Québec: tremplin vers les US ou destination à part entière?

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Par · 09/09/2014

Même si les sociétés et autorités québécoises argueront que la Belle Province vaut à elle seule le détour – et une implantation -, le fait est que le Québec représente une belle porte d’entrée vers le continent américain. Et pas seulement vers l’Oncle Sam mais aussi, par le truchement de l’accord de libre échange (Alena) qui lie le Canada, les Etats-Unis et le Mexique, vers l’Amérique centrale et du Sud.

Cette porte d’entrée se définit non seulement en termes commerciaux mais aussi en termes de “mentalités”. Le Québec, c’est déjà l’Amérique, l’entrepreneuriat dans l’ADN, mais avec une coloration différente, qui peut offrir une sorte de sas de décompression pour les Européens qui débarquent. “Le Québec et Montréal sont un environnement plus compréhensible pour les Européens”, affirme par exemple Philippe Mack, patron de Pepite, société liégeoise spécialisée en analyse de données, présente à Montréal depuis 2003. Cette caractéristique d’“entre-deux-mondes”, combinée à l’argument de la langue et à une politique volontariste pour le secteur IT, l’amènent à s’étonner qu’il n’y ait pas plus d’entreprises wallonnes qui pensent à s’y établir ou, tout au moins, à y ouvrir une antenne.

Georges-Alexandre Hanin de Mobilosoft (solutions Internet et référencement pour e-commerçants), qui a participé en juin à la mission commerciale organisée par le cluster Software in Brussels, parle lui aussi de point d’entrée vers le marché nord-américain. Avec l’avantage de la langue et d’un marché “qui ressemble un peu au marché belge. La taille des acteurs y est assez similaire. Rencontrer des sociétés permet donc de valider la possibilité de traction qu’auraient nos produits à l’exportation.”

Luc Francis Jacobs, patron de Nixxis, société bruxelloise spécialisée dans les logiciels pour centres d’appels, a lui aussi participé à la mission commerciale bruxelloise.

Luc Francis Jacobs (Nixxis): “Nous avons découvert que Montréal est la véritable capitale de l’ICT pour toute la côte est de l’Amérique du Nord.”

Il confirme les propos de Philippe Mack et y ajoute quelques arguments: “Le Québec accueille les entrepreneurs à bras ouverts. Leur optique, différente de ce qu’on peut rencontrer chez nous, est d’accueillir les sociétés étrangères en raison de leur potentiel à générer de l’emploi local.

Source: AQT

D’où le nombre d’aides qui sont proposées, en matière d’embauche et de R&D. Leur politique de migration est plus tolérante. Et une fois l’antenne québécoise créée, les exportations vers le reste du continent deviennent beaucoup plus faciles. La société peut alors bénéficier d’aides à l’exportation, trouver aisément la bonne structure à laquelle s’adresser pour identifier un partenaire dans chaque pays.”

Le fait que le Québec soit une terre francophone et francophile représente un atout potentiel, estime Luc Francis Jacobs. “Un entrepreneur francophone y sera d’office mieux accueilli qu’un hispanophone par exemple.” Tout comme Philippe Mack, il estime que le Québec constitue une terre de transition utile: “d’un point de vue culturel et business, Montréal et New York sont comme le jour et la nuit. Les Américains, de par l’envergure du pays, sont davantage centrés sur leur propre marché, voire leur Etat. Pour qu’un Européen ou un Belge qui débarque puisse se faire entendre, il lui faut présenter un produit réellement hyper-compétitif. Les Québécois, eux, ont un esprit nettement plus ouvert sur le monde.”

Visa Québec pour Software in Brussels

Les participants à la mission économique organisée en juin par le cluster Software in Brussels avaient diverses motivations en se rendant au Québec (à noter que le voyage incluait aussi un passage par New York). Pour la plupart, ils avaient fait le déplacement à la recherche de partenaires commerciaux (distributeurs, importateurs, intégrateurs de solutions…) et de clients potentiels. Ou dans l’espoir de trouver outre-Atlantique des débouchés nouveaux leur permettant d’alimenter leur volonté de croissance. C’était le cas pour Nixxis (logiciels pour call centers) et efficy (éditeur d’une solution de CRM).

Certains, tels IQ Room Psychometrics (gestion de tests psychométriques en-ligne), espéraient même y trouver des investisseurs, notamment des business angels. Be Connect Interactive, agence de marketing social et mobile, espérait dénicher des développeurs ou des sociétés actives dans le développement d’applications du genre génération d’opportunités, génération de trafic pour sites commerciaux en-ligne, fidélisation de clientèle, animation de communautés virtuelles, gamification

Autre motivation des participants: “prendre la température” d’un marché qui, à divers égards, est en avance sur le nôtre. Par exemple, en termes de taux d’adoption de solutions cloud, de solutions “2.0” (marketing, réseaux sociaux, gamification…) et, d’une manière plus générale, pour une veille technologique par rapport à des tendances et technologies qui y font leur apparition avec une certaine avance par rapport au “Vieux Continent”.

Un autre univers

Comme l’explique Philippe Mack (Pepite), qui y a ouvert une antenne dès 2002 (voir notre article), “l’état d’esprit qui prévaut au Québec est bien différent de chez nous. Montréal baigne dans un climat très entrepreneurial.” Il souligne notamment le côté souple et efficace des mécanismes de financement de la R&D (via crédits d’impôt) mis en oeuvre au Québec. Voir à ce sujet notre article “Les sirènes québécoises”.

Confirmation par Luc Francis Jacobs, patron de Nixxis: “les mentalités sont différentes.”

Mais cela implique aussi, lorsqu’on y va, de ne pas se contenter d’une mentalité européenne ou belge. “Il faut y aller avec l’esprit ouvert. Ne jamais répondre par non à une demande. C’est le pays du “promise-ware”. Lorsqu’un prospect ou partenaire potentiel demande si vous pouvez lui proposer telle ou telle solution, il faut toujours répondre oui – même si le produit n’est pas disponible. Mieux vaut répondre par l’affirmative et déclarer qu’il pourra en disposer d’ici deux ou trois mois. C’est une approche davantage “sens du service”…