Un marché local trop peu ouvert aux “régionaux de l’étape”

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Par · 12/05/2014

Au fil des jours, Régional-IT a donné la parole à une petite palette de dirigeants de sociétés IT (ou d’acteurs du secteur IT local) afin qu’ils puissent exprimer leurs souhaits et idées qu’ils mettraient en oeuvre s’ils se voyaient confier le portefeuille de Ministre de l’Economie/Numérique. Plusieurs idées et propositions sont apparues comme des constantes. Vous en trouverez un petit rappel dans ce petit synopsis. 

Nous voudrions revenir ici, de manière plus spécifique, sur l’une des doléances qui a été évoquée, quasi à l’unanimité, par les chefs d’entreprise sollicités. A savoir la difficulté qu’il y a pour les fournisseurs et prestataires IT locaux – PME ou start-ups – de décrocher des projets initiés par les organismes publics ou para-publics. Sans parler du privé qui n’offre pas forcément plus de possibilités. Alors qu’ils pourraient – devraient – montrer “le bon exemple”, fournir non seulement du travail mais aussi un socle de références aux acteurs locaux.

Un autre monde

“Le marché est monopolisé par les grandes sociétés, les Trasys, Siemens, Fujitsu…”, nous déclarait par exemple l’un d’entre eux.

Pourquoi? Les raisons sont multiples et variées. Celles qui ont été le plus souvent citées sont les suivantes:

  • manque de visibilité des appels d’offres – en tout cas est-ce la perception qu’en ont les “petits calimeros”
  • des critères de sélection qui leur sont défavorables: il faut pouvoir justifier, selon le cas, d’un chiffre d’affaires suffisant, de x années d’expérience, de références en nombre suffisant, de critères bilantaires “qui sont proportionnellement plus forts dans une grande entreprise: argent sur le compte, investissements en matériel, bâtiments… Le ratio actifs/passifs sera mathématiquement toujours plus élevé pour une grande entreprise, ou pour une société plus ancienne, ou dans le cas d’une société de produits plutôt que de services… Ce n’est pas normal. Le calcul défavorise systématiquement les petits acteurs…”
  • l’impossibilité de concurrencer valablement des fournisseurs “traditionnels” – quand la porte n’est pas tout simplement fermée pour cause de contrats-cadre cadenassés pour plusieurs années
  • un terrain où les petits acteurs n’ont pas leurs entrées: “beaucoup de projets ne sont identifiés que par les sociétés qui ont les moyens de faire du lobbying – ou de fréquenter assidûment les bureaux et couloirs des administrations. Une petite PME n’a matériellement pas le temps d’être dans toutes les institutions…”
  • la difficulté, voire l’incapacité, à concurrencer les tarifs (développement, consultance) proposés par les grands. Etonnant? Pas si l’on considère que ces ténors ont (assez souvent) recours à l’offshore. Résultat: “le client s’attend à ce que nous nous alignons sur ces tarifs. Ce qui est impossible. Nos employés ont une valeur. Nous devons investir dans leur formation et cela coûte cher. Il faudrait par conséquent empêcher les grandes entreprises de forcer les petites entreprises à travailler en-dessous de leur prix de revient.”

 “Il faut demander aux grands donneurs d’ordre de varier leur portefeuille de fournisseurs.”

“Il faut obliger les entreprises publiques à varier leurs fournisseurs en termes de taille d’entreprise. Certaines tuent les PME en ne voulant traiter qu’avec quelques grands prestataires. Les PME ne peuvent pas passer en direct et la marge reste chez les intermédiaires qui n’ont aucune valeur ajoutée. Par ailleurs, les grands prestataires sous-traitent souvent vers des pays à bas salaire, vers l’Inde par exemple, et demandent aux PME belges d’aligner leurs tarifs…”

Eviter la confrontation, jouer la différenciation

Comment concurrencer de grands prestataires qui cassent parfois les prix, notamment en allant chercher dans l’offshore les ressources et tarifs nécessaires?

Voici ce qu’en dit Agoria: “Il est nécessaire pour certaines entreprises locales d’opérer un revirement parce qu’elles ne pourront plus faire la différence. D’où l’intérêt pour elles de se spécialiser dans des créneaux particuliers au lieu de faire la même chose de ce qui se fait déjà ailleurs, à meilleur prix. Elles peuvent réellement faire la différence dès l’instant où il y a une grande proximité avec le marché local, lorsqu’elles mettent en exergue leurs connaissances approfondies, leur spécialisation…”

 

Comment “favoriser” les acteurs locaux?

Une autre demande exprimée par plusieurs de nos interlocuteurs est de donner plus de chances aux solutions locales plutôt qu’à celles venues de l’étranger.

Plusieurs ont ainsi émis l’idée d’un mécanisme du genre “tax shelter”. “Pourquoi le fait-on pour l’audiovisuel et pas pour l’IT? Pourquoi favoriser un secteur plutôt qu’un autre? Mais peut-être l’Europe ou l’OCDE ne l’accepteraient-ils pas… Il serait toutefois utile d’imaginer quelque chose allant dans ce sens pour aider le secteur ICT.”

Les banques devraient revoir la logique de leurs calculs en matière de prêts aux PME.

Cela n’étonnera évidemment personne d’apprendre que le secteur bancaire n’a pas été épargné par les commentaires de quelques petits ou moyens acteurs IT. Certaines pratiques sont considérées comme particulièrement pénalisantes, voire “assassines” pour l’existence de petits acteurs.

“Même lorsqu’elles prêtent de l’argent, les banques recourent à la dénonciation de crédit dès qu’elles croient qu’elles ne seront pas remboursées. Couper les crédits à une entreprise en difficulté, c’est aggraver sa situation.

Il faudrait obliger les banques à réserver une part de capital à risque. Par exemple, sur un crédit de 100.000 euros, il faudrait les obliger à accepter une prise de risque sur une part réservataire de 10.000 euros qu’elles ne pourraient pas dénoncer. Cette part serait de toute façon perdue pour elles si elles procédaient à une dénonciation. Aujourd’hui, les banques ne sont pas des partenaires. Comment pourrait-on s’appuyer sur une échelle dont les barreaux risquent de casser à tout moment?”