Le “retard à l’allumage”? Une question de “maturité”

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Par · 23/02/2015

On l’a vu dans notre article “Pérégrinations de quatre start-ups orientées e-commerce”, Grégory Van Ass, initiateur de MaPromo.be, n’a pas réussi – notamment – à convaincre suffisamment de commerçants de proximité de confier leurs promos locales à sa plate-forme. Il semble que l’une des pierres d’achoppement ait été le processus de chargement du “matériel” (informations et illustrations) par les commerçants. “Même si le processus de mise en ligne des promos avait été simplifié au maximum, les commerçants qui chargeaient eux-mêmes du contenu étaient rares. Nous devions sans cesse les relancer, ou le faire nous-mêmes. Deux heures de formation par un délégué commercial parlant le langage des commerçants étaient prévues dans notre tarif. Et cette formation était clairement indispensable.” Mais cela n’a de toute évidence pas suffi.

Avoir une maîtrise minimale des outils IT – en ce compris l’e-marketing, le référencement, les réseaux sociaux – ainsi que des “codes” qui gouvernent aujourd’hui les relations avec les clients

Il n’a pas de réelle explication, objective, à avancer mais il suppose que le degré de nouveauté, la confrontation à l’inconnu, ont sans doute joué un rôle.

Source: www.neiu.edu

Selon lui, les commerçants qu’il avait approchés “débarquaient” littéralement dans l’univers numérique: “plus de 50% des commerçants qui avaient passé un contrat avec nous n’avaient rien mis en oeuvre précédemment. Certains ne disposaient même pas d’une adresse mail avec leur propre nom de domaine…” Seuls des commerçants d’une certaine envergure (tels la chaîne Expert) “avaient compris l’avantage de la formule. Au lieu de dépenser plusieurs milliers d’euros par mois dans de la pub dans des prospectus et journaux locaux, cela ne leur coûtait que 50 euros chez nous. Avec un beau ROI à la clé…”

Sur base de sa propre expérience, Vincent Bultot (Nearshop) estime que “moins de 5% des commerçants ont acquis une maturité numérique. Et 5 commerçants sur 100 seulement sont prêts à se lancer.”

Quels sont les besoins?

A l’automne 2013, suite à une étude conjointe AWT/Forem, une série de lacunes, en termes de compétences, ont été identifiées comme étant plus particulièrement élevées dans le chef des (candidats) e-commerçants. A savoir:

  • community management
  • CRM
  • marketing 2.0
  • référencement
  • cloud computing
  • développement de sites web.

Les avis au sujet des carences en compétences varient.

Chez Technofutur TIC, on estime que “trop de projets manquent de préparation et d’analyse stratégique, les investissements sont encore trop souvent mal alloués et peu mesurés. Les lacunes et travers: une identification insuffisante des niches de marché porteuses, une mauvaise compréhension des exigences du consommateur en ligne et une difficulté à identifier les facteurs-clé de succès d’une présence e-commerce.

Pour Christophe Fruytier (Teasio), la carence se manifeste en termes de connaissance des usages et des outils de communications. En ce compris sur les réseaux sociaux. Par exemple en termes de notion d’image, de pertinence de tel ou tel réseau social en fonction du type de produit ou de service qu’on commercialise.”

“En termes de carences, la situation diffère selon que l’on parle de grandes sociétés ou de petits commerçants”, estime pour sa part Georges-Alexandre Hanin (Mobilosoft). “Les grands acteurs disposent généralement d’équipes mais qui sont organisées en silo. Il y a une personne qui s’occupe de l’e-commerce, une autre du branding, une autre encore du marketing mais uniquement pour les supports et médias locaux papier et une quatrième pour le marketing numérique. Ma question est la suivante: où la société positionne-t-elle le client dans tout cela? Il faudrait plutôt procéder par analyse du parcours du client: comment il s’informe, achète, comment il voudrait interagir avec la marque… A mes yeux, on devrait donc trouver dans la structure de la société [commerçante] une personne qui endosse le rôle de consommateur et articule la démarche.”

Les besoins (ou lacunes) en compétences des petits acteurs sont tout autres. “La problématique est plus complexe dans la mesure où ils sont très occupés. Le temps à consacrer pour s’intéresser sérieusement au numérique n’est pas négligeable. Peut-être les petits commerçants devraient-ils s’organiser en cluster.

Vincent Bultot (NearShop): “Les petits commerçants manquent de connaissances basiques: comment communiquer vers une multitude de canaux ou simplement comment créer une page Facebook, animer une communauté…”

Pour sa part, Damien Jacobs, consultant et formateur indépendant, ancien collaborateur de l’AWT, identifie également certaines lacunes auprès de la “nouvelle génération” (sorte d’e-commerçants “natives”). Chez eux, ce serait dans certains cas surtout… des notions commerciales qui font défaut

“A l’occasion d’un étude que j’avais menée en 2012 afin d’analyser les facteurs d’échec et de réussite d’un projet d’e-commerce, j’avais été frappé de voir que ceux qui ont (ou se sont formés à) l’aptitude commerciale s’en sortent nettement mieux que la moyenne. J’avais par contre pu constater qu’une forte minorité des gens qui se lancent dans l’e-commerce ont un profil très technique, voire purement informatique. Ils pensent être les mieux armés en raison de leurs connaissances du Web. Mais il leur manque souvent cette aptitude commerciale et n’ont dès lors pas les compétences par exemple pour négocier des prix ou n’ont pas le réflexe de modifier le tir, via des gestes commerciaux, lorsque survient un couac au niveau du service après-vente ou lorsqu’ils se trompent d’article dans le processus logistique.” Pour l’exprimer autrement, “la vitrine [magasin physique vs e-shop] est sans doute différente mais les fondamentaux, eux, ne changent pas.”