L’“Espace Personnel”: un e-guichet qui, à terme, devrait devancer les besoins du citoyen

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Par · 15/01/2014

S’il est un chantier de simplification- entamé de longue date (en tout cas dans la définition de son cadre)- qui touche de près chaque citoyen, entreprise ou association, c’est bien celui de l’“espace personnel”. Un e-guichet personnel – mieux: personnalisé – dont chacun pourra disposer via le portail de la Région et qui distillera des services “intelligents”.

Poudre aux yeux? Mirage? Vaine promesse? En tout cas, on y travaille.

Il ne s’agit pas ici d’un simple espace où chacun pourrait par exemple stocker des documents administratifs ou suivre l’évolution d’une demande ou d’un dossier. Le but est d’aller plus loin et de servir de lieu où chacun pourrait trouver, de manière personnalisée, un ensemble de renseignements, de documents et d’outils lui permettant de mener à bien les différentes interactions avec les services publics.

A qui s’adresser en telle ou telle circonstance? Comment faire aboutir la demande ou la démarche? Comment ne pas oublier une étape? Autant de questions aussi basiques que – bien souvent – cauchemardesques.

Sans oublier, comme le souligne Oliver Schneider, patron de l’agence à la simplification administrative eWBS, que “le citoyen est perdu face à la redistribution des compétences” décidée dans le cadre de la dernière réforme institutionnelle.

D’où l’idée de faire de ce guichet unique qu’est – et deviendra au fil du temps – l’Espace Personnel un assistant le plus “intelligent” possible. A la fois “profil électronique de l’usager, bureau virtuel, espace de stockage de documents administratifs, guichet de paiements en-ligne…” (voir ce qu’en dit le texte rédigé par l’eWBS lors de la définition du projet).

Fil rouge et cailloux blancs

L’Espace Personnel se veut dès lors le plus précis et interactif possible. En se basant sur le “profil” de chaque citoyen. Compte tenu de la situation de chacun (âge, profession, historique d’échanges…), l’Espace Personnel devra proposer spontanément les bons fils rouges et les bons cheminements.

Ce qui suppose, dans le chef de l’Administration, une longue préparation, documentation et structuration des processus et démarches possibles. Plus question de laisser le citoyen se dépatouiller seul dans le fouillis administratif. Ce dernier doit d’abord mettre de l’ordre de son côté, structurer le catalogue de ses services et les présenter de manière claire et “contextualisée” à chaque requête.

Selon que vous soyez simple citoyen ou entreprise, le contenu de l’Espace Personnel sera donc très différent. Idem selon votre âge: les besoins d’un étudiant diffèrent forcément de ceux d’un chômeur ou d’une personne qui se prépare à se marier ou à planifier sa retraite.

“Pour être réellement orienté usagers, le catalogue de services des administrations [Ndlr: tant les francophones et germanophones sont concernées par le projet] doit s’aligner sur ce qu’on appelle des lignes de vie.

Résultat? 36 profils-type (“personae”) ont été définis (jeune diplômé, employée à la retraite, mère célibataire, chômeur de longue durée…) pour catégoriser les “lignes de vie” de chaque citoyen.

Oliver Schneider: “Nous ne pouvons pas promettre un agenda précis. Mais un jour, l’usager s’apercevra par exemple qu’un module de paiement a fait son apparition dans son interface.”

120 “événements déclencheurs” (les faits quotidiens qui provoquent les démarches vers l’administration) ont été identifiés. Exemple: un mariage, une naissance, un licenciement, un départ à la retraite, un dégât des eaux, la création d’une société…

950 démarches administratives distinctes ont d’ores et déjà été identifiées, répertoriées et documentées, prêtes à être proposées sous forme de processus cohérent, organisé en étapes automatiques. A terme, le total se chiffrera sans doute en plusieurs milliers. La démarche ad hoc sera automatiquement proposée lors de l’interaction via l’Espace Personnel, en fonction de l’identité du requérant.

Le “fouillis” actuel, tel que souvent perçu comme tel par le citoyen, vient aussi de la multiplicité de points de contact potentiels. Via l’Espace Personnel, le point d’entrée sera unique: quel que soit le guichet (virtuel) qui l’intéresse- énergie, logement, société de logement, guichet d’entreprise, état civil, service d’octroi de subside…-, quel que soit l’organisme qu’il contacte, le requérant sera automatiquement aiguillé vers son Espace Personnel et de là vers le bon “fil” administratif.

Un long chemin

L’Espace Personnel idéal, où tout se déroule automatiquement, quelles que soient les circonstances, cet espace n’est pas encore tout-à-fait pour demain. L’eWBS se donne jusqu’à 2022 pour finaliser cette petite boîte magique, enrichissant progressivement ses fonctionnalités.

Pour vous en faire une petite idée, voici un lien vers une petite vidéo postée sur YouTube. C’est encore de le l’administration-fiction mais, comme on le disait plus haut, l’eWBS et les acteurs de terrain y travaillent. Les premières fonctions sont d’ailleurs d’ores et déjà disponibles. “Nous jetons aujourd’hui les bases, de telle sorte que les effets se fassent sentir dès la prochaine législature”, souligne Oliver Schneider.

“Tel qu’il existe, le front-office n’est pas suffisamment dimensionné et puissant pour mettre en oeuvre les interactions avec le citoyen.” De futurs moyens et développements sont donc nécessaires.

2014 devrait néanmoins voir de nouveaux formulaires électroniques être mis à disposition.

La version 4, en cours de développement (description fonctionnelle par l’eWBS, réalisation technique par le DTIC et l’ETNIC), y ajoutera des potentiels tels qu’horodatage des démarches, traçabilité des dossiers, gestion de workflow, possibilité pour les entreprises d’autoriser plusieurs personnes à intervenir sur un même dossier (avec des droits et responsabilités distincts)…

La traçabilité de l’évolution d’un dossier ou d’une démarche peut paraître une fonction élémentaire mais elle n’est actuellement pas possible. Notamment lorsqu’une démarche concerne plusieurs administrations et services qui, dans l’état actuel des choses, disposent chacun d’un back-office spécifique, non intégré ou difficilement intégrable avec ceux de leurs homologues!

Devant démarrer ce printemps, le développement de cette nouvelle version devrait être finalisé en décembre 2015.

“Au fil du temps, de nouveaux potentiels seront rajoutés: formulaires électroniques, nouvelles possibilités d’interaction, informations plus nombreuses. Nous ne pouvons pas promettre un agenda précis. Mais un jour, l’usager s’apercevra par exemple qu’un module de paiement a fait son apparition dans son interface. Sans rupture avec l’environnement qu’il connaît…”’

Quels objectifs concrets l’eWBS se propose-t-il d’atteindre à l’horizon 2022? Un outil qui permette “à plus de la moitié des citoyens d’effectuer leurs démarches administratives entièrement en ligne et de manière pleinement satisfaisante.” Idem pour plus de 80% des entreprises.

Par ailleurs, “les appels téléphoniques, les courriels ou les mails entrant à l’administration pour solliciter de l’information sur l’état d’avancement des dossiers ou sur les modalités concrètes d’introduction des dossiers auront diminué de 50%.”

Aussi pour les entreprises

Outre les citoyens, les entreprises et associations auront elles aussi droit à un Espace Personnel. Exemple? “Les sociétés et organismes- notamment les centres de recherche- qui veulent participer à des appels à projet auront accès à un Espace Personnel où ils pourront remplir et déposer leur dossier de candidature en ligne et ce, de manière collégiale. Un Espace Personnel sera en effet disponible pour chaque projet déposé.”

Cet Espace Professionnel réservé aux personnes morales offrira quelques potentiels spécifiques. Notamment des sous-espaces qu’elles pourront allouer à divers (profils) de collaborateurs ou organiser en fonction de leur propre structuration interne.

Un e-guichet personnalisé

“Via cet espace personnel unique et intégré, chaque usager pourra, à tout moment et en tous lieux, à partir de chaque site ou portail institutionnel ou administratif:

– retrouver l’ensemble de l’information pertinente en fonction de sa situation personnelle

– prendre connaissance de manière conviviale des services qui lui sont accessibles, quel que soit le niveau de pouvoir

– introduire ses demandes et les suivre de bout en bout

– assurer le suivi de ses demandes et de leur situation

– contrôler l’exactitude et le traitement de ses données personnelles ou professionnelles

– introduire une fois pour toutes les données et documents authentiques le concernant (principe du “only once”)

– stocker et archiver les documents officiels qu’il reçoit.”