Chambre high-tech pour patient connecté

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Par · 17/12/2014

Voici deux ans, le Grand Hôpital de Charleroi (GHdC) déployait ses premiers terminaux de chevet (“bedside systems”). 55 exemplaires de ces systèmes, intégrant un grand écran tactile (géré sous Windows 8) installé sur un bras articulé, furent tout d’abord installés dans deux unités de soins (oncologie et orthopédie).

Après 9 mois de test, l’expérience s’avérant positive (voir ci-dessous au chapitre “Modèle win-win”), il a été décidé de généraliser le déploiement à toutes les chambres particulières (soit 175 terminaux supplémentaires). Mais ce n’était là qu’une première étape vers un aménagement informatique des chambres qui réponde mieux aux attentes nouvelles de ceux qui sont amenés à les occuper.

Entre-temps, l’hôpital s’est en effet engagé dans un autre projet où le terminal de chevet devient un élément encore plus interactif et central d’une chambre dite “innovante”.

Chambre innovante

Le GHdC a en fait profité de la création d’un nouveau pôle Mère-Enfant (sur le site Notre-Dame) pour initier ce projet-pilote qu’il espère déployer plus largement dans quelques années. “Contrairement à ce qui se fait au CHRU de Lille [qui a servi d’inspiration pour le GHdC – voir l’article publié dans Les Echos], la chambre est réellement intégrée dans nos services et sert aux jeunes mères et à leurs familles”, souligne Pierre Jacmin, CIO du GHdC. “Nous en retirerons de véritables enseignements pour l’accueil des patients et la prestation des services hospitaliers. Il est d’ailleurs d’ores et déjà prévu que l’équipement de cette chambre innovante évolue au fil du temps.”

L’objectif est en effet de développer cette solution pour aménager les chambres du futur hôpital qui sera construit d’ici 2020 ou 2022 et qui regroupera les actuels 5 sites décentralisés de l’institution hospitalière.

Pierre Jacmin (Grand Hôpital de Charleroi): “Demain, les attentes du patient seront plus proches du service hôtelier que du service hospitalier”.

L’inauguration des nouvelles chambres “hi-tech” du pôle Mère-Enfant – au nombre de six – a eu lieu fin novembre. On y retrouve le terminal de chevet, avec son écran tactile, ses accès à Internet, aux applications multimédias, aux fonctions domotiques (commandes de l’éclairage, de la TV…). Une interface Kinect permet ainsi à la patiente de tout commander par le geste, en ce compris le relais de l’affichage sur le téléviseur grand écran (42”). La colonne de chevet est par ailleurs dotée d’un lecteur de codes-barres, d’une prise pour branchement d’un iPad, d’un boîtier modulable (pour branchement USB…).

A cette partie purement IT s’ajoutent divers équipements qui redéfinissent totalement l’image que l’on se fait d’une chambre d’hôpital classique: lit-fauteuil revalidant mobile (que l’occupant peut commander via un joystick), tête de lit intégrant tout le câblage et les arrivées de fluides médicaux, paroi mobile séparant l’espace salle de bains…

“Demain, les attentes du patient seront plus proches du service hôtelier que du service hospitalier”, déclare Pierre Jacmin. Via son projet, le GHdC veut donc se préparer à ce nouveau scénario. Avec une possible “sectorisation de l’offre”. A savoir “des chambres pour long séjour qui ressemblent davantage à un espace hôtel tandis que les chambres pour court séjour seront de type espace motel.”

Une version plus moderne du lit-fauteuil devrait arriver sous peu pour une surveillance plus dynamique du patient, via caméra infrarouge intégrée, capteurs de pression, de mesure du rythme cardiaque et respiratoire, de la saturation en oxygène… Avec relais vers le bracelet connecté du patient.

Modèle “win-win”

L’hôpital s’est engagé dans son projet initial de terminal de chevet en voulant procéder progressivement. Notamment pour vérifier l’utilité réelle et l’impact financier d’une telle solution.

Voir par ailleurs, dans ce dossier, notre article “Bedside terminals”: une utilité remise en question.

“Dès nos premiers contacts avec divers fournisseurs, tous prétendaient que les terminaux de chevet sont des solutions rentables”, déclare Pierre Jacmin. Mais aucun n’a voulu s’engager dans le “modèle” que proposait l’hôpital. A savoir, une répartition des risques. “L’institution hospitalière ne cherchait pas à gagner de l’argent grâce à cette solution mais simplement à doper son image et son attractivité. Les revenus pouvaient donc aller dans les poches du fournisseur.” Mais, en contrepartie, l’investissement pour le déploiement du test-pilote incombait à ce dernier. Etonnamment – par rapport à leur discours évoquant une solution “rentable” – aucun n’a semblé vouloir prendre le risque d’une rétribution sur base d’une “monétisation” du service.

Seul un partenaire a accepté de “jouer le jeu”. A savoir Econocom. “Nous avons imaginé un modèle économique contraignant pour les deux parties. L’hôpital s’engageait sur un taux d’occupation des lits de 75% tandis qu’Econocom s’engageait sur un taux d’utilisation des terminaux (via offre de contenus, de fonctionnalités…).”

Un écran TV 42” qui se pilote via l’interface Kinect et l’écran tactile du “bedside terminal”.

“Contenu” proposé: Internet, télévision HD (TV over IP), jeux, lecture de livres-audio, vidéo à la demande, fonction d’enregistrement d’émission (pour reprise à l’endroit exact où elle a été interrompue, par exemple pour cause de soins ou de visite).

Selon cette formule “win-win” (qui ne s’applique qu’aux 55 premiers terminaux déployés), le GHdC verse un loyer à Econocom (1) et des amendes sont appliquées en cas de non-respect de la convention par l’un ou l’autre partie.

Un premier bilan a été tiré après six mois. “Les taux avaient été respectés, les patients étaient satisfaits et le personnel infirmier n’émettait aucune plainte, ne devant pas intervenir pour aider les patients à utiliser le terminal ou à “débugger” une fonction.”

Il est vrai que l’hôpital a pris la précaution de louer plus de terminaux de chevet que nécessaire, histoire de pouvoir immédiatement remplacer un éventuel terminal défectueux.

A noter – chose importante – que même s’il sont “prévus pour”, les terminaux ne sont pas encore utilisés à des fins médicales ou administratives par le personnel soignant. Par exemple, pour la consultation du dossier, des résultats d’examens, etc. C’était pourtant là l’un des avantages recherchés: gagner en rapidité et efficacité en termes d’accès aux données. “Le personnel soignant pourrait l’utiliser pour accéder au DMI, aux images PACS, au dossier infirmier [son déploiement est en cours au GHdC] mais des discussions sont encore en cours”, explique Pierre Jacmin.

Pour deux raisons essentielles. Tout d’abord, des questions de confidentialité. Ensuite, “parce que toutes les applications ne se prêtent pas forcément à une utilisation aisée sur ce genre de terminal [pour rappel, en l’occurrence, un écran tactile]. Pour l’heure, le personnel soignant continue donc d’utiliser des clients légers qui ne franchissent pas la porte de la chambre.”


(1) Leasing sur 10 ans, période à l’issue de laquelle le GHdC devient propriétaire du matériel. Le contrat passé prévoit – très logiquement – une évolution technologique progressive afin de pouvoir intégrer dans la chambre et ses divers éléments de nouvelles technologies (telles que des capteurs). A noter encore que le modèle “win-win” appliqué au contrat de leasing des 55 premiers terminaux de chevet n’a pas étendu. Ni aux 175 terminaux qu’a ensuite commandé le GHdC, ni au projet-pilote de chambre high-tech. [ Retour au texte ]