Bâtir et irriguer un “territoire numérique”

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Par · 24/08/2015

C’est LE grand défi: doter le territoire wallon d’une infrastructure (télécom-Internet) qui permette aux acteurs, initiatives, projets de tous poils de voir le jour et aux objectifs de transformation et de développement d’être poursuivis.

“Comment faire de la Wallonie une giga-région”, résume Benoît Macq, faisant allusion au déploiement du (très) haut débit. “Les producteurs de contenus et de services numériques ont besoin du cloud”, par exemple. “Or, l’infrastructure est trop faible et trop chère. Et nous manquons de talents. Ce qui confirme d’ailleurs, une fois encore, la pertinence des 4 axes qui ont été définis pour l’élaboration du Plan.”

Le besoin du (très) haut débit est confirmé par les acteurs de terrain. Ainsi Francis Bodson, président du cluster TWIST, ex-EVS et actuel président du conseil d’administration d’Intopix, signalait sur le site Printemps du Numérique, qu’il était nécessaire de “promouvoir les technologies et les services numériques en développant les réseaux de fibre optique à très haut débit. Pour les services liés à l’audiovisuel notamment, il est indispensable d’assurer des débit de 10 Gbits/sec.”

Les travaux du Conseil du Numérique se sont concentrés, en la matière, sur diverses facettes de la problématique: cadre réglementaire, équipement en fibres optiques des zonings, couverture 4G, désenclavement des zones dites “blanches” (faiblesse de couverture, même en 2G ou 3G), préparation du terrain pour le déploiement du 5G…

Une idée, qui doit encore être précisée? La création de “giga-quartiers”, bien dotés en très haut débit, et qui serviraient de labos vivants et de tireurs de peloton (lire l’article “Benoît Hucq: le travail fourni ne peut accoucher d’une souris”)

Les modèles possibles, pour le déploiement du (très) haut débit, sont à l’étude.

Quels que soient ceux qui soient finalement choisis, un consensus s’est dégagé au sein du Conseil du Numérique en vue de s’assurer que toutes les parties concernées s’y engagent dans un esprit positif et constructif. Comme le souligne Pierre Rion (lire son interview), chaque partie (autorités, prestataires) doit lâcher du lest et se montrer volontariste. Reste à trouver la recette, côté financement. 

Pouvoir accueillir la “matière première”

L’infrastructure et l’équipement du territoire ne se limitent pas au seul registre télécom. L’un des leviers potentiels qui a inspiré plusieurs contributeurs du Printemps du Numérique et qui fut discuté en groupe de travail fut celui des centres de données.

Data center de Cofely aux Isnes.

La Wallonie ne compte pas énormément de data centers qui ne soient pas exclusivement réservés à la clientèle des sociétés qui les exploitent et dont les ressources et services puissent dès lors être sollicités par des tiers (entreprises, chercheurs, porteurs de projet, simple citoyen ayant de gros besoins de stockage…). On n’en compte en fait que trois NRB à Herstal, Wallonia Data Center à Villers-le-Bouillet et Cofely aux Isnes. Relire le dossier que nous y avions consacré: “Centres de données locaux: les acteurs fourbissent leurs ambitions”.

Comment “booster” ce secteur? Le groupe de travail e-Entreprises le voit comme suit:

d’une part, “miser sur une sorte de réinternalisation des données, [c’est-à-dire amener les entreprises à relocaliser certaines données sur le territoire belge en faisant valoir “l’importance de la territorialité de certaines données sensibles pour que ces dernières soient soumises aux lois belges et non à celles du pays d’accueil”

d’autre part, procéder à une étude d’opportunité afin d’identifier de nouvelles zones où de tels centres pourraient sortir de terre.

Bernard Rey (HP) milite dans le même sens: “Il y a en tout 29 data centers ouverts en Belgique, donc 26 en dehors de la Wallonie. Le sous-équipement du sud du pays est évident.”

Et de poursuivre: “L’acteur public en liaison avec les différents acteurs privés impliqués (providers, fournisseurs d’énergie, gérants d’infrastructures, etc.) doivent très rapidement identifier 4 à 6 lieux potentiels d’implantation, les réserver et les sécuriser dans différents domaines (alimentation électrique, accès aux backbones, etc.) afin que, dans les années à venir grâce à des partenariats public/privés, de nouveaux data centers se développent  rapidement  avec plusieurs critères de sécurité et de coût (peu onéreux sous forme de containers modulaires, par exemple, jusqu’aux bâtiments hautement sécurisés, dont certains devraient répondre aux normes Tier 4).”

Il s’agirait aussi, de cette manière, de  “faire face au risque de chantage d’accès aux données, comme il existe déjà actuellement un chantage d’accès à l’énergie en Europe de l’Est.”

Claude Willems (SPI Liège et, notamment, un ancien de chez NRB) avance quant à lui l’argument de développement économique: “l’arrivée de gros centres de colocation favorise le développement d’entreprises technologiques à proximité.” Autre raison, selon lui, d’avancer dans ce sens: “l’arrivée massive de l’Internet of Things (objets connectés) qui va induire de plus en plus de trafic entre les utilisateurs et des points d’analyse intermédiaire. Cette tendance nécessitera de grandes capacités de stockage et de traitement, et par conséquent davantage de datacenters plus proches de ces objets connectés (objets connectés pour le particulier, dans la gestion des Smart Cities, analyse et traitement temps réel des données…).”