Wallimage Creative: un programme dédié au numérique et au transmédia

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Par · 19/10/2015

Ne dites plus Wallimage CrossMedia – quoique… – mais plutôt Wallimage Creative. Objet: l’aide aux créations trans-médias, incluant donc toutes les plates-formes, physiques ou virtuelles, que permet le numérique. Et sans qu’il n’y ait plus nécessairement ce fil-à-la-patte classique avec le cinéma. Par contre, le fil rouge de l’“image”, dans tous ses états, reste le filigrane de Wallimage Creative.

Pour être plus clair… Le programme de soutien financier s’adresse à l’audiovisuel transmédia. Potentiellement donc à des projets qui concernent le développement d’applis, de jeux vidéo, de Web series, de sites “reposant sur le concept audiovisuel et/ou renvoyant directement au monde de l’audiovisuel, et présentant une dimension créative.”

Bénéficiaires potentiels des financements: les producteurs de cinéma, les distributeurs “mais surtout les entrepreneurs digitaux qui sont occupés à inventer les modèles économiques dont la Wallonie créative d’aujourd’hui doit se munir pour demain.”

Sont notamment compris dans les secteurs et activités potentiellement finançables: le gaming, les arts de la scène avec inclusion de nouvelles technologies image ou de supports interactifs, l’édition numérique, la réalité virtuelle ou augmentée…

“Tout objet interactif est le bienvenu. Comme – pourquoi pas? – un jeu de société avec une composant smartphone”, pour autant qu’il y un lien avec une production audiovisuelle (film, web serie…)”, souligne Philippe Reynaert, directeur de Wallimage.

“Le numérique est devenu une forme importante, libère de nouvelles manières de produire de l’image. Il était dès lors utile de dédier un programme particulier aux nouveaux supports. Wallimage CrossMedia était trop restreint parce que ne visant que le financement du crossmedia marketing” [autrement dit, le financement de vecteurs numériques conçus pour faire la promotion ou du cross-selling sur base d’un film existant].

Des frontières reconfigurables

Le problème – ou la richesse, c’est selon – est que tout, désormais, est dans tout grâce au numérique. Exemple d’intervention possible de Wallimage Creative: les arts de la scène ou les “nouvelles écritures” (on n’écrit plus pour la réalité virtuelle comme pour le cinéma séquentiel). A priori, rien de commun entre l’art de la scène, la muséographie, un concert symphonique et le cinéma. Sauf que… Un exemple en sera donné, en novembre, avec la captation 360°, à Mons, de deux concerts, dont un classique, donnés par l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie. Les deux concerts seront filmés en 360°, pour diffusion en réalité augmentée et immersion, avec possibilité pour les “invités” et “spectonautes”, via un casque de réalité virtuelle, de se mouvoir visuellement dans les rangs de l’orchestre et même de bénéficier d’effets de music mapping, avec modulation des effets sonores (prédominance donnée au violon ou au flûtiste) selon le sens dans lequel on oriente sa vision et donc son audition…

“C’est là la preuve que nous sommes ouverts à toutes les manifestations du transmédia”, indique Dominico La Porta, responsable de Wallimage Creative. “Tout projet culturel créatif et innovant, répondant à nos critères, peut donc potentiellement nous solliciter.”

Le leitmotiv de Wallimage Creative “demeure le développement d’une filière économique en Wallonie, de générer du travail et des emplois pour les acteurs locaux. Même si un projet vient du bout du monde, il sera le bienvenu s’il fait travailler des Wallons.”

Les frontières devenant de plus en plus floues, sous l’effet des technologies numériques, entre cinéma augmenté, captation 360°, séries Web, réalité virtuelle et/ou augmentée, gaming…, rien ne dit qu’un 4ème “pôle” vienne à terme s’insérer dans l’écosystème Wallimage. Ou prenne vie en dehors de lui, mais avec un lien vers Wallimage Creative. On sait que le secteur du gaming et de la réalité virtuelle a fait l’objet de débats et de propositions dans le cadre des Assises et du Conseil du Numérique et que le futur Plan du Numérique devrait (pourrait?) inclure un chapitre gaming/virtuel… A suivre.

Quatre instruments de support du transmédia

Wallimage Creative, ce sont quatre éléments réunis sous une même coupole:

  • un fonds permanent de support au développement du transmédia

Différence avec ce qui existait jusqu’ici: le principe des appels à projet, qui imposait un dépot de dossier et de sélection par tranches périodiques fixes. Désormais, les idées de projets et donc les demandes de soutien financier pourront être déposées – et examinées – à tout moment de l’année auprès d’un guichet. Budget: 350.000 euros par an

  • un matching fund, ou fond de co-production, en pot commun entre Wallimage et le Fonds des Médias du Canada (un partenariat public-privé entre le Ministère canadien du Partrimoine et des câblopérateurs). Budget: quelque 400.000 euros par an ; chaque partie injecte l’équivalent de 300.000 dollars canadiens, à l’occasion d’un appel à projets annuel (cours actuel: 1 dollar canadien = 0,68 euro)
  • un soutien au crossmedia marketing (en quelque sorte l’ancien volet Wallimage CrossMedia), autrement dit aux distributeurs de films qui planifient un programme de promotion marketing numérique. Ici aussi, le principe est celui de l’appel à projets (deux fois par an), avec possibilité pour les distributeurs (de films belges ou étrangers) de solliciter une aide régionale à condition que le financement aille à des acteurs locaux intervenant pour cette “déclinaison numérique” du film (série Web, jeu vidéo, appli mobile…). Le programme est toutefois revu à la baisse en termes d’ampleur avec deux appels à projets par an, pour sélection de deux films. Budget: 2 fois 50.000 euros par an
  • un concours transmédia annuel, doté d’un prix de 100.000 euros. Sera récompensé “le projet jugé le plus innovant, en phase avec le marché, structurant pour l’industrie wallonne de l’audiovisuel.” Parmi les critères d’évaluation: un caractère novateur, expérimental, le potentiel à laisser une empreinte en ce compris en dehors de nos frontières. L’évaluation sera associé au concept d’“indicateur de succès” auprès de la cible de diffusion visée. “Nous ne raisonnons pas en termes de succès commercial d’audience [lisez: avec un maximum de billets vendus ou de clics] mais le projet doit proposer des KPI qui permettent de prouver qu’il a atteint la cible voulue, même si elle est confidentielle”, souligne Philippe Reynaert.

Au total: le budget dont bénéficie Wallimage Creative est d’un million. 750.000 alloués par la Wallonie, auxquels s’ajoutent environ 200 à 250.000 euros, provenant du Canada.

Wallimage Creative se présente aussi comme une étape potentielle avant de solliciter Wallimage Entreprise, pour une prise de participation dans le capital d’une société locale active dans le numérico-audiovisuel. Exemples de sociétés qui ont déjà bénéficié de cet instrument de financement et de développement: les agences numériques Tapptic et Cuistax, Keywall ou encore Dame Blanche (spécialisée en post-production).

Dimension trans-frontières

La collaboration avec le Fonds des Médias du Canada est reconduite. “Essentiel” aux yeux des responsables de Wallimage, tant le Canada est devenu une terre de référence en transmédia, avec la possibilité d’accéder à des financements de grande ampleur et à d’autres marchés (audiences) plantureux. Un deuxième appel à projets a donc été lancé, avec des résultats qui seront annoncés, fin du mois, à l’occasion d’une mission économique wallonne à Toronto.

Un partenariat à repenser?

Par contre, le fonds transrégional créé voici deux ans avec Pictanovo (région Nord Pas-de-Calais) et son programme Expériences Interactives ne sera pas reconduit. En cause, des rythmes d’évolution, de maturité, et des objectifs différents. “Les écoles Supinfocom et Supinfogame de nos voisins ont acquis une réelle avance en matière de gaming et de communication digitale. […] Les prestataires [locaux] du secteur se sont désormais identifiés. Nous pensons qu’il est désormais temps de leur laisser identifier s’il est plus opportun pour eux de travailler seuls ou en collaboration avec un partenaire français.”

Formulation pudique? Reconnaissance de deux mondes plus difficiles à concilier que prévu? Lors de la séance officielle de lancement de Wallimage Creative, Philippe Reynaert signalait par exemple qu’il était apparu parfois malaisé pour des producteurs wallons et du Nord Pas-de-Calais de travailler ensemble…

Les ponts ne sont pas pour autant coupés avec la France et le Nord Pas-de-Calais. Les deux fonds, certes, poursuivent leur chemin, chacun de leur côté, mais des négociations se poursuivent en coulisses pour envisager la possibilité de “primes”, d’origine française et/ou wallonne, qu’un producteur pourrait solliciter pour développer un projet à cheval sur les deux régions.

Les responsables de Wallimage préfèrent dès lors présenter la disparition du fonds transrégional wallo-français comme une opportunité pour les acteurs locaux de l’audiovisuel: puisque Wallimage Creative est désormais un fond permanent, ils peuvent aller frapper à la porte de deux guichets, le français et le wallon…