“Coup de jeune” pour les consultants Rentic?

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Par · 24/03/2015

Depuis un an, les Rentic wallons – ces consultants en e-business et intégration IT, labellisés par la Région wallonne et dont une partie des missions est financée par cette même Région -, se sont constitués en association. L’une des missions confiées à son animateur, Xavier Lebecque: agir dans le sens d’une évolution des conditions dans lesquelles interviennent ces consultants et sur le contexte (y compris législatif) qui détermine leur champ d’intervention. Les Assises du Numérique qui se déroulent actuellement seront peut-être l’occasion d’adapter ce cadre aux réalités du marché. C’est en tout cas là l’espoir de Xavier Lebecque et de ses collègues.

Petit rappel, tout d’abord, sur la notion et le rôle des Rentic. Voici la définition qu’en donne la Région: “Un Rentic [responsable en Nouvelles Technologies de l’Information et des Communications] est une personne, agréée par la Région, à laquelle vous pourrez faire appel pour mettre en place un projet e-business dans votre PME. Il sera un peu l’architecte de votre projet. […] Un Rentic n’est pas un concepteur de site. Il peut éventuellement vous aider à définir vos besoins en matière d’e-business, réaliser le cahier des charges de votre site, en superviser la réalisation, en assumer la mise à jour, etc. En aucun cas, il ne réalisera votre site. 

Il peut également vous aider à mettre en place un réseau intranet, une base de données partagées entre plusieurs sites, etc.”

Xavier Lebecque: “les Rentic doivent observer une stricte neutralité. Ils n’ont d’ailleurs pas d’obligation de résultats mais bien une obligation de moyens. La preuve en est que les conseils qu’ils procurent ne débouchent pas forcément sur une implémentation. Il arrive que l’avis donné soit de ne pas développer un site e-business.”

Recourir à un consultant Rentic permet aux bénéficiaires de bénéficier d’une aide financière: couverture de 80% de son intervention, pour une mission allant de 3 mois à maximum un an. Peuvent bénéficier de cette aide: des PME, des groupements ou associations de fait, des indépendants, et certaines asbl.

Elles peuvent ainsi bénéficier de conseils (neutres) pour baliser un projet e-business ou Internet, d’une assistance lors de la définition du cahier des charges et de l’appel d’offres. Un Rentic, en raison de sa neutralité, ne peut mettre le projet en oeuvre. Tout au plus peut-il assurer l’accompagnement, la surveillance du bon déroulement des choses en phase de déploiement.

Un mandat vieilli

Conditions pour devenir Rentic

L’agréation d’un Rentic dépend de ses compétences, de son expérience et des formations qu’il a suivies.

Pour devenir Rentic, il faut dès lors faire valoir une expérience certaine, avoir développer une expertise générique (e-business) mais aussi spécialisée dans un domaine précis (référencement Internet, intégration, sécurité…). Il faut aussi s’engager à respecter une stricte neutralité et, à l’avenir, les nouveaux “templates” (canevas) qui baliseront le travail de conseil et d’accompagnement des entreprises. voir ci-dessous.

Le concept de Rentic et l’intervention financière de la Région pour financer leurs missions ont été imaginés… en 2001. A cette époque, le marché de l’e-business était encore loin d’être mûr. Les sociétés – les PME en particulier – se posaient encore pas mal de questions sur la manière de procéder pour lancer un site e-business par exemple. Les concepts de CRM ou d’ERP – sans parler d’Internet – étaient encore nébuleux, ésotériques et compliqués aux yeux de beaucoup. Du conseil à la fois professionnel et neutre était nécessaire pour préparer les projets (et les choix), éviter les pièges, combler le manque de connaissances, éviter que les sociétés ne fassent confiance à de purs charlatans.

Aujourd’hui, lancer un site e-business est devenu quasi une formalité (même s’il demeure des embûches et des risques).

Xavier Lebecque: “Tous s’accordent à dire que le texte d’origine est trop restrictif par rapport à l’emploi des nouvelles technologies”. Et largement dépassé par rapport aux réalités actuelles…

La fonction première des Rentic ne se justifie donc plus. Mais, le cadre législatif n’ayant pas été adapté, les primes e-business continuent d’être octroyées selon d’anciennes règles. Il suffit de monter un bon dossier, en suivant les règles, et on obtient sans trop de difficultés une aide financière pour des choses qui ne le justifient pas vraiment. De nombreux dérapages – et effets d’aubaine – ont été constatés. Exemple cité par l’un des responsables qui s’en occupe au sein de l’administration wallonne: un prestataire a un jour proposé de réaliser un projet de déploiement [essentiellement du paramétrage] d’un site e-commerce, basé sur PrestaShop, pour la somme de… 25.000 euros. Le dossier, tel que présenté, pouvait être accepté tel quel et déboucher sur un subside surdimensionné.

On croit rêver – ou cauchemarder.

Certes un expert, désigné par la Région, pourra revoir l’estimation à la baisse – et la Région n’interviendra pas au-delà d’un montant plafonné (15.000 euros) – mais l’effet d’aubaine jouera malgré tout. Gaspillage caractérisé, entend-on d’ailleurs du côté de l’administration. Sans compter que les procédures actuelles imposent des processus longs, lourds en main-d’oeuvre et qu’en cas de dossier recalé ou “raboté”, les demandeurs ont la faculté de demander une contre-expertise. Et c’est reparti pour un tour.

Par contre, des besoins bien réels ne sont pas couverts. “Impossible par exemple d’obtenir une prime pour le développement d’une application mobile parce qu’une appli n’est pas un “site Internet” et ne correspond donc pas aux critères dictés dans le texte législatif…”, souligne Xavier Lebecque. Impossible en tout cas si on n’y associe pas, justement, un site Internet. Voir, à ce suiet, la précision qu’y a apportée Xavier Lebecque dans un courrier rectificatif qu’il nous a adressé.

“Le texte est trop restrictif par rapport à l’emploi des nouvelles technologies. En 2001, on n’avait jamais imaginé, par exemple, le phénomène M2M [communications machine-to-machine]. Or, il faut un portail pour gérer ces communications…”

L’association des Rentic – mais avec elle aussi l’administration elle-même ou encore l’Agence du Numérique (ex-AWT) – plaident pour une redéfinition des critères d’attribution des primes.

Que propose l’association des Rentic?

  • redéfinir la définition-même de Rentic. Selon Xavier Lebecque, “être expert en e-business ou e-commerce, aujourd’hui, veut tout dire, ou rien du tout. Un Rentic est avant tout quelqu’un qui donne des conseils pour répondre aux besoins du client final en lui procurant le conseil le plus avisé et avec le meilleur retour sur investissement possible”
  • définir un véritable “retour sur investissement” – en veillant à ce que les Rentic disposent de connaissances suffisantes pour pouvoir élaborer un business plan et calculer un ROI
  • améliorer la transparence dans le suivi des dossiers introduits
  • revoir et accélérer le processus d’octroi des primes, avec libération de 50% de la prime dès le démarrage
  • ne plus imposer une réanalyse systématique du travail préparatoire effectué, sur chaque dossier, par un Rentic (le dossier est actuellement réexaminé par un “expert” désigné par la Région): “un contrôle aléatoire devrait suffire. Après tout, nous sommes des professionnels…”.
  • renouveler chaque année les objectifs et adapter régulièrement les critères d’attribution des primes afin de rester en adéquation avec l’évolution des technologies
  • imposer que les prestataires qui décrochent par la suite le contrat aient eux-mêmes signé la charte de déontologie eTIC; pour ce faire, les appels d’offres qu’aideraient à définir les Rentic ne seraient adressés qu’à des sociétés labellisées eTIC). “Le fait, pour toutes les parties prenantes, d’être liés par les termes de ces chartes de déontologie impliquera que toutes les “questions qui fâchent” éventuellement – propriété des sources, identité des interlocuteurs en cours de projet, propriété intellectuelle… – auront été abordées, documentées et résolues en amont.”

Autant de propositions que l’association des Rentic espère voir approuver par les autorités régionales.

Nouvelle charte

Au-delà de leur cadre d’intervention – qui dépendra de l’approbation d’un nouveau décret -, les Rentic ont, de leur côté, engagé diverses actions afin, en quelque sorte, de se professionnaliser davantage.

Pour obtenir le statut de Rentic, les consultants devront signer une charte de déontologie. Rien de neuf, à cet égard, si ce n’est qu’il s’agira d’une version réactualisée de cette charte.

Par ailleurs, une nouvelle méthodologie de travail permettra à l’avenir de gérer les dossiers Rentic de manière plus efficace. “Des canevas guideront mieux toutes les parties concernées (Rentic, client, prestataire, Région wallonne) pour la définition plus précise des besoins, le balisage de la planification du projet, son phasage, la définition des livrables… Les canevas réduiront les risques de déviance dans le déroulement de l’accompagnement.” Pour rappel, le rôle du Rentic consiste aussi – et ce devrait encore être davantage le cas à l’avenir – à accompagner la société en cours de déploiement d’un projet afin de vérifier que sa mise en oeuvre, par le partenaire commercial, s’effectue correctement, en adéquation avec les conseils émis au préalable.

Actions de sensibilisation

Ce 1er avril, l’association des Rentic organise sa deuxième journée de “speed coaching” – gratuit – pour tout professionnel, entrepreneur, porteur de projet en quête de conseils dans une panoplie de domaines: e-business, e-commerce, référencement Internet, intégration back-office, etc. etc.

En cours d’année, d’autres rencontres et ateliers seront organisés à travers la Wallonie pour mieux faire connaître les actions des Rentic. D’avril à décembre, des demi-journées de speed-coaching seront ainsi organisées, comme en 2014, dans divers coworking spaces wallons. Par ailleurs, même si le programme Rentic est d’origine wallonne, l’espoir est de pouvoir étendre l’action au bénéfice des entreprises et entrepreneurs bruxellois. Des contacts, en ce sens, ont été établis, dès l’année dernière, avec Izeo et des Rentic participeront à nouveau à la journée e-Day 2015.

Xavier Lebecque: “Un Rentic est un peu comme un avocat. Mieux vaut le consulter avant qu’après.”

Un partenariat a par ailleurs été passé avec les centres de compétences Technofutur TIC (Gosselies) et Technifutur (Liège) afin de prodiguer formations et de mettre des Rentic à disposition à des coûts avantageux. A partir du mois d’avril, des Rentic seront par exemple formés à la méthode Cassis (un label qui concerne des activités de conseil en stratégie informatique, de choix de logiciel, d’évaluation de la maturité informatique et de gestion informatique partagée). “Technifutur assure des formations Cassis mais ne propose pas d’accompagnement après ces formations. Demain, des Rentic pourront le faire…”