La Région en appui

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Par · 10/12/2015

Le fédéral a sorti son plan d’aide aux start-ups, en tout cas pour le volet financement. D’autres mesures sont en phase finale de préparation, côté régional, dans le cadre des nouvelles compétences dont elle dispose. Sans vouloir anticiper ce qui sera ou non décidé, nous avons déjà posé à nos interlocuteurs, dans le cadre de ce dossier, ce qu’ils attendaient comme mesures de la part des autorités régionales, ce qu’ils estimaient devoir être fait, pour les start-ups, en complément ou en correction des mesures prises au fédéral (par exemple, pour compléter la mesure Tax Shelter PME).

Un rôle que jouent déjà et que peuvent continuer à jouer les Régions est le support des structures d’incubation, pour permettre d’accompagner les candidats-entrepreneur dans la réussite de leurs projets, pour les rendre finançables par des business angels dans un deuxième temps”, déclare Cédrick Donck, business angel et initiateur de la structure d’incubation et de formation Virtuology.

Autres rôles qu’il y ajoute: la sensibilisation des jeunes à l’entrepreneuriat et, “de manière un peu plus impactante, le fait de soutenir, par des subsides, la possibilité pour les entrepreneurs d’effectuer des voyages à l’étranger parce que c’est là que l’on trouve des idées, que l’on crée des liens et relations…”

Pour Benoît Lips (Lean Fund), “il existe déjà beaucoup de choses en termes d’incitants, de formules, de sources d’information. Il faudrait donc avant tout faciliter la lecture des différentes mesures avant d’ajouter quelque chose. Il faut rendre la panoplie d’aides, en ce compris financières, compréhensible. Il reste aujourd’hui difficile pour un aspirant entrepreneur ou une PME de savoir comment utiliser les bons outils au bon moment.”

Olivier de Wasseige, administrateur-délégué du fonds d’investissement Internet Attitude, pointe quant à lui trois choses qui, à ses yeux, seraient prioritaires dans l’action du gouvernement wallon.

“Première chose, la création du fonds du numérique. Il ne faut pas forcément en créer un mais il en faut un et il devra avoir des capacités de décision très rapide et devra pouvoir travailler avec des experts du secteur et avec des fonds sectoriels. Il serait en effet intéressant de générer des synergies entre privé et public.

Deuxième point: mettre des moyens à disposition de l’étape “scale-up”, de manière plus équilibrée par rapport aux moyens alloués aux phases d’idéation et de création; avec la mise en oeuvre de mesures de l’efficience. [Il s’en explique plus largement dans cet autre article de notre dossier]

Enfin, accélérer au maximum les procédures de liquidation des déclarations de créances, aides à la recherche, subsides… qui sont octroyés aux start-ups “pour que des acteurs tels qu’Internet Attitude ne doivent plus suppléer, comme il nous est arrivé de le faire, à des lignes de trésorerie qui se font attendre. Mais cela n’est pas le rôle d’un fonds d’investissement.”

Il n’y a pas que les start-ups

Les deux autres professionnels de l’investissement que nous avons interrogés – Guillaume Desclée (MyMicroInvest) et Jean-Pol Boone (BeAngels) – pointent quant à eux la nécessité de dépasser le prisme trop étroit des start-ups. Ou en tout cas de donner peut-être à ce concept de “jeune pousse” une dimension différente.

“Ce qui doit se faire ne doit pas se limiter aux start-ups et aux sociétés actives dans le numérique”, déclare Guillaume Desclée (MyMicroInvest) en parlant de la possible action du régional – mais aussi du fédéral. “La grande question est de savoir comment motiver un cadre supérieur, marié, avec enfants et crédit hypothécaire, à entreprendre. Pour moi, le principal problème est là. En Belgique, seulement 4% de la population souhaite entreprendre, contre 50% aux Etats-Unis et 16% en France.

Comment peut-on motiver des personnes qui ont des talents, des compétences, qui ont déjà développé une expertise mais qui n’osent pas entreprendre parce que le risque est trop grand? Ces personnes ont certainement les capacités pour entreprendre, des chances de succès plus importantes… Comment les motiver en limitant les risques pour leur entourage? Les talents sont nombreux mais ne se révèlent pas. Il y a énormément de potentiel perdu et c’est dommage.

Pourquoi ne pas imaginer un programme qui garantirait un maintien de la rémunération pendant un certain nombre de mois ou d’années, pour leur donner le temps de conceptualiser et de créer leur société? Cela peut paraître aberrant et certains détourneraient sans doute cette possibilité à leur profit mais le nombre de gens qui seraient motivés et qui oseraient se lancer permettrait de voir se créer une nouvelle catégorie d’entrepreneurs, un nombre d’entreprises qui dureraient dans le temps…

Ce serait là un incitant aussi fort que le Tax Shelter pour entreprendre. Il y a sans doute, dans l’arsenal de compétences des Régions, un moyen d’aller dans ce sens…”

Guillaume Desclée (MyMicroInvest): “Comment peut-on motiver des personnes qui ont des talents, des compétences, qui ont déjà développé une expertise mais qui n’osent pas entreprendre parce que le risque est trop grand?”

“En matière de soutien au numérique, ce qui manque par ailleurs, ce sont des ressources et des compétences. Il y a très peu de développeurs chez nous. Une grosse barrière à l’entrepreneuriat est le fait que le nombre de développeurs est beaucoup trop faible. C’est pour cela que des initiatives comme le Wagon à Bruxelles [école de codage formant des développeurs junior] sont importantes. Si on augmentait les possibilités pour les gens de se former, cela augmenterait la population IT et cela aiderait tous ceux qui désirent entreprendre à se lancer.”

Jean-Pol Boone, de BeAngels, estime lui aussi “qu’il ne faut pas tout miser sur les start-ups. Il y a également une pléthore de PME qui ont un rôle à jouer dans le numérique, et peut-être même plus que les start-ups.

Jean-Pol Boone: “Aujourd’hui, la probabilité de création de valeur se situe plus du côté des PME qui sont le poumon de notre économie, surtout en Wallonie.”

Aujourd’hui, la probabilité de création de valeur se situe plus du côté des PME qui sont le poumon de notre économie, surtout en Wallonie. Il y a beaucoup à faire pour elles. Il ne faut surtout pas qu’elles ratent le virage numérique.

Certaines mesures figurent dans la proposition de Plan du Numérique. J’espère simplement que la Région posera les bons choix dans la multitude de mesures qu’elle n’a pas les moyens de financer dans leur totalité.”

Quelles priorités identifie-t-il lui-même? “Les PME, les start-ups dans le B2B, les sociétés productrices parce qu’avec un brevet, cela permet de garder un niveau de marge suffisant. Il faut pousser les PME qui ont une belle histoire, un bon brevet, qui imposent donc une barrière à l’entrée [pour les concurrents] plus élevée. Je suis plus en faveur d’une aide à une PME qui dispose d’une bonne barrière à l’entrée qu’à une start-up qui n’en a pas, et dont la création de valeur se situe davantage dans l’approche marketing.” Lire à ce sujet son analyse dans cet autre article.