e-Tutelle: les échanges intra-administrations se dématérialisent

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Par · 15/01/2014

Nominé aux eGov Awards 2013 d’Agoria, le projet “e-Tutelle” figure parmi les 44 priorités de simplification administrative qui devront être concrétisées d’ici la fin de la législature wallonne qui s’achève.

Comme son intitulé le laisse supposer, le projet e-Tutelle concerne les pouvoirs locaux et administrations et, plus précisément, les multiples démarches et échanges auxquels ils doivent procéder au quotidien, non seulement entre eux mais aussi et surtout vis-à-vis de leur(s) autorité(s) de tutelle (essentiellement la Région). Les utilisateurs concernés par e-Tutelle sont donc les communes, les provinces, les intercommunales, les CPAS mais aussi, à l’avenir, les… fabriques d’église. Pour une multitude de documents: actes et délibérations des collèges communaux, budget et comptes des communes, informations sur le cadre du personnel, marchés publics…

Objectif chiffré de ce projet de simplification: alléger la charge administrative des communes de 50%, celle des Provinces de 40% et celle des intercommunales de 30%.

L’objectif du projet e-Tutelle est dès lors multiple: dématérialiser un maximum de démarches et de documents, réduire le nombre de pièces justificatives à joindre aux dossiers, autoriser un suivi en-ligne (par toutes les parties) de l’évolution du dossier…

Et, par la même occasion, mettre un peu d’ordre et augmenter la “lisibilité” des circuits. “La complexité, juridique et administrative, était en effet au rendez-vous: selon le type de pouvoirs locaux impliqués, nombre de législations et processus s’appliquent”, indique Sylvie Marique, Directrice générale de la DGO5, en charge des pouvoirs locaux, de l’action sociale et de la santé. Pas toujours évident de savoir quelle pièce adresser à quelle autorité… “Pour un même niveau de pouvoir, les règles diffèrent même parfois, selon la province où elle se trouve…”

Trop is te veel…

Petit chiffre éloquent? Avant que le chantier e-Tutelle ne soit entamé et jusqu’à sa mise en production, en juin 2013, le nombre d’actes que les “clients” devaient fournir à leurs organes de tutelle respectifs avoisinait les 14.000 unités par an. “Essentiellement dans le cadre de marchés publics”, souligne Sylvie Marique.

Pour diminuer le nombre de pièces jointes aux dossiers soumis à la tutelle, deux principes ont été mis en oeuvre: celui de la confiance, d’une part (on part du principe que les déclarations sont exactes et on ne vérifie que les points douteux), et, d’autre part, celui de l’inclusion automatique de pièces jugées authentiques, qui sont déjà en possession d’autres administrations.

On constate en effet que le citoyen n’est pas le seul à devoir fournir à répétition les mêmes documents à une multitude d’interlocuteurs. C’est également le cas pour les agents administratifs. Petit exemple cité par Sylvie Marique: “le SPF envoie des informations aux communes concernant leur budget. Or, il se fait que la DGO5 doit demander les mêmes documents au SPF…”

L’objectif auquel la DGO5 s’est engagé? “Faire en sorte que, fin 2014, 50% des communes introduisent leurs dossiers à la tutelle via l’application e-Tutelle.” Telle était en tout cas l’exigence posée par le Gouvernement.

e-Tutelle, c’est quoi?

La solution e-Tutelle, développée par NSI, est en fait un e-guichet. Elle prend la forme d’un portail vers lequel les pouvoirs publics peuvent télécharger les documents et dossiers électroniques qui relèvent de leurs échanges avec les divers organes de tutelle (province, intercommunale, Administration régionale).

Aucun logiciel ne doit être installé sur le site de pouvoir local: une simple connexion Internet suffit.

Pour guider les utilisateurs, un canevas a été élaboré pour chaque type d’acte: l’outil en-ligne indique ainsi la nature des pièces justificatives qui doivent être transmises. Tant qu’elles ne sont pas déposées, l’acte n’est pas envoyé. Les pouvoirs publics trouvent également sur le portail des modèles de documents qu’ils peuvent utiliser tels quels (par exemple: des comptes-rendus de délibérations) et des informations sur le fonctionnement de la tutelle.

Le portail leur permet de suivre l’état d’avancement de chaque dossier. Ils peuvent en outre y tenir à jour leurs données signalétiques (mandataires, personnel…).

Sylvie Marique (DGO5): “e-Tutelle a aussi été un moyen de structurer les processus d’envoi de dossiers aux autorités de tutelle.”

Les accès sont soigneusement catégorisés, ne permettant qu’aux personnes habilitées d’accéder à tel ou tel document ou fonction. La désignation de ces personnes et la définition de leurs droits relèvent des directeurs généraux de chaque administration communale (les anciens secrétaires communaux).

A chaque téléchargement de document (dossier, acte…), un avis de dépôt est généré, sous forme de PDF reprenant le nom du signataire du document.

L’authentification des pièces s’opère via recours à l’e-ID.

Objectif: plus grande efficacité

En plus des économies potentielles (voir ci-dessous), l’intérêt majeur du projet e-Tutelle se situe dans le travail de simplification préalable qui a été fait: optimisation des processus, réduction du nombre de pièces à fournir, nécessité pour chaque pouvoir local (pour qu’il y ait des effets tangibles) d’harmoniser le travail interne…

Sylvie Marique: “Pour la DGO5, la mise en oeuvre de ce projet a permis de libérer du temps. Ce qui nous permet de refaire du conseil aux pouvoirs locaux.”

Sylvie Marique (DGO5): “e-Tutelle a aussi été un moyen de structurer les processus d’envoi de dossiers aux autorités de tutelle.” Le fait que le système impose de passer par une série balisée d’étapes, de fournir toutes les pièces demandées (sans quoi l’acte dématérialisé n’est pas transmis), de proposer des canevas et modèles de documents favorise l’harmonisation des processus. “Les documents, notes, etc. sont identiques, d’où qu’ils viennent.”

Et d’ajouter: “Pour nous, à la DGO5, la mise en oeuvre de ce projet nous a permis de libérer du temps. Nos propres rapports de tutelle sont plus aisés. Nous ne devons plus procéder, chaque année, à un laborieux décompte de dossiers de rapport rentrés par les pouvoirs locaux. Une simple requête dans le système nous donne le total exact… Et la gestion des dossiers de tutelle par le Cabinet s’en trouve également facilitée: tous les éléments probants sont disponibles à l’écran. Plus besoin de tout réimprimer. Cela accélère les décisions.

Pour notre part, le temps libéré nous permet de refaire du conseil aux pouvoirs locaux. Nous avons en effet deux métiers. L’un est “curatif”: c’est le contrôle des actes de tutelle. L’autre est préventif: c’est le conseil aux pouvoirs locaux.”

La dématérialisation et les téléchargements des documents électroniques a aussi un effet potentiellement bénéfique pour les contrôles et analyses de données financières. Les rapports sur l’état financier des divers pouvoirs locaux devraient s’en trouver facilités. De même que les communications vers la Banque nationale.

Un “ventre mou” encore à convaincre

Où en est-on à l’heure actuelle? “Fin 2013, 75% des communes – soit 175 des 252 communes wallonnes – utilisent déjà la solution e-Tutelle.”

Resteraient donc 30% de retardataires, de communes réticentes voire réfractaires? En fait, les administrations communales qui manquent encore à l’appel sont notamment… celles des grandes villes. Si Namur a bel et bien commencé à utiliser e-Tutelle, ce n’est pas encore le cas, par exemple, de Charleroi ou de Liège.

A la DGO5, on estime que la raison est notamment à chercher du côté d’une harmonisation de procédures internes encore à améliorer ou entamer. Plus grande est une administration communale, plus elle a de “chances” d’être organisée en de multiples services…

“Nous allons nous concentrer sur cette cible à court terme, en veillant avant tout à convaincre les directeurs généraux” [Ndlr: autrement dit, ceux qu’on appelait jusqu’il y a peu les secrétaires communaux].

Hélène Martin (DGO5): “La dématérialisation et la signature électronique peuvent aisément permettre aux communes d’économiser plusieurs milliers d’euros par an.”

Hormis ces retardataires, il y a aussi un certain nombre de communes que l’on peut en effet qualifier de réfractaires. Réfractaires à la dématérialisation et numérisation des processus, parfois viscéralement attachées au bon vieux papier. Même si passer aux transferts électroniques pourrait impliquer de belles économies. “Avec le processus papier, tout devait passer par des envois recommandés.” Double peine donc: constituer des tonnes de dossier papier, en copies multiples, et consentir les frais de poste.

La dématérialisation et les processus de signature électronique (via la carte d’identité électronique) “peuvent aisément permettre aux communes d’économiser plusieurs milliers d’euros par an”, souligne Hélène Martin, chef de projet e-Tutelle.

Pas question toutefois de leur forcer la main. Jusqu’ici – et rien ne devrait changer à court terme -, l’adoption de la solution e-Tutelle se fait sur base volontaire. Ce qui implique aussi qu’une commune, même si elle se met à l’électronique, n’a aucune obligation de recourir à e-Tutelle pour l’ensemble de ses documents. Souvent, elle démarre prudemment, par un service. “Mais le processus de généralisation s’accentue”, estime-t-on à la DGO5. “Nous évaluerons la situation à la fin de la législature. Si les résultats sont favorables, nous envisagerons de passer à un schéma obligatoire.”

Les communes d’abord

Le volet de simplification qui devra être finalisé avant la fin de la législature – et qui est d’ailleurs en bonne voie – concerne les échanges et dossiers venant des communes.

Dans une seconde phase, le projet s’attaquera aux processus impliquant les CPAS, les provinces et les intercommunales.

“Pour étendre la solution aux CPAS, il sera d’abord nécessaire de procéder à un exercice de “toilettage” de la législation”, souligne Sylvie Marique. Autrement dit, notamment, rationaliser le nombre d’actes requis. Un nouveau décret est attendu pour ce mois de janvier.

Idem d’ailleurs pour les cultes (sans doute d’ici la fin de l’année).

Les… fabriques d’église, tout comme d’ailleurs les zones de police, sont elles aussi des organes qui dépendent de la DGO5.

“Lorsque le cadre juridique sera prêt, nous commencerons à penser à la dématérialisation.”