Andaman7: quand le patient a son dossier médical (quasi) en poche

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Par · 07/11/2014

Vincent Keunen, patron de la société liégeoise Manex, est en passe de donner naissance à un projet qui lui tient à coeur, en ce compris pour des raisons personnelles, depuis de nombreuses années. Il est aussi la résultante de l’expérience acquise, au fil des ans, lors de la réalisation de divers projets et solutions orientées soins de santé (dossier médical sur PDA Newton – rappelez-vous le tout premier PDA d’Apple, fin des années 80!; messagerie médicale sécurisée meXi; dossier médical de prévention “JaWS”).

 

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Nom de son nouveau projet: Andaman7 (voir notre encadré ci-dessous pour une explication de ce nom… exotique). Objectif: permettre au patient de disposer à tout moment de son dossier médical, de pouvoir le consulter, le compléter, et le partager avec qui lui plaira- qu’il s’agisse de membres de sa famille ou de représentants du corps médical.

Andaman est en fait le nom… d’îles de l’océan indien, au sud de la Birmanie. Vincent Keunen y a vu comme un symbole: “les tribus primitives qui vivaient sur certaines de ces îles sont restées coupées du monde jusque dans le courant des années 40. Un peu à la manière dont les professionnels de la santé travaillent encore aujourd’hui en silos, avec des îlots d’informations, et communiquent encore trop peu.”

Quid du chiffre 7? Ici, on retrouve un fil rouge médical puisque le 7 fait allusion aux normes HL7 bien connues des milieux médicaux (échanges de données cliniques, financières et administratives entre systèmes informatiques hospitaliers).

Plusieurs raisons ont poussé Vincent Keunen à se lancer dans ce développement: “au fil du temps, j’ai pu constater combien un médecin ou un professionnel de la santé ne disposait pas des informations nécessaires sur le patient qu’il a en face de lui.”

Le fait est que consulter dans deux hôpitaux différents ou se rendre chez un spécialiste est la meilleure façon de se rendre compte que des données (résultats d’examen, historique de traitement, etc.) manquent à l’appel. Bien souvent, le patient doit répondre à de nombreuses questions alors que ces informations sont déjà en possession d’un autre praticien.

 

Dossier actif

Andaman7 propose donc non seulement de permettre au patient de posséder ces informations (la loi stipule d’ailleurs qu’il en est le détenteur) mais aussi de rendre plus dynamique la communication entre patient et professionnel de la santé.

La solution, spécifiquement conçue pour mobiles (smartphones et tablettes)  se compose donc de deux volets.

D’une part, un système de dossier médical électronique pour le médecin, où il tiendra à jour l’ensemble des dossiers de ses patients (via synchronisation avec l’application et les dossiers qu’il gère déjà généralement sur un système desktop ou un serveur – des API ouvertes garantiront la compatibilité avec les applications médicales existantes).

De l’autre, un outil de gestion de dossier personnel pour le patient. Les deux se resynchronisant au gré des nouvelles informations générées au fil des visites, examens, interventions…

Médecin et patient pourront y adjoindre des informations telles qu’effets secondaires d’une médication, conseils, résultats de laboratoire…

Vincent Keunen: “Eviter que les données médicales d’un patient ne soient pas disponibles au moment opportun.”urs.”

L’avantage premier: le dossier médical n’est plus la seule prérogative du praticien, stocké uniquement sur le système du médecin, du spécialiste, de l’hôpital… mais existe aussi dans une version que le patient peut emmener partout avec lui- sur son smartphone ou sa tablette. A aucun moment, pour des raisons de sécurité et de confidentialité, le dossier ne se retrouve “dans le cloud”.

Autre caractéristique: la constitution de ce dossier se veut de type collaboratif (ou participatif), toutes les parties concernées pouvant le mettre à jour, le compléter. C’est, aux yeux de Vincent Keunen, l’une des conditions sine qua non pour que le patient – ou l’individu en bonne santé – s’implique réellement dans sa propre prise en charge.

Le dossier est aussi partageable. Chaque personne créant une information destinée à ce dossier choisit à qui elle veut ou non la communiquer. “Nous avons prévu un grand nombre de règles de partage”, souligne Vincent Keunen. Et ce, de manière très granulaire: tel résultat d’examen pourra être communiqué à telle ou telle personne, au seul généraliste ou à tel spécialiste. “Le médecin pourra ainsi décider s’il est judicieux de partager l’information avec des collègues, mais aussi de la communiquer ou non au patient, en raison de son état d’esprit. Il pourra partager uniquement l’information administrative avec sa secrétaire, sans détails médicaux ou personnels.”

Le dossier pourra être communiqué et partagé en tout ou en partie.

Des infos toujours dispo

Vincent Keunen revendique nombre d’avantages à une telle solution “portable”: “Grâce aux résultats de labos que possédera ainsi le patient, il pourra aisément s’adresser à un autre professionnel pour un second avis. Un médecin n’aura plus à communiquer systématiquement toutes les pièces nécessaires à un confrère ou spécialiste puisque le patient viendra avec son dossier complet. L’historique sera immédiatement accessible, en ce compris par exemple les vaccinations. Et le patient pourra emmener son dossier à l’étranger, ce qui facilitera la tâche en cas de visite ou d’hospitalisation.” A noter à cet égard que le dossier sera traduit en plusieurs langues.

Des données fiables

Un tel dossier “mobile” accessible à diverses personnes suppose bien entendu que toutes les mesures de sécurisation de l’information et de son accès soient prises. A cet égard, Andaman7 a prévu toute une série de mécanismes. Outre les diverses règles de partage citées ci-dessus, les données seront systématiquement chiffrées pour le stockage mais aussi avant d’être synchronisées entre la tablette du médecin et le mobile (smartphone ou tablette) du patient.

Par ailleurs, une fois encodée, une information ne peut plus être modifiée – en ce compris s’il y a erreur d’encodage de la part du médecin. “Il pourra invalider l’information en barrant l’enregistrement précédent et c’est le nouvel encodage qui fera foi.”

Toutes les saisies antérieures sont soigneusement conservées pour constituer l’historique.

La “traçabilité” de l’information est en outre garantie. Trois paramètres sont en effet enregistrés lors de chaque encodage ou enregistrement: l’information proprement dite, l’identité de la personne qui l’a encodée, et la date et heure.

Modèle économique à connotation sociale

L’appli sera gratuite à la fois pour les patients et les médecins. La “monétisation” viendra d’un petit espace réservé à la publicité, qui ne s’affichera que sur l’écran du professionnel de la santé. Une publicité (de sociétés pharmaceutiques, par exemple) que Vincent Keunen veut “la moins intrusive, la plus discrète possible: à peine quelques lignes brèves, avec hyperlien que le médecin pourra choisir ou non d’activer.”

Jusqu’ici, Vincent Keunen a entièrement financé les développements (deux personnes y travaillent à plein temps) sur fonds propres. Pour financer le déploiement commercial d’Andaman7, il envisage éventuellement de recourir, à terme, à du crowdfunding. “Nous voulons éviter de recourir à des investisseurs au profil trop financier, trop gourmand. Nous tenons à la dimension sociale du projet. Si nous recherchons du financement, nous espérons plutôt pouvoir attirer l’attention de bienfaiteurs, un peu à la manière dont opère un Bill Gates. Des bienfaiteurs qui cherchent avant tout un retour social et humain. Pas financier.”

Vincent Keunen: “Pour d’éventuels financements futurs, nous voulons éviter de recourir à des investisseurs au profil trop financier, trop gourmand. Nous espérons plutôt pouvoir attirer l’attention de bienfaiteurs qui cherchent avant tout un retour social et humain.”

Bien que son projet ait été sélectionné par LeanSquare pour bénéficier de son programme d’incubation (d’une durée d’un an maximum), Vincent Keunen ne cherche pas avant tout de financement de ce côté-là (même s’il ne refusera sans doute pas si l’opportunité s’en présente). “Si nous avons participé à l’appel à projets de LeanSquare, c’est avant tout pour nous challenger nous-mêmes. Un premier test intéressant était l’évaluation Startup Health Check. Ensuite, un accompagnement par LeanSquare nous permet d’être dans la mouvance des start-ups et de nous faire challenger sur nos points faibles. LeanSquare pourra également favoriser la promotion du projet. Et ce sera une opportunité pour nous d’attirer les regards de MeusInvest…”

Pour boucler sa phase bêta, valider la pertinence des fonctionnalités de sa solution et la faire évoluer, l’équipe d’Andaman7 recherche encore actuellement des médecins et des patients qui seraient prêts à tester l’application. Les personnes intéressées peuvent s’inscrire via le site du projet.

L’appli Andaman7 devrait faire ses débuts au printemps prochain. Elle sera tout d’abord disponible pour iPad (la version bêta est d’ailleurs prête). Suivront la version pour iPhone et la version pour smartphone Android. Avant celle pour tablettes Android.

Pourquoi un tel ordre dans les développements? “Parce que l’iPad est davantage utilisé par les médecins tandis que les smartphones Android sont plus nombreux du côté des utilisateurs privés.”