Thierry Bertrand (SPW): “mettre l’informatique en capacité de répondre aux besoins”

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Par · 24/06/2015

L’exercice en a été amorcé dès avant que le nouveau gouvernement wallon ne prenne ses quartiers: une analyse orientée gouvernance (processus, gestion de projets, exploitation des ressources…) a été engagée et ses préceptes expliqués et inculqués afin que le département IT du SPW puisse mieux optimiser, professionnaliser, baliser ses actions et son fonctionnement.

Cet exercice aborde aujourd’hui sa dernière ligne droite, en tout cas celle qui sépare l’équipe IT et son directeur, Thierry Bertrand, d’un passage de relais aux responsables politiques pour décision et définition du cadre du futur Plan Directeur IT.

Pourquoi un tel exercice de gouvernance? Le problème majeur à résoudre, estime Thierry Bertrand, était le mode de fonctionnement trop fragmenté du DTIC (abréviation consacrée pour désigner le département IT du SPW).

“Ce mode de fonctionnement posait problème. Le DTIC n’était pas en capacité de répondre aux besoins, ne disposait pas des moyens nécessaires pour fournir, de manière économique, les services attendus aux divers Départements.”

Ne plus jouer au pompier

“Nous subissions des demandes aléatoires, toutes urgentes par définition. L’exercice a consisté à passer en mode proactif au travers d’un dialogue plus soutenu avec les Directions Générales et les responsables métier. De ces dialogues, il s’agit désormais de faire émerger des éléments permettant d’avancer sur les gros chantiers.”

Des chantiers et projets qui soient par ailleurs réellement porteurs, objectivement prioritaires et nécessaires mais qui, surtout — pour des raisons d’optimisation et de rationalisation —, aient un caractère “transversal” — utile donc à plusieurs départements. “Jusqu’ici, le métier ne voyait pas ce caractère transversal tout simplement parce qu’il n’y avait pas de débat inter-département sur les besoins qui sont peut-être déjà rencontrés par d’autres au sein du SPW.”

Or, insiste Thierry Bertrand, “à quelques exceptions et nuances près, ayant notamment trait au degré de priorité, les besoins sont similaires et rarement très spécifiques.”

Changer les critères

La quête de plus grande efficacité et d’engagement optimisé des ressources et moyens du DTIC passera par une modification des critères appliqués à la sélection des projets qui auront droit de cité. Autrement dit: “sur quels projets travailler pour être plus efficace, pour apporter une réponse à valeur ajoutée plus importante, et là où la demande est la plus importante, pour un nombre de Directions Générales dont les préoccupations peuvent ainsi être rencontrées.”

Les faiblesses du passé se définissent de diverses manières, aux yeux de Thierry Bertrand. Trop d’éléments subjectifs dans les choix de priorités, un manque de perspective globale, des choix faits en raison parfois de l’aptitude de tel ou tel département de libérer davantage de collaborateurs pour travailleur sur un projet — ce qui ne garantit en rien qu’il ait plus de “valeur” ou d’intérêt qu’un autre pour lequel le degré d’implication, pour différentes raisons, est moindre…

Thierry Bertrand: “Les décisions seront désormais prises en fonction des efforts qui fourniront le plus de résultat, l’effet de levier le plus important. La vision sera aussi celle du besoin transversal.”

“Jusqu’à présent, nous nous sommes surtout concentrés sur la bonne définition des besoins”, déclare-t-il. Autrement dit, en n’attachant pas suffisamment d’importance, ou de vision critique, à la valeur, à l’intérêt intrinsèque, réel, évalué, des projets dont les demandes émanent de partout parmi les services et administrations.

Il était donc nécessaire de revoir l’“échelle des valeurs” pour la prise de décisions. “Les critères retenus jusqu’à présent avaient essentiellement trait à la valeur technologique, au caractère récent, novateur, d’une technologie et de son usage. Cette perspective n’est pas assez pertinente d’un point de vue métier.

Le télétravail, pour ne prendre que cet exemple et sans vouloir en faire un bouc émissaire, c’est bien. Mais est-il réellement fondamental, prioritaire? Pas vraiment, si l’on se place sous l’angle dont Thierry Bertrand voit les chose.

“Ce que le métier veut avant tout, c’est réaliser des économies sur la charge de travail, être plus productif, que ce soit grâce à la simplification des processus ou à leur automatisation, garantir la satisfaction des équipes… Désormais, ils devront sélectionner les projets qui se justifient en se basant sur les critères ad hoc, sur une évaluation d’un effet de levier optimal. Le Plan Directeur IT rendra ces critères de sélection plus visibles.”

Expertises renforcées

Cette évaluation d’opportunité, cette “objectivation” des besoins et cette hiérarchisation des projets imposent tout naturellement des expertises internes que le DTIC a dû acquérir ces derniers trimestres. Notamment via l’engagement d’analystes – que Thierry Bertrand préfère les qualifier de “spécialistes en ingénierie d’exigences” (influence de l’UNamur toute proche qui utilise le même vocabulaire?). Via aussi la mise sur pied d’un centre d’expertise en gestion de projets.

“En matière de méthode d’évaluation, nous avons encore des progrès à faire, notamment pour vérifier la qualité des résultats de développements qui ne sont pas assumés par nous”. Autrement dit, l’évaluation des projets assumés par des partenaires tiers. “Notamment dans une perspective de “maintenabilité” par nos services.” Nous en reparlerons dans un autre article, à publier dans les prochains jours, qui traitera de la politique d’externalisation du DTIC.

L’agenda?

Quel est l’agenda de réalisation? Quand cet exercice de gouvernance sera-t-il terminé? Quand le Plan Directeur IT pourra-t-il voir le jour?

“Le périmètre [d’actions] auquel je me suis engagé s’inscrit dans un horizon à fin d’année [2015] et porte sur les aspects collecte des besoins, mise en perspective, sur le fait de rendre les besoins intelligibles, sur le choix des priorités. Je livrerai une feuille de route. Pour ce qui est de susciter l’adhésion à cette feuille de route et de baliser les délais de mise en oeuvre des choix, le relais passera dans le camp du politique.”

Thierry Bertrand: “La logique imposera l’échelonnement des choses à faire. Il faut par exemple commencer par renforcer notre propre infrastructure avant de lui imposer de fournir de nouveaux services.”

Dans le panel de choix interviendront nécessairement tous les nouveaux services attendus du DTIC en raison de besoins et missions nouvelles des autorités régionales, de même que les divers objectifs visés par le Plan Marshall 4.0. Notamment.

Les arbitrages nécessaires seront-ils un écueil majeur? Thierry Bertrand ne le pense pas. “La logique imposera largement l’échelonnement des choses à faire. Il faut par exemple commencer par renforcer notre propre infrastructure avant de lui imposer de fournir de nouveaux services.” Nous reviendrons sur ce volet “Evolution d’infrastructure” dans le 2ème volet de cet article.

Des choix devront nécessairement être faits. “Et cela dépendra en partie de la cadence attendue et des moyens dont nous disposerons. S’il faut augmenter la cadence, nous devrons demander de nouveaux moyens.”

Mais l’heure de ces choix n’est pas encore venue, estime-t-il. Trop tôt.

“A un certain moment, il faudra faire clairement comprendre [à commencer vis-à-vis du métier et des services] que des choix seront nécessaires, avec quels moyens, quels choix budgétaires… Mais si on aborde cet aspect des choses trop tôt dans le débat, ce sera contre-productif [par rapport à l’exercice de dialogue et de prise de conscience actuellement en cours]. Il faut d’abord procéder à un alignement vis-à-vis de la stratégie, définir les besoins réels des Administrations. Nous nous sommes désormais mis en position d’éclairer ces choix. Plus tard, on en viendra à la décision: si un projet ne représente pas suffisamment de valeur, il ne se fera pas.”

Avec l’espoir que “les priorités se dégageront d’elles-mêmes, mieux qu’elles ne le font aujourd’hui.”