Big data: de multiples champs d’application industrielle

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Par · 03/06/2014

Pepite, société liégeoise auteur de la plate-forme Web de ‘predictive analytics’ DATAmaestro, se positionne dans le domaine de l’analytique de gros volumes de données dans le secteur industriel. Relire l’article que nous lui avions consacré.

Ses outils ont été utilisés dans plusieurs projets européens. Notamment pour iTESLA (Innovative Tools for Electrical System Security within Large Area), projet R&D du 7ème Programme-cadre européen qui vise à fournir aux différents gestionnaires de réseaux de transport une “boîte à outils permettant de coordonner et d’harmoniser leurs procédures opérationnelles”. L’un des outils des “réseaux intelligents” (smart grids) sera l’analyse des données d’exploitation du réseau énergétique européen en vue de permettre aux opérateurs (Elias et homologues étrangers) de prédire la consommation et de sécuriser les approvisionnements.

Deux chiffres

Petite indication des enjeux? Deux chiffres, venus d’outre-Atlantique:

  • PG&E collecte tous les mois 2 téra-octets de données concernannt son réseau électrique
  • croissance des investissements en analyses de données pour le secteur de l’énergie: + 18% par an.

“La pénétration des énergies renouvelables induit une importante dose d’incertitude dans la gestion”, souligne Philippe Mack, directeur de Pepite. “Les outils big data permettent de mieux exploiter ces incertitudes, de prédire les besoins, le comportement des différents éléments constitutifs du réseau, que ce soit de manière individuelle ou collégiale. Cela permet de procéder à une gestion plus prédictive des situations plutôt que d’adopter une démarche curative, de devoir agir en mode gestion de crise…”

A quand la panne?

Dans le domaine de la maintenance prédictive, la société namuroise Maintenance Partners, membre du groupe Mitsubishi Heavy Industries, a également fait appel à Pepite pour déployer une solution de surveillance du fonctionnement d’éoliennes.

L’outil, baptisé Wintell (pour “wintelligence”, contraction de wind-vent et intelligence), est le fruit du projet de développement Power (Power Optimization through Wind Energy Reliability), cofinancé par la Wallonie. Il permet notamment d’identifier automatiquement des indicateurs de défaillances (connues ou inconnues), d’anticiper et de prévenir les pannes.

Des tests-pilote et de premiers déploiements concernent des parcs d’éoliennes belges, allemandes, françaises et luxembourgeoises (tant sur terre qu’en off-shore).

“Wintell permet de détecter des signes de défaillances. Les outils de surveillance analysent les paramètres collectés sur les différentes éoliennes connectées au réseau, paramètres qui sont consolidés dans une base de données centralisée et qui peuvent dégager des patterns. Il devient ainsi possible d’anticiper les pannes, d’envoyer des alertes préventives aux gestionnaires et ainsi d’optimiser la disponibilité en faisant en sorte que les éoliennes soient opérationnelles lorsque s’ouvrent les fenêtres de production [périodes propices à leur fonctionnement].”

Le problème majeur, dans l’état actuel des choses, est que les données, collectées à diverses sources, sont disparates – vibration, alimentation électrique, surveillance des températures, des pressions, alertes diverses, données de corrosion, de maintenance, prévisions météorologiques… – et ne sont pas corrélées. Les données “historiques” doivent idéalement être combinées avec des informations collectées en temps réel. “99% des systèmes d’analyse et de surveillance existant sur le marché s’appuient sur des sources individuelles, sans analyse croisée”, explique Philippe Mol, ingénieur chez Maintenance Partners.

La solution Wintell génère automatiquement les données AMDEC (analyse des modes de défaillance, de leurs effets et de leur criticité), définit des règles de fonctionnement, génère des “agents intelligents” évolutifs (capables de prendre en compte des déviations par rapport aux normes. Les volumes de données à analyser peuvent rapidement devenir importants: de 200 à 300 paramètres différents sont captés chaque seconde. Multipliez cela par des dizaines voire centaines ou milliers d’éoliennes faisant partie d’un parc ou d’un réseau, et vous aurez une petite idée du défi.

A l’avenir, les données purement chiffrées de fonctionnement pourront être combinées à d’autres sources de données, “telles que les images infrarouge visualisant si la distribution de températures, en fonction des mouvements des éoliennes, est normale ou non…”, déclare Philippe Mack.

En pouvant prédire la survenance de pannes ou défaillances, les opérateurs peuvent non seulement intervenir préventivement mais aussi mieux planifier leurs opérations de maintenance en les programmant pour les périodes “mortes” (périodes de vent trop faible ou trop violent) et en pouvant réserver à temps le matériel nécessaire.

De l’huile numérique pour les moteurs

Alstom Transport aussi s’intéresse aux “big data” à des fins de maintenance préventive. En l’occurrence, celle des motrices de trains, et ce, via la collecte des données générées par les systèmes embarqués et les capteurs placés le long des voies, dans les gares…

Objectif: “anticiper le statut de la motrice, anticiper l’événement (panne, incident). Ou surveiller les effets de l’exploitation sur l’ensemble du parc de motrices. Cela permettra par exemple d’identifier l’éventuelle récurrence d’un problème touchant les matrices sortant de même atelier et d’évoluer vers des services proactifs et de la maintenance préventive”. Dixit Michel Rousseau, R&D program manager chez Alstom Transport.

Autre application de ce genre de données: la gestion du trafic ferroviaire. En Europe, les équipements Alstom surveillent ainsi 12.000 kilomètres de voies et quelque 3.300 trains…

Source: Techspace Aero

Autre exemple encore, l’utilisation que peut en faire Cenco, division de Techspace Aero spécialisée dans le domaine des bancs d’essais de moteurs d’avion. L’objectif? Réduire les coûts et améliorer la maîtrise des bancs d’essai, augmenter les connaissances sur le moteur, prédire l’efficacité d’un futur modèle. “Les données prennent la forme de statistiques, de vidéos, de transitoires… Les canaux d’acquisition (températures, vibrations…) se comptent par milliers. La masse de données se calcule en téra-octets”, indique Jean-François Colson, directeur du comité technique Acquisition de données de Cenco.

Demain, un nouveau pas dans le volume et la complexité sera franchi lorsque la masse de données dynamiques et le nombre de capteurs utilisés par banc d’essai augmenteront, “lorsque l’on ajoutera de la réalité augmentée, des vidéos HD… A l’avenir, en multipliant les corrélations, il deviendra possible de réduire les coûts, d’améliorer la maîtrise des bancs d’essai et la connaissance des moteurs et de prédire l’efficacité d’un futur modèle.”

Si l’on reste dans le domaine de l’aéronautique, les mêmes défis se posent en matière de conception de structures d’avion et de suivi de leur comportement tout au long de leur usage opérationnel. Samtech a par exemple participer à la conception de la structure de le l’Airbus A350 XWB (extra wide body). Là aussi les chiffres sont impressionnants: les quelque 52 partenaires d’Airbus génèrent tous des données. “Les analyses locales, qui sont ensuite centralisées, se comptent en millions”, explique Didier Granville, directeur de la stratégie chez Samtech. “On dénombre quelque 8.000 cas de charges, 10.000 composants, 8 scénarios de rupture par composant… En tout, 5 péta-octets de données par avion.” Ajoutez-y l’historique progressif qui se constitue au sujet des fissures de composant, réparations… et multipliez par le nombre d’avions!