CHU Charleroi: l’appétit de l’image

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Par · 17/12/2014

Ces dernières années, le CHU de Charleroi a rénové son réseau informatique et migré sa téléphonie vers une solution IP qui a ainsi pu s’ouvrir à la vidéo. Le WiFi est en cours de déploiement, tant pour un usage voix que vidéo. Le nouveau site de Marie Cure (Lodelinsart) est finalisé. Le site Vésale (Montigny-le-Tilleul) est en passe d’être équipé. Suivront encore les sites de Léonard de Vinci (également à Montigny-le-Tilleul), Vincent van Gogh (Marchienne-au-Pont) et Léon Neuens (Châtelet). “La mise à niveau demandera encore sans doute un an”, estime Jean-Pierre Binon, directeur informatique de l’hôpital.

Les nouveaux canaux et équipements de visiocommunication mis en oeuvre (essentiellement des solutions Cisco) doivent avant tout servir à déployer ce que Jean-Pierre Binon appelle une solution collaborative hospitalière globale. Objectif: faire un sort aux implémentations spécifiques ou limitées à certains services, à la disparité de matériels et d’interfaces… “L’architecture transverse, les interfaces SIP et H.323, font disparaître les fonctionnements en îlots. Elles permettront en outre de venir y greffer, à terme, les demandes des médecins, à un coût marginal.”

Et c’est là l’objectif essentiel visé: pouvoir ajouter et déployer de nouvelles applications à valeur ajoutée – que ce soit pour la patientèle ou pour le personnel hospitalier.

Le b.a.-ba: la télé-réunion

Au CHU de Charleroi, l’équipement vidéo prend de multiples formes – depuis des visiophones (pour les utilisateurs qui le désirent) jusqu’à des dispositifs de vidéoconférence à distance en passant par des “assistants cliniques” mobiles dotés d’un écran et d’une caméra.

Source: Lifesize

Assez logiquement, la première utilisation qui a été faite de la vidéo est celle de la vidéoconférence, pour des réunions ou formations à distance: flux vidéo émis à partir de l’auditoire, réunions hebdomadaires des services, réunions en équipes virtuelles multidisciplinaires (entre neurologue, médecin traitant, spécialiste en imagerie médicale, par exemple)…

“Comme de nombreux hôpitaux, notre institution est multi-site. La vidéoconférence permet désormais aux responsables de services de ne plus avoir à se déplacer systématiquement pour leurs réunions hebdomadaires. On gagner ainsi de 4 à 5 heures par réunion. Qui plus est, les médecins, en restant sur leur site, peuvent intervenir plus rapidement en cas d’urgence.”

La visioconférence permet aussi de pallier au manque de médecins dans certaines disciplines dans la mesure où une seule personne peut ainsi effectuer des consultations ou être appelée pour des conseils et instructions à distance.

Téléconsultation

Solliciter un second avis, en référer à distance à un spécialiste, se concerter avec collègue pour les soins ou traitements à donner sont des concepts de télémédecine déjà bien connus et de plus en plus pratiqués. Au CHU de Charleroi, les trois salles du bloc opératoire du nouveau site Marie Curie (inauguré en octobre) sont équipées en systèmes vidéo (Vidyo) afin non seulement de pouvoir assister à distance aux opérations mais aussi d’autoriser les demandes d’avis à distance.

Coloscopie à distance au CHU de Charleroi

Deux autres projets précis sont par ailleurs en phase de déploiement et portent sur l’utilisation d’“assistants cliniques” mobiles, autrement dit des chariots médicaux équipés d’un potentiel vidéo bidirectionnel.

Le premier concerne une connexion vidéo directe entre un endoscope et un codec installé sur un chariot mobile doté d’une caméra. “Cela permet à un médecin ou chirurgien de demander un avis à distance à un expert ou à un collègue. Utile en cas d’urgence, lorsque l’expert est occupé sur un autre site, ou face à une situation imprévue.”

L’expert ou le collègue consulté peut ainsi visualiser en temps réel une intervention endoscopique. Littéralement de l’intérieur! “Et cela évite aussi au patient de devoir repasser deux fois un examen invasif”, souligne Jean-Pierre Binon.

L’autre projet qui est sur le point d’entrée en phase opérationnelle est baptisé TeleStroke. Il concerne la mise en service d’un chariot doté d’une caméra qui officiera aux urgences. Il permettra, à distance, au neurologue de garde de poser rapidement un diagnostic d’AVC. “La rapidité est essentielle dans ce genre de cas. En faisant pratiquer de simples exercices de mouvement des yeux, qui seront donc filmés par la caméra, le neurologue de garde, où qu’il se trouve, pourra, à l’aide de son iPad, détecter et confirmer un AVC. Les urgences pourront alors intervenir à bon escient plus rapidement.”

Pour l’heure, il n’est pas encore prévu d’établir ce genre de vidéocommunications entre le neurologue de garde et l’ambulance par exemple, ou avec le médecin généraliste qui serait appelé en cas d’AVC à domicile.

Recréer du liant

La vidéo investit également les chambres des patients. Voici quelques années, le concept de chariot mobile avait été imaginé pour accompagner médecins et infirmières jusqu’au chevet du patient, notamment pour encoder l’information dans la chambre, consulter des résultats de labos, procéder à la prescription électronique… A l’usage, les réticences n’ont pas tardé à se manifester. Encombrants, faisant double emploi par rapport au chariot de médicament, supplantés par l’usage d’un PC portable ou d’une tablette, ils ont été largement délaissés.

Le CHU les a donc transformés en chariots de communication utilisables par les patients. Dans un but bien précis: des communications visuelles avec la famille. “Jusqu’ici, les appels se font encore via Skype. A l’avenir, un accès automatique sera possible entre les patients et leur famille via le portail de l’hôpital. Que ce soit le patient, via l’écran du chariot mobile, ou le proche à distance, via son PC connecté, sa tablette ou son smartphone, il suffira de cliquer sur un bouton pour établir la communication.”

La vidéo intervient dans un autre contexte de mise en communication. A savoir, la médiation interculturelle. Une dizaine de médiatrices, attachées au service social de l’hôpital, peuvent ainsi intervenir à distance dans le dialogue entre un patient allochtone par exemple et le médecin. “Cette solution est surtout utilisée pour des consultations ou pour faciliter les relations entre infirmières et patients au sein des unités de soins. Il suffit que le cabinet de consultation soit équipé d’un visiophone ou que le médecin ou l’infirmière dispose d’une tablette.” Les médiatrices, elles, opèrent à partir d’une cabine de médiation équipée en visiophones, installée sur le site Espace Santé (Charleroi). A noter que la solution, aujourd’hui utilisée exclusivement par le CHU, sera bientôt étendue aux maisons médicales externes.

Outre l’atout de l’image pour favoriser le dialogue (elle est encore plus utile lorsqu’elle permet par exemple une traduction en langage des signes), les liaisons vidéo permettent, ici encore, de pallier à la rareté des ressources. “Les médiateurs interculturels sont très demandés. Passer par la vidéo leur évite de devoir se déplacer fréquemment et de perdre du temps.”

Prêt pour la prochaine étape

L’architecture réseau unifiée permet désormais au CHU de Charleroi de véhiculer données, voix et vidéo.

CHU Charleroi: amener l’expert, virtuellement, au chevet du patient.

La prochaine étape sera celle du M2M (machine to machine), d’ailleurs déjà entamée, et celle de l’Internet des Objets, avec intégration des communications venant de capteurs en tous genres. Par exemple, des capteurs de température, de pression sanguine, des dispositifs miniaturisés pour la surveillance des maladies chroniques…

“Notre rôle, en tant que techniciens, est de construire l’infrastructure de telle sorte qu’elle puisse satisfaire aux besoins lorsqu’ils sont exprimés par les médecins”, rappelle Jean-Pierre Binon.

Personnellement, il ne voit pas encore très bien quel duo pourraient former Internet des Objets et télémédecine (dans sa dimension de médecine visuelle à distance) mais il se sent paré à d’éventuels scénarios.

Côté M2M, quelque 500 frigos sont déjà connectés au réseau et couplés à la téléphonie à des fins de surveillance des températures. “En cas de dépassement de seuil, l’alarme est transmise via le réseau téléphonique. Idem pour les alarmes agression à certains guichets. Le prochain projet concerne la géolocalisation d’équipements: pompes de perfusion, chaises roulantes, matelas anti-escarres…”