Look & Fin – Objectif ? Rendement

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Par · 18/02/2014

Les fonds que lèvent les entrepreneurs et porteurs de projets via Look & Fin sont des prêts sans garantie, qui les obligent à procéder à un remboursement, selon un échéancier précis. Les taux d’intérêt appliqués peuvent varier selon le degré de risque qu’implique le projet ou les caractéristiques de l’activité de la société financée.

Frédéric Lévy Morelle: “Les investisseurs sont souvent avisés. Leur premier critère n’est pas la séduction qu’exerce sur eux un projet mais plutôt le rendement financier de la société.”

Les conditions ne sont d’ailleurs pas plus avantageuses que celles proposées par les banques, Look & Fin reconnaissant que passer par la plate-forme peut en fait s’avérer plus onéreux.

Le taux d’intérêt est fixé en concertation entre Look & Fin et l’entrepreneur. “C’est toujours lui qui a le dernier mot, qui prend sa décision sur base de nos évaluations et de nos conseils. Nous le mettons toutefois en garde si son évaluation ne nous paraissent pas adéquates ou réalistes”, souligne Frédéric Lévy Morelle, administrateur délégué de Look & Fin.

Et cela vaut aussi bien pour ses capacités de remboursement que pour la probabilité d’attirer des funders: “s’il prévoit par exemple du 4% l’an, il y a peu de chances que les investisseurs souscrivent…”

Car, contrairement à d’autres formes de crowdfunding, telle que le “don pour don” (du genre KickStarter ou KissKissBankBank), l’apport de fonds de la part de la “foule” est loin d’être désintéressé. Si en mode reward-based ou don-pour-don, la foule agit souvent sur un coup de coeur, veut encourager un projet et – éventuellement – espérer acquérir un produit ou un bonus à prix avantageux, le modèle “prêt” implique un raisonnement nettement plus plus proche de l’épargne et d’une épargne qui rapporte plus que ce que les banques (voire d’autres filières) proposent.

Barrières à l’entrée

Si l’emprunteur ne doit apporter aucune garantie (voir encadré), au sens strict (bancaire) du terme, Look & Fin prend par contre quelques “précautions”, n’acceptant que les projets de sociétés pouvant déjà afficher un sérieux bagage:

  • chiffre d’affaires requis: 300.000 euros (du moins est-ce le niveau officiellement annoncé “mais si l’entrepreneur n’a besoin que de 20.000 euros, on peut éventuellement accepter moins”
  • un bilan positif
  • et un historique commercial documenté: “des bilans doivent déjà avoir été publiés à la Banque nationale afin que nous puissions opérer une analyse préalable – et ne pas nous contenter de ce que nous dit l’entrepreneur – et, le cas échéant, analyser le taux de croissance de la société sur plusieurs années.”

Mais la rigueur imposée est considérée comme logique et nécessaire par les responsables de la plate-forme. “Le fait que le modèle soit celui du prêt implique que la personne qui bénéficie des fonds doive les rembourser à court terme”, explique Frédéric Lévy Morelle. “Il faut donc que le projet puisse d’emblée allouer des moyens au remboursement. La société doit dès lors pouvoir afficher des revenus et de la rentabilité.”

“Nous effectuons des projections financières rigoureuses pour minimiser les risques des potentiels investisseurs qui passeront par notre plate-forme.”

Autant dire que les start-ups et jeunes entrepreneurs n’ont aucune chance de pouvoir en appeler à cette plate-forme.

“Look & Fin offre surtout une solution contre les difficultés qu’ont les sociétés à obtenir des prêts bancaires. Son avantage est en outre de ne pas exiger de garantie bancaire…”, souligne Rodolphe d’Udekem, conseiller auprès d’Impulse (ex-Agence Bruxelloise pour l’Entreprise).

Foule = proximité = B2C

Autre orientation de Look & Fin: des projets plutôt B2C. “Le B2C”, explique Frédéric Lévy Morelle, “se prête mieux à ce type de crowdfunding que le B2B dans la mesure où ceux qui seront surtout tentés d’investir sont des personnes qui connaissent déjà le produit ou la marque. En B2B, le mode de communication est différent.”

Preuve que la sélection est rude et rigoureuse: en 18 mois, la plate-forme a reçu “de 200 à 250 dossiers” mais n’en encore accepté et financé que cinq à ce jour, dont 4 orientés B2C (boulangerie, alimentation bio, chaîne de pizzeria…). Pas de high tech au rendez-vous. Le seul projet qui s’en rapproche un tantinet est Screening Media, qui installe de grands écrans pour supports publicitaires dans les grandes surfaces. Et encore ce projet a-t-il eu plus de mal à réunir l’argent que les 4 autres.

“Les sociétés technologiques ne répondent pas à ce que nous recherchons”, souligne Frédéric Lévy Morelle. “Ce genre de sociétés très innovantes sont en effet très capital intensive avant d’en arriver à un seuil de rentabilité. Et pour présenter les projets aux investisseurs potentiels, il nous faut pouvoir exposer un business model simple, compréhensible, avec une promesse de récurrence de revenus. Pas de croissance phénoménale potentielle…”

Cinq projets, c’est évidemment fort peu, même si la plate-forme existe depuis moins de deux ans. “Mais nombre de dossiers qui nous sont parvenus émanent de starters ou de projets jeunes qui ne répondent pas à nos critères.”

Ce n’est toutefois pas la seule raison. En fait, après un démarrage somme toute honorable, Look & Fin a rencontré un trou d’air: aucun projet à se mettre sous la dent depuis six mois. “Nous n’avons en fait pas identifié, parmi les candidatures, des projets de qualité suffisante.”

Manque d’attractivité inhérente à la formule? Manque de visibilité? Frédéric Lévy Morelle y voit surtout une frilosité de la part de la cible: “nous trouvons difficilement des entreprises à financer. Or, le besoin existe. Il est clair que la majorité des PME auront besoin de financements au cours des années à venir. Mais la majorité d’entre elles s’adressent à leur banque historique. Elles ne mettent même pas plusieurs banques en concurrence ou ne pensent pas à chercher du côté des acteurs publics ou des business angels. Alors, le crowdfunding…” Sous-entendu: elles ne l’imaginent même pas, ne l’‘identifient pas encore plus sur leur radar. “Il y a un important travail de communication à faire.” Look & Fin compte aujourd’hui sur son community manager pour recréer de l’intérêt pour la plate-forme, après le passage à vide rencontré, effet d’un buzz de départ dont les effets se sont estompés…

Look & Fin dit toutefois avoir trois nouveaux projets en phase finale d’évaluation et qui devraient être proposés aux investisseurs amateurs au cours des prochaines semaines. Deux, à nouveau, sont orientés B2C. Le seul qui touche un peu à la technologie concerne une société qui veut faire l’acquisition d’une imprimante 3D…

Look & Fin en quelques chiffres
– montant investi: 450.000 euros
– 5 projets financés
– 3.000 adhérents
– 250 investisseurs
– montant moyen des investissements: 3.000 euros. Cette moyenne cache une très grosse variabilité des mises de fonds: par projet et par investisseur, l’apport oscille entre 100 euros et 40.000 euros.
– mise de fond minimale: 500 euros (même s’il y a eu, par le passé, des mises démarrant à 100 euros mais Look & Fin a revu depuis les minima à la hausse)

Quels sont les recours éventuels?
La société qui lève les fonds et bénéficie des prêts est liée aux souscripteurs envers lesquels elle s’engage à rembourser les prêts selon des échéances et modalités prévues d’avance. Si elle ne rembourse pas selon le schéma convenu, elle s’expose à des pénalités voire à l’exigibilité immédiate de la somme totale. Sans garantie, toutefois, pour les prêteurs que ces mesures soient suivies d’effet. De même en cas de faillite, les prêteurs n’auront guère de recours. “Le capital prêté n’est nullement garanti”, rappelle Frédéric Lévy Morelle. “L’opération demeure un investissement à risque.” En Belgique, le mode de crowdfunding de type prêts qu’a choisi Look & Fin doit se plier à quelques contraintes dont les règles sont édictées et surveillées par la FSMA. Quelques exemples: un agrément délivré par la FSMA, obligation de disposer de fonds propres importants, le respect de règles de conformité… “toutes les mesures qui contribuent à tuer dans l’oeuf notre type d’initiative”, estime Frédéric Lévy Morelle. Dans la mesure où le modèle correspond à un appel public à l’épargne, il doit se plier – tout comme l’equity-based crowdfunding (investissement contre prise de participation) – à un certain nombre d’autres règles. Telles que l’émission d’un prospectus par toute société qui veut lever plus de 100.000 euros. Raison pour laquelle, Look & Fin plafonne les levées de prêts en-dessous de cette barre fatidique. “Nous devons par ailleurs encore déterminer dans quelle mesure certains services que nous proposerions tomberaient aussi sous le coup de la loi. Par exemple, le fait d’aider et de conseiller une société qui voudrait rédiger un prospectus pourrait avoir pour effet de nous transformer en “intermédiaire financier” ou de conseiller en investissement, statuts qui requièrent, eux aussi, des agréments spécifiques. Nous espérons pouvoir trouver, au cours des prochains mois, une solution pour éviter ce genre de contrainte.” En se montrant “créatif” par rapport au cadre légal existant… Car l’espoir de voir la législation belge s’adapter ou s’assouplir à court terme est extrêmement faible, pour ne pas dire inexistant. C’est en tout cas le sentiment généralisé de tous les responsables de plates-formes locales de crowdfunding (quel que soit leur modèle) et des observateurs que nous avons contactés pour la préparation de ce dossier. [ Retour au texte ]