Secteur IT. Objectif: croissance

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Par · 24/08/2015

Benoît Macq, expert auprès du Cabinet Marcourt: “le secteur IT wallon est encore trop faible. Il faut le faire progresser. Il se limite essentiellement à des prestations de services, mais avec des activités trop locales. Ce dont la Wallonie a besoin, ce n’est pas de nouveaux incubateurs — il y en a suffisamment à mon avis. L’enjeu consiste plutôt à pousser les start-ups vers l’international et la croissance. Pour cela il faut mobiliser des moyens financiers.”

Le secteur IT wallon peut certes s’enorgueillir de quelques “champions”. Les noms sont connus: IRIS, EVS, Telemis… Mais… Et ce ‘mais” est gros comme une montagne à gravir. “Ils sont petits, trop petits, et trop peu nombreux. Il nous en faut des dizaines et ne pas pouvoir les compter avec les doigts d’une seule main.”

Un constat posé depuis longtemps. Autre diagnostic connu: il faut pousser la croissance de ces “petits champions” ou des espoirs.

“Des instruments d’aide existent”, estime Benoît Macq, “comme Wallimage dans le monde transmédia. Il s’agit d’accentuer ce qui marche mais prendre aussi en compte la spécificité du numérique. Il faut dès lors agir “juste et vite”. Sur ce point, je rejoins l’analyse de Pierre Rion, qui parle notamment d’un fonds qui puisse agir très rapidement.”

L’un des freins, rappelle-t-il par ailleurs, est un manque d’apports de capitaux pour cause d’incapacité à trouver le bon interlocuteur (financier) et d’incapacité des investisseurs potentiels à comprendre la teneur et la portée potentielle d’un projet.

Benoît Macq: “Le secteur numérique wallon se caractérise par de la créativité et de la bonne volonté. Mais le business et l’excellence technologique doivent être renforcés.”

L’un des remèdes pourrait être de pratiquer davantage par partenariat (ou concertation) privé-public. Une idée mise sur la table par le Conseil du Numérique est celle de mises de fonds conjointes, pour des idées et projets prévalidés par des personnes compétentes, des professionnels. “Des acteurs tels qu’Internet Attitude [fonds d’investissement privé dirigé par Olivier de Wasseige] ou La Faktory [incubateur et fonds d’investissement créé par Pierre L’Hoest] seraient des interlocuteurs et intervenants utiles. Si un privé comme eux a étudié et apprécié le projet, le public pourrait doubler la mise. Idem dans un cadre de crowdfunding. Cela permettrait de favoriser les projets de croissance.”

Le déploiement à l’internationalisation est un autre objectif à concrétiser. Et l’Awex pourrait voir son rôle accru, en la matière. Avec des actions plus systématiques mais aussi visant de nouvelles “destinations”, comme l’évoque Benoît Hucq (AdN) dans son interview. “Il faut professionnaliser, industrialiser le support à l’international”, déclare-t-il. Lire l’article.

Changer les codes

Si la Wallonie manque de champions numériques, si les “pépites” locales ne se transforment guère en filons et en réelles étoiles, c’est notamment, aux yeux de Benoît Macq, en raison d’une “culture” numérique déficiente, à l’échelle de l’ensemble de la collectivité. “L’animation de l’écosystème doit aussi servir à créer une véritable culture business.”

Rejoignant en cela le point de vue de Pierre Rion, il déclare: “Dans nos business schools, on forme encore trop pour les Big 5, pas pour la croissance des start-ups. Il faut appuyer davantage la culture entrepreneuriale, amplifier la tendance qui a été initiée. Il ne faut plus se contenter d’avoir sa boîte de 5 personnes. Il faut davantage mettre en exergue ceux qui ont osé franchir un cap.”

Souvent, la croissance des start-ups ou d’entreprises plus matures vient de mises de fonds, de prises de participation voire prise totale de contrôle par des sociétés ou investisseurs venus d’ailleurs. Un bel exemple – pour reprendre celui d’un “champion” – est IRIS, tombée dans le giron de Canon. N’y a-t-il pas un risque, à terme, pour l’économie, le foisonnement des talents locaux, à voir des acteurs étrangers permettre à de petits Poucets locaux de grandir? Quid de la perte de maîtrise non seulement sur la société mais aussi sur le know how, sur les technologies?

Benoît Macq: “Nous avons besoin d’une Wallonie ouverte sur le monde. Le point faible n’est pas la créativité ou les idées mais l’étape de la croissance. Et il faut y travailler.”

En la matière, Benoît Macq opte plutôt pour la vision volontariste: “Grandir vite implique en effet de prendre du capital et d’accepter de perdre du contrôle. Mais c’est la condition d’une croissance, d’une ouverture internationale. Il faut accepter de perdre de l’indépendance pour assurer une croissance plus rapide. Il est vrai toutefois qu’il faut bien gérer le processus afin de ne pas porter préjudice à l’économie locale. Une société IBA a posé les jalons nécessaires en mettant en oeuvre la règle d’un ancrage belge minimal de 25%.”