Codes QR contre ‘beacons’: duel ancien-nouveau?

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Par · 07/07/2014

Au Musée de Boston, plus de codes agressifs pour l’oeil…

Une technologie encore relativement peu présente chez nous commence à faire parler d’elle, à savoir celle des balises de type “beacon” (Bluetooth version 4, faible consommation). Ces balises sans contact (NFC- near field communication), émettent un message unique, programmable, qui identifie l’objet sur lequel elles sont apposées ou qui contient par exemple un lien renvoyant vers un site Internet.

L’“intelligence” n’est plus dans le portable ou le mobile mais est implantée dans l’“objet” exposé.

Chez nous, on commence progressivement à rencontrer ce type de balises dans les musées, parfois jumelées à des codes QR plus classiques. C’est le cas au Musée de la Céramique d’Andenne, au Musée de la Famenne à Marche-en-Famenne, au Musée du Masque à Binche et au Musée René Magritte à Bruxelles.

Les “beacons” feront également faire leur apparition du côté de Mons à l’occasion du déploiement de divers projets Mons 2015. Voir notre article.

Du pour et du contre

Les balises NFC, technologie de géolocalisation “in-door”, permettent aux objets de se signaler spontanément à l’approche d’un visiteur, avec des filtres éventuels selon les pôles d’intérêt qu’il aurait paramétrés. Pour les musées, ce serait l’occasion de récolter des informations sur les visiteurs, leurs “comportements”.

Voici ce que déclarait Julia Da Costa, chargée des projets Web et nouveaux médias de la Fondation Culturespaces, responsable de la gestion du Musée Jacquemart-André (Paris), lors de l’inauguration de 8 bornes de type beacon: “pour l’institution muséale, il sera intéressant, grâce aux statistiques de chacune des bornes, de voir dans quelles pièces les utilisateurs restent le plus longtemps, devant quelles œuvres ils s’attardent, les salles qu’ils ne visitent pas, s’ils empruntent un chemin de visite différent et ainsi retravailler, si besoin est, notre parcours muséographique.” Source: Club Innovation & Culture France.

Code QR ou balise NFC. A Andenne, le Musée de la Céramique a préféré ne pas choisir…

Comparée aux codes QR, cette technologie de balises présente à la fois des avantages et des inconvénients. Côté positif: une durée de vie somme toute confortable (de l’ordre de deux ans), grâce à la technologie  Bluetooth basse énergie utilisée, et un rayon d’action d’environ 100 mètres. (distance “théorique” souligne toutefois Dimitri Blomme, directeur commercial chez Tapptic. “Leur portée réelle est davantage de l’ordre de 40 mètres.” Ce qui d’ailleurs n’est pas un souci dans un contexte muséal in-door. Autre avantage: le signal est identifié par le smartphone même lorsqu’il est éteint.

Côté négatif: un coût assez élevé, de l’ordre de 20 euros, là où un “tag” QR se situe en-deçà d’un euro.  Autres inconvénients cités par Dimitri Blomme: l’obligation d’activer le Bluetooth, de disposer d’une application mobile, d’identification de la source du signal (en cas de haute concentration d’objets (“entre une origine située entre 5 et 10 mètres, faire la différence n’est pas forcément probant”), un “comportement” qui peut varier selon le type d’appareil utilisé par l’usager (“la réaction au signal est différente selon que l’on dispose d’un smartphone sous iOS ou sous Android, ou d’ailleurs selon la marque du smartphone Android!”)

Lors du récent M-Forum de l’AWT, tant Dimitri Blomme qu’Ali Benfattoum, directeur de projet au CITC-EuraRFID de Lille, signalaient un risque (conceptuel) de dérive pour la vie privée. A savoir: celui du “spamming” ou de “pollution numérique” ou encore celui de communiquer aux marketers des informations “à l’insu de notre plein gré” sur nos comportements et habitudes (risque qui est toutefois réduit dans un contexte purement muséal et culturel, les finalités étant en principe davantage identifiées).

Code QR vs balise NFC? “Y a pas photo”

Si les codes QR ont été les premiers à être adoptés dans les musées, les balises semblent promises à un bel avenir. Aux yeux de plusieurs responsables de musées et d’exposition interviewés lors de la préparation de ce dossier, c’est un peu un débat ancienne technologie contre technologie d’avenir.

Dans le plateau qui ferait pencher la balance du côté des balises, ils mettent par exemple les arguments de géolocalisation et de communication “spontanée”. Sans oublier un autre paramètre plus terre-à-terre et basique: la discrétion des balises qui peuvent se dissimuler derrière ou en-dessous des “objets” exposés (tableaux, artefacts, statues, etc.) sans gêner le regard et, de manière plus profonde, “dénaturer, défigurer la scénographie.”

Pour Xavier Roland, responsable du Pôle muséal de Mons, il ne fait aucun doute que “les codes QR sont appelés à disparaître. C’est à mes yeux – et l’avis n’engage que moi – une technologie mort-née. Elle est par ailleurs parfois difficile à maîtriser par certains utilisateurs. Il faut prévoir des codes de grande taille. Les personnes âgées ont parfois difficile à bien scanner. La manipulation est loin d’être fluide. La vraie technologie, c’est la géolocalisation, le déclenchement automatique de l’information dès que le visiteur arrive à proximité de la balise.”

Xavier Roland (Pôle muséal de Mons): “La vraie technologie, c’est la géolocalisation, le déclenchement automatique de l’information dès que le visiteur arrive à proximité de la balise.”

Et quant au reproche du manque de précision de l’origine du signal, il précise que “c’est une question d’encodage. Lorsque le contexte justifie le placement de multiples balises, leur activation doit être scénarisée.” Par exemple en fonction de l’identité ou du profil [Ndlr: profil de pôles d’intérêts, de préférences…] du visiteur. “La balise s’active alors en fonction de priorités, d’une hiérarchie, à codifier dans un parcours prédéfini qui mène le visiteur d’un point à un autre. Via encodage, on peut parfaitement prévoir que la balise 3 ne se déclenchera que si la balise 1 a été activée et ainsi de suite…”