Annexe 1 – Michel Barnier (UE): “l’Europe ne peut pas passer à côté ni se laisser distancer”

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Par · 18/02/2014

Le crowdfunding a le potentiel pour devenir un vecteur important du nouveau modèle de croissance à inventer.

Premièrement, à l’heure où les banques restent souvent réticentes à accorder des crédits, le crowdfunding permet de financer des projets exclus des circuits de financement classiques.

Michel Barnier: ”Nous devons nous demander si ce phénomène qui reste émergent dispose en Europe d’un cadre adapté.”

On pense naturellement aux projets artistiques, comme les albums musicaux ou les films, qui sont sur le devant de la scène médiatique. Mais on pourrait tout aussi bien citer le financement des petites entreprises ou des entreprises sociales.

Certaines phases du développement d’entreprises de plus grande taille, comme la mise au point de prototypes pourraient également être concernées.

Deuxièmement, au-delà de l’aspect purement financier, le crowdfunding permet aux porteurs de projet de tester leur idée auprès d’une communauté d’investisseurs potentiels, qui pourront par la suite constituer une base de clientèle a priori fidèle.

Dans certains cas, cette phase de test donne lieu à une véritable démarche itérative, qui permet de renforcer l’idée originale et d’en améliorer la valeur ajoutée culturelle, économique ou sociale.

Troisièmement, le crowdfunding est un puissant vecteur d’innovation, qui permet à de nombreux entrepreneurs de monter leur entreprise en proposant des services innovants. Je pense en particulier, mais pas seulement, aux web-entrepreneurs.

Enfin, en incitant les gens à investir, même des sommes très modestes, dans des projets auxquels ils croient, qu’ils soient de nature caritative ou mercantile, le crowdfunding peut contribuer à renforcer l’esprit d’entreprise et la cohésion sociale de notre continent.

Le crowdfunding présente donc de nombreux avantages, qui sont d’autant plus prometteurs que le phénomène se développe très rapidement, grâce à la force d’Internet et à la maturité des réseaux sociaux.

Selon les chiffres fournis par les entreprises actives dans le domaine crowdfunding, le montant des fonds collectés dans le monde via le crowdfunding a quasiment doublé entre 2011 et 2012, passant de 1,1 milliard d’euros à plus de 2 milliards.

La même dynamique est à l’œuvre en Europe, où les plates-formes de crowdfunding ont collecté 446 millions d’euros en 2011 et 735 millions en 2012, et permis le financement de 470.000 projets.

Si nous voulons exploiter le potentiel du crowdfunding, nous devons nous demander si ce phénomène qui reste émergent dispose en Europe d’un cadre adapté.

Quel cadre fournir au crowdfunding pour en favoriser un développement équilibré à l’échelle européenne ?

Cette question est d’autant plus délicate que le phénomène est en pleine évolution et recouvre en réalité des modèles très variés.

Selon les modèles retenus, les plates-formes de crowdfunding ou les porteurs de projets peuvent être soumis à des obligations très différentes.

Certains doivent se conformer à la réglementation bancaire et financière, notamment sur la fourniture de services d’investissement, l’offre au public de titres financiers, la réalisation d’opérations de banque, les services de paiement ou encore le démarchage bancaire ou financier. Sans parler des règles fiscales ou relatives aux pratiques commerciales déloyales ou au commerce électronique.

D’autres activités sont soumises à des obligations allégées, de par leur nature ou les faibles montants en jeu. Par exemple, les plates-formes ou porteurs de projets collectant des sommes peu importantes se trouvent généralement en-deçà des seuils d’application des règles sur les prospectus à publier lors des offres publiques de produits financiers.

Ces différences dans la réglementation se doublent d’une hétérogénéité des règles et des interprétations établies au niveau national.

Certains Etats membres, comme la France, la Belgique et l’Allemagne ont publié des guides visant à clarifier la manière dont le crowdfunding pourrait être régulé. D’autres, comme l’Italie, ont pris le parti d’un cadre spécifique au soutien des entreprises innovantes.

Tout en préservant le principe de subsidiarité, nous devons nous interroger sur la nécessité d’une meilleure mise en cohérence des cadres réglementaires nationaux, en particulier dans le cas de plates-formes ou porteurs de projets actifs dans plusieurs pays européens.

Nous devons aussi encourager une approche cohérente du phénomène avec nos partenaires internationaux, notamment les Etats-Unis, où nous suivons de près la mise en œuvre par la SEC du JOBS Act.

Michel Barnier: “Nous devons mettre dès maintenant en place un cadre adéquat pour limiter les risques éventuels tout en encourageant le développement du secteur.”

En dépit de cette hétérogénéité réglementaire, les activités de crowdfunding soulèvent des questions communes.

Par exemple, comment assurer que les investisseurs ou donateurs ont accès à une information transparente et fiable sur le projet, les montants collectés et leur utilisation ?

Parallèlement, comment assurer une juste protection, notamment en termes de propriété intellectuelle, des informations parfois sensibles publiées par de jeunes entreprises innovantes ?

Quelles garanties offrir aux investisseurs et aux porteurs de projet en cas d’échec d’une plate-forme ? Et quelles stratégies de sortie prévoir pour les investisseurs en cas de difficulté de l’entreprise émettrice ou emprunteuse, notamment lorsque les titres ne sont pas cotés et peu liquides ?

[…] Il est trop tôt pour savoir si le crowdfunding va révolutionner la finance, et même s’il perdurera dans ses formes actuelles. Mais une chose est sûre : si ce phénomène prometteur tient ses promesses, l’Europe ne peut pas passer à côté ni se laisser distancer.

Nous devons mettre dès maintenant en place un cadre adéquat pour limiter les risques éventuels tout en encourageant le développement du secteur.