses clients quelques grands acteurs OEM de l’automatisation. eWON s’adresse davantage à de petits ou moyens fabricants de machines.

Recherchiez-vous un acquéreur de taille moyenne ou avez-vous envisagé une acquisition par un acteur nettement plus grand?

Nous avons eu des contacts avec des acteurs plus grands mais nous avons donné la préférence à une société de taille moyenne afin notamment de mieux réussir l’intégration et nous assurer de pouvoir poursuivre la croissance.

HMS était-elle déjà engagée dans un processus de croissance de son côté?

La société est en effet en croissance depuis près de 10 ans, avec une croissance moyenne de 10 à 15% par an. Elle a procédé, en 2014, à une première acquisition [l’allemande IXXAT].

Quelle est la situation de HMS jusqu’ici sur le marché international? Etait-elle déjà, d’une manière ou d’une autre, active en Belgique?

HMS est déjà très présente à l’international, avec 11 filiales: Etats-Unis, Royaume-Uni, Danemark, France, Italie, Espagne, Chine, Japon, Inde… En Belgique, elle passait par un distributeur mais ce n’était pas un marché de prédilection.

Le communiqué parle notamment de l’intérêt qu’a vu HMS dans eWON en termes de pénétration de nouveaux marchés européens mais aussi américains. Pouvez-vous expliquer?

98% du chiffre d’affaires d’eWON est réalisé à l’exportation. Les principaux pays cible sont ceux où l’on trouve les constructeurs de machines – l’Allemagne, l’Italie, La France, mais aussi les Etats-Unis et le Japon. Les Etats-Unis, où nous avons ouvert une filiale à Pittsburgh en 2011, représente 25 à 30% de l’exportation. Même s’ils avaient déjà une filiale aux Etats-Unis, l’acquisition d’eWON va les renforcer sur ce marché.

[A noter qu’eWON a également ouvert une filiale au Japon en 2013, un marché “très conservateur” qui ne pèse pas encore lourd dans son chiffre d’affaires.]

En quoi l’acquisition par HMS va-t-elle changer la donne pour eWON?

Cela va nous aider à grandir plus vite. Cela va changer beaucoup de choses en termes de structure, de gouvernance… Nous pourrons bénéficier de pas mal de choses, notamment de leur présence sur de nombreux marchés où nous étions peu présents ou seulement via des distributeurs.

Le fait que HMS soit une société cotée en Bourse et plus important va également rassurer les marchés. Nous profiterons de l’effet de taille. Il y aura des synergies mais il est encore trop tôt pour les définir de manière précise.

Pas d’exclusive technologique

Particularité d’eWON: ses compétences et l’offre de solutions de communications exploitant diverses technologies: cellulaire (3G, 4G), sans-fil (WiFi) ou WAN.

Ses solutions Talk2M permettent aux équipements et automates industriels de communiquer, via connexions sécurisées – Internet ou tunnels sécurisés (VPN) -, toute une série de paramètres de fonctionnement, de quoi opérer une surveillance à distance, programmer une maintenance préventive, procéder automatiquement à des mises à jour (logiciels ou firmware).

Des solutions de connexion via SMS et courriel ont également été conçues pour les automates programmables industriels.

Autre solution: Cosy qui, opérant de concert avec la solution Talk2M, permet une communication directe via API.

Petit détail: eWON est en fait un acronyme. Sous ce nom se cache en effet le leitmotiv-même de la société: “eyes watching over the Net”  [  Retour au texte  ]