EuroQuity: site de “matching” entre investisseurs privés et PME/start-up

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Par · 09/02/2015

EuroQuity, plate-forme en-ligne dédiée à la mise en relation d’investisseurs privés (ou industriels) avec des PME, TPE et “jeunes pousses” (tous secteurs confondus – high-tech ou non), fait ses débuts en Belgique cette semaine.

D’origine française (elle a été lancée en 2008) et pilotée par Bpifrance (voir encadré ci-dessous), EuroQuity avait déjà suscité l’intérêt de l’Allemagne, par l’entremise du KfW. En Belgique, son relais et, dès lors, le détenteur de la licence d’exploitation sera la Sowalfin qui, en décembre dernier, a signé un accord exclusif pour l’ensemble de la Belgique. A charge pour elle de négocier avec des interlocuteurs dans les deux autres Régions la déclinaison de la plate-forme en Flandre et à Bruxelles.

A préciser toutefois d’emblée qu’il n’y aura pas de ségrégation territoriale. Toute société belge, quelle que soit son implantation, et tout investisseur (privé), quelle que soit son origine, peut donc s’inscrire et manifester sa recherche ou son offre de financement via la plate-forme. Cette dernière est d’ailleurs un portail trans-national, toute société qui en devient membre pouvant ainsi solliciter des acteurs inscrits via la plate-forme française ou allemande.

Qui est qui?

Quelques chiffres? EuroQuity, c’est actuellement 4.459 sociétés, 1.617 porteurs de projet, 6.666 investisseurs et 2.620 conseillers inscrits.

La plate-forme a été créée en 2008 par Bpifrance. Ses opérateurs sont Bpi en France, KfW Bankengruppe en Allemagne et Sowalfin en Belgique.

Bpifrance est notamment la résultante de la fusion entre l’ancienne Oseo et CDC Entreprises.

Cet organisme procure des solutions de financement aux PME françaises, “depuis l’amorçage jusqu’à la cotation en Bourse”.

Quant à KfW (Kreditanstalt für Wiederaufbau), cette banque de développement allemande a été créée en 1948 pour aider à la reconstruction de l’Allemagne et a depuis pour vocation d’encourager l’activité économique. Depuis sa constitution, elle a injecté 400 milliards d’euros dans l’économie allemande.

Combler un vide

400.000 euros. Tel est le budget alloué par la Wallonie dans le cadre du Plan PME (ou “Smart Business Act”, composante du Plan Marshall 4.0). Il couvre les frais de lancement d’EuroQuity mais aussi la redevance que la Sowalfin doit verser à Bpifrance. Cette redevance sera, à terme, partagée entre les 3 régions du pays en cas de contrat avec des homologues bruxellois et flamand de la Sowalfin.

EuroQuity, financée par les autorités publiques wallonnes (voir ci-contre), doit servir de levier permettant aux PME et start-ups locales de renforcer leurs fonds propres et ainsi de favoriser non seulement leur croissance mais aussi de montrer un visage de viabilité et de potentiel plus attrayant et rassurant “aussi bien aux clients, aux fournisseurs et – surtout – aux banques”, souligne Bernard Liebin, membre du comité directeur de la Sowalfin.

“82% du tissu économique wallon est constitué de PME”, rappelait pour sa part Jean-Claude Marcourt, ministre de l’Economie. “Le problème vient du fait que 60% d’entre elles ne satisfont pas à un taux de 33% en fonds propres [Ndlr: seuil à partir duquel les banques considèrent qu’une société évoluent en “zone sûre”]. 30% de entreprises n’atteignent pas les 16,5% [en-deçà de laquelle les banques parlent de “zone dangereuse”]. Ces sociétés se retrouvent dès lors dans une situation de totale vulnérabilité. Seules 20% des entreprises de moins de 3 ans sont considérées comme “sûres” par les banques.

Bernard Liebin (Sowalfin): “on pourrait comparer EuroQuity à un site de rencontres, pas entre personnes recherchant compagnie mais entre entreprises et investisseurs. Mais comme sur un site de rencontres, il faut vérifier le sérieux et l’honorabilité des deux acteurs.”

Depuis 2008, les PME se plaignent de ne plus être entendues des banques. Ces dernières rétorquent qu’elles octroient des crédits à de “bons dossiers”. Il faut donc travailler à rendre les dossiers meilleurs et lutter contre un manque de capitaux privés dans le tissu économique wallon. En complémentarité avec ce que fait le secteur public.”

EuroQuity est dès lors présenté comme un instrument supplémentaire, venant compléter des initiatives telles que Sowacess, la plate-forme en-ligne de cession de sociétés Affaires à Suivre, le programme CxO “et d’autres encore qui seront dévoilés au cours des prochains mois.”

Ouvert à tous

Dès son lancement, le volet belge de la plate-forme affichera au compteur 20 sociétés en quête de fonds privés. L’objectif – l’espoir – est de “tourner” avec un panel de 100 sociétés dès la première année. “En s’appuyant sur l’expérience française, il est raisonnable de penser que 10 à 15 d’entre elles trouveront du financement, pour des levées de fonds pouvant aller jusqu’à 500 ou 600.000 euros. Avec certes des variations selon les moyens que cherche une société”, estime-t-on à la Sowalfin. “Cela pourrait représenter, pour les PME, sous forme de fonds privés, une masse financière de 5 à 10 millions d’euros”. Petite comparaison: de tels montants représenteraient de 30 à 50% de ce que gère elle-même actuellement la Sowalfin sur base annuelle.

Source: HoccInvest

En France (autre petite comparaison), la plate-forme a rapidement atteint une belle vitesse de croisière: 10 millions d’euros injectés dès les premiers mois, pour un total de 230 millions investis entre 2008 et 2014 dans “quelques centaines de sociétés”.

Comment ça marche?

Christine Margreve (EuroQuity): “Une société peut s’inscrire même si elle n’est pas en recherche active de fonds ou si aucun projet n’est encore formalisé. En opérant en mode veille, elle pourra malgré tout attirer l’attention.”

La plate-forme s’adresse plus spécifiquement aux PME, start-ups, sociétés en forte croissance mais ne ferme pas pour autant la porte aux grandes entreprises qui ne viendront pas y chercher des fonds mais plutôt, comme c’est déjà le cas en France, une meilleure connaissance du monde des petites sociétés en croissance, à forte innovation. L’occasion éventuellement pour elles de découvrir quelques pépites dans lesquelles elles pourraient investir ou avec lesquelles elles pourraient conclure des accords commerciaux ou technologiques.

C’est d’ailleurs là une particularité de la plate-forme EuroQuity: il n’est pas forcément nécessaire pour une société, même petite, d’être en recherche active de fonds pour s’inscrire et participer (en mode “veille”). C’est aussi, pour elle, une façon de se donner plus de visibilité, de se présenter comme “ouverte à propositions” (commerciales, technologiques…), d’afficher des indicateurs de dynamisme (tours de table déjà réalisés par exemple).

 

Qui a sa place sur EuroQuity? Comment les sociétés en recherche de capitaux s’y présenteront-elles? Comment s’effectueront les contacts avec les investisseurs? Quels outils sont mis à disposition? Quel rôle de supervision joueront à la fois l’équipe belge d’EuroQuity et les “animateurs de communautés”?

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Trois types d’acteurs entreront dans la danse via la plate-forme: les entreprises, les investisseurs (business angels, private equity funds, investisseurs industriels…) et des conseillers. Ces derniers peuvent être des consultants en levées de fonds, des comptables, avocats, réviseurs d’entreprises. Par contre, les bureaux d’étude et bureaux conseils, en tant que tels, ne pourront s’y affilier.

Chaque candidat devra fournir un profil. Pour les sociétés, il faudra par exemple renseigner activités, principaux chiffres, forme de société, personne de contact, description du projet justifiant la levée de fonds, le montant recherché, le type d’investisseurs recherchés (industriel, business angel…), le montant minimal par investisseur, l’agenda de la levée de fonds, qui pourra consulter le profil (investisseurs et/ou leurs conseillers, autres sociétés)…

De même, investisseurs et conseillers devront se constituer le profil le plus précis possible, en ce compris des détails sur le type de projet qui les intéresse ou leurs domaines d’expertise.

Les profils sont vérifiés et validés par les animateurs de communautés (voir ci-dessous) et le gestionnaire de la plate-forme avant de les mettre en ligne.

Sur base des profils et des avis de recherche de fonds, un mécanisme automatique de matching se met en oeuvre. Avec envoi systématique d’alertes (par mail) aux investisseurs lorsqu’une demande correspond à leurs critères. Les entreprises, elles, sont averties de toute visite sur leur profil.

Une fois des partenaires potentiels avertis, tous les contacts se feront “hors plate-forme”, l’idée n’étant pas de négocier un apport de fonds via EuroQuity.

Rester anonyme, si on veut

Chaque demande d’adhésion fait certes l’objet de vérifications pour jauger le sérieux de la société (ou de l’investisseur potentiel) mais une société peut requérir l’anonymat, afin de ne pas annoncer à tous vents qu’elle est en recherche de fonds. “Il y a certains secteurs où chacun se connaît et où une telle annonce peut être dommageable”, expliquait Bernard Liebin. En France, 20% des sociétés en recherche de fonds via la plate-forme ont choisi l’anonymat. “Mais, en général, il est plus utile de ne pas le faire. Cela contribue à l’image de dynamisme d’une société”, indique Gilles Le Cocguen, responsable des services et partenariats internationaux chez Bpifrance.

Les “outils” de la plate-forme

EuroQuity s’est structurée en “communautés d’investissement” qui regroupent des membres (sociétés, porteurs de projets, investisseurs, conseillers) sur base de thèmes, d’affinités professionnelles, de régions géographiques, de type de projets suivis… Des exemples? Une communauté de sociétés tournées à l’exportation, un regroupement de sociétés actives dans un secteur déterminé (hi-tech, agro-alimentaire, logistique, biotechnologies…), une communauté de business angels…

“Postuler et s’inscrire à plusieurs communautés permet d’augmenter sa visibilité et l’opportunité d’attirer des investisseurs”, souligne Christine Margreve, directrice d’EuroQuity Belgique.

Chaque communauté est pilotée par un “animateur” qui orchestre et dynamise non seulement les échanges mais à qui il revient aussi de vérifier les profils et la teneur des demandes d’adhésion. L’objectif est de veiller à la qualité des dossiers, à ne présenter aux investisseurs que des sociétés “qualifiées” mais aussi de leur procurer un accompagnement efficace par un “animateur” qui connaît le secteur où elles évoluent. Exemple d’“animateur” pour la communauté “agro-alimentaire” belge: le secrétaire général de la Fédération agro-alimentaire. “C’est aussi un moyen de responsabiliser les communautés”, indique Christine Margreve, directrice d’EuroQuity Belgique.

Quelques exemples de communautés existant déjà sur la plate-forme et de l’identité de leur “animateur”? InvestNet pilote une communauté de sociétés innovantes, pour la plupart avec un profil technologique; la communauté Enterprise Europe, créée par la Commission européenne, met en relations PME et partenaires technologiques étrangers; Cap Digital, pôle de compétitivité français, anime une communauté orientée contenus et services numériques.

Depuis peu, EuroQuity a ajouté deux instruments à son panel. A commencer par des séances d’e-pitching. Tous les mois, des sociétés peuvent se présenter, via des sessions visuelles de 7 minutes, à des investisseurs potentiels.

Le gestionnaire de la plate-forme se charge, au préalable, de les conseiller afin de réussir au mieux l’exercice. “Ces séances de formation répétitives sont utiles pour se présenter à des investisseurs. Une PME n’en est effet pas les moyens de se payer les conseils d’une banque d’investissement. Ces formations – gratuites – sont source de valeur pour une PME. Elle y acquiert un savoir-faire qu’elle peut faire valoir lors d’autres contacts et qui renforce sa crédibilité vis-à-vis de ses interlocuteurs”, déclarait Frédéric Vassort, CEO d’Ampacimon (voir ci-dessous) venu témoigner de sa propre expérience.

 

Le témoignage d’Ampacimon

Ampacimon, spin-off de l’ULg, incublée au WSL, a développé une solution (capteurs et logiciels) d’optimisation des capacités de transmissions des réseaux électriques. Elle est actuellement en quête de capitaux (3 millions d’euros) afin de financer sa prochaine étape de croissance, qu’elle situe dans un contexte international. Lors du lancement officiel de la plate-forme EuroQuity, son CEO, Frédéric Vassort, était venu témoigner de l’intérêt d’un tel instrument. “Une telle plate-forme permet d’accéder à un écosystème plus large, en ce compris en dehors de nos frontières, d’accéder rapidement à des capitaux significatifs. Si nous avions pu le faire plus tôt, je suis certain que nous en serions déjà plus loin dans notre processus de croissance.” Il en profite pour faire passer un message aux start-ups: “une start-up doit oser aller chercher des fonds. Avec un bon dossier, on trouve les fonds nécessaires. Mais il faut un lieu où faire se rencontrer sociétés et investisseurs. La plate-forme EuroQuity apprend à le faire, facilite la mise en relation.”

 

Autre instrument, plus classique: les “Petits déjeuners de l’investissement”, formule qui marche bien en France (80 sociétés y ont participé; 20 ont trouvé des investisseurs).

Ajoutons encore qu’EuroQuity Belgique s’est doté d’un comité consultatif, chargé de veiller à l’efficacité et à la pertinence de la plate-forme. Il comptera notamment parmi ses membres des représentants de l’UCM, de l’UWE, de Febelfin, de Be.Angels, de la Sowalfin, des invests.

Avec la bénédiction de la FSMA

EuroQuity a obtenu, début février, le feu vert de la FSMA, cette dernière estimant que cette plate-forme n’évolue pas sur le terrain de l’appel public à l’épargne dans la mesure où elle s’adresse spécifiquement à des investisseurs institutionnels ou professionnels. Pas besoin dès lors d’en passer par le principe des prospectus.

Mais certaines contraintes n’en demeurent pas moins, telles l’interdiction de segmenter la levée de fonds entre plus de 149 participants.

Par ailleurs, si la société qui recherche des fonds peut certes indiquer le montant total espéré, il lui faut par contre éviter de dévoiler trop de détails dans la description qu’elle publie. Les règles de la FSMA stipulent en effet que les informations publiées ne peuvent permettre à des investisseurs potentiels de décider d’emblée d’un investissement. Les détails de l’ouverture du capital, par exemple, ne peuvent être dévoilés à ce stade. Des prises de contact “hors plate-forme” demeurent un passage obligé.

Autre limitation, côté sociétés acceptées cette fois: les sociétés en difficultés financières ne seront pas admises sur EuroQuity. Le but est de financer la croissance pas de redresser une société.