L’e-learning, un terrain mouvant

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Par · 02/07/2015

La panoplie d’outils et de méthodes de digital learning s’est sensiblement enrichie ces dernières années. Quid de leur efficacité? Comment déterminer quel outil, quelle approche convient le mieux en fonction du contexte?

“Les choses évoluent énormément”, estime David Boulanger, directeur de Now.be. “Il y a encore trois mois, j’aurais dit que l’e-learning, c’est du contenu théorique et qu’il sert surtout à faire de la mise à niveau, comme préparation à du présentiel pour que les apprenants mettent leurs connaissances à niveau. Le serious game, lui, sert davantage à de l’expérimentation, à de l’immersion.

Mais les choses évoluent. Nous avons par exemple beaucoup appris de ce qu’Orange [en France] est en train de mettre en oeuvre.

Dans son cas, la partie e-learning ne correspond pas à un apport transmissif de contenu mais à une mise en perspective d’un contenu qui n’est que suggéré. Les apports transmissifs sont faibles. Le but est d’amener à une réflexion sur le contenu, à l’opposé de la consommation de contenu en mode top down, comme à l’école.

Pour nous, l’e-learning doit être le révélateur de la manière de fonctionner d’une entreprise. Nous ne nous posons pas en expert qui connaît mieux le métier que le client lui-même. On part du principe qu’il y a beaucoup de contenu dans tous les cerveaux de l’entreprise, que ce contenu est propre à l’entreprise et que les besoins seront propres aux besoins qui sont dans l’entreprise. On apporte certes du contenu mais très léger par rapport au rôle d’un expert.”

Dans le cadre d’une formation “management à distance” réalisée l’année dernière, Now.be a par exemple demandé aux apprenants d’identifier 5 attitudes qui permettraient aux collaborateurs de mieux gérer à distance, de même que 5 attitudes qui les empêchent de fonctionner correctement. Ils ont ensuite documenté 3 des 10 points. “Le contenu, généré par chaque apprenant, est sauvegardé dans un carnet de bord qui est ensuite utilisé en présentiel. Nous n’avons quasi apporté aucun contenu nous-même. Le contenu est propre à chacun.

Aujourd’hui, on tord en quelque sorte les outils pour qu’ils conviennent au parcours spécifique de chaque société et apprenant. On les sort de leur vision première. Même le webinaire n’est plus transmissif mais chaque participant participe, interagit avec les autres… Le serious game demeure de l’expérimentation mais peut aussi apporter du contenu.”

L’e-learning “classifié”

La société e-Doceo a réalisé sa propre segmentation des outils d’e-learning, une “classification en niveaux et richesse d’animation qui permet de proposer au client la solution qui lui convient le mieux en fonction de son profil et de ses attentes”. En combinant deux paramètres (complexité du scénario pédagogique et degré de médiatisation), la société veut ainsi associer à chaque contexte un outil qui, à ses yeux, soit davantage adapté.

Niveau 1: rapid learning – pas de scénarisation pédagogique particulière et pas de média à produire (réutilisation de supports existants)

Niveau 2: e-learning dicté par la distance, avec une bonne dose d’interaction – scénario pédagogique avec transfert de connaissances et notions et phases d’évaluations; côté médiatisation: illustrations simples (textes, schémas) avec ou sans enrichissement audio

Niveau 3: mise en situation de l’apprenant (jeu de rôle) et storytelling – scénario pédagogique identique à celui du niveau 2 mais enrichi par de ce que la société appelle une “scénarisation cinématographique” (le fil d’une histoire, une étude de cas réel…); médias sollicités: illustrations et animations complexes (2D, séquences vidéo basiques du genre interviews)

Niveau 4: scénario ludique, avec placement de l’apprenant au coeur du scénario. Médias: animations complexes 3D, séquences vidéo évoluées.

Source: e-Doceo

Le niveau 4 correspond essentiellement à du jeu sérieux ou jeu réaliste. Bruno Dartigues, directeur d’e-Doceo, estime que la demande qui émane du marché est loin de privilégier ce genre de scénario. “Ce que veulent les clients, c’est essentiellement des solutions qui se situent au niveau 1 et 2, éventuellement à cheval sur le niveau 3. Ils veulent de la rapidité, de la réactivité, avec un minimum de scénario. Si l’on veut pousser la scénarisation, cela implique un investissement en temps. Le niveau 4 est peu demandé parce que cela impose de recourir à des outils dédiés et à des compétences externes.

Nos clients se situent essentiellement aux niveaux 1.1 (test de positionnement de connaissance), 1.2 (rapid learning sonorisé), 2.2 (formation didactique, alternant cours et exercices) ou 2.3 (formation didactique, avec support vidéo).”

Selon lui, le support vidéo fait une réelle percée dans le monde de l’e-learning. “Mais avec des contenus qui ne doivent pas exiger de matériel lourd. Des contenus qu’on puisse produire et fournir via Webcam et smartphone.” Exemples? Un processus, une situation commerciale, que l’on filme en quelques secondes ou dizaines de secondes. Un message, un conseil que l’on enregistre via la caméra de son smartphone et qui est transmis à l’apprenant, combiné par exemple à une présentation classique de type Powerpoint…

La vidéo rencontre donc le mobile learning, mais avec toutes les contraintes ou tous les défis que cela suppose. En termes de plates-formes et environnements à supporter mais aussi en termes de “formatage” du contenu – médiatique et pédagogique. “Il faut s’interroger [lorsque l’on réalise le contenu] sur le support-cible”, souligne Bruno Dartigues. “Si la plate-forme destinataire est un ordinateur ou une tablette, le contenu peut atteindre une durée de 15 ou 20 minutes. Si c’est un smartphone, le contenu sera réduit à maximum 5 minutes parce que ce support implique un comportement où l’on picore quand on a un peu de temps disponible…”