Nouvelles mesures pour faciliter l’entrepreneuriat – dès les études

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Par · 13/12/2013

L’heure est venue des bilans de la législature régionale qui s’achève. Parmi eux, celui qui concerne le programme “Esprit d’entreprendre” qui, de 2007 à 2013, a tenté de susciter le réflexe de la “pédagogie entrepreneuriale” au sein des écoles et, par ricochet, des vocations d’entrepreneurs parmi les jeunes encore aux études. Voir, en encadré, le bilan chiffré de ce programme.

Pour mesurer l’impact des actions menées, un sondage a été mené par Ipsos auprès de quelque 2.000 étudiants.

Les résultats sont relativement contrastés et ont livré des enseignements qui ont été mis à profit pour définir de nouvelles pistes d’action. Le futur programme a été baptisé “Entrepreneuriat 3.15”.

3, pour trois axes d’actions. 15, pour le nombre de types d’actions et d’outils à mettre en oeuvre.

Sa durée: 6 ans (de 2014 à 2020).

Encore trop de freins

Parmi les conclusions tirées de l’étude d’Ipsos, l’ASE relève une réticence encore assez marquée face à l’entrepreneuriat – même si, de manière globale, on constate quelques frémissements. Du genre: « la population wallonne impliquée dans une création a doublé (3,5 à 6,9%) entre 2005 et 2011. »

Mais l’esprit d’entreprendre est encore loin d’être un réflexe ou une conviction: “56% des étudiants et 50% des diplômés préféreraient être leur propre patron.” Le léger décalage entre ces deux pourcentages mène à cette conclusion: plus les jeunes avancent en âge – et se rapprochent du seuil “fatidique’ de l’entrée dans la vie active -, moins leur vocation d’entrepreneur est marquée… Cold feet, dirait-on dans les pays anglo-saxons.

Et cette frilosité (pas uniquement plantaire) s’explique par divers facteurs. La recherche de sécurité (stabilité plus probable du statut de salarié) mais aussi, souligne l’étude, “le manque de confiance en soi et le manque d’expérience” qui poussent encore de nombreux jeunes à privilégier la recherche d’emplois salariés. C’est encore plus flagrant auprès de la population féminine.

Autre facteur bloquant: le manque de fonds de départ, l’absence de “référents” (“role models”) et…“le peu de valorisation de l’image de l’entrepreneur en Wallonie.”

L’envie d’entreprendre est donc encore loin d’être généralisée ou d’être considérée comme une piste professionnelle viable.

Pour tenter de lever ces freins, plusieurs actions seront entreprises au cours des prochaines années, dans le cadre du programme 3.15, qui viseront notamment à mieux documenter les actions prises par les étudiants pendant leurs études, à leur faciliter la prise d’initiatives et à modifier certaines législations et réglementations (dans ce registre, via nécessaire négociation avec le niveau fédéral ou avec la Fédération Wallonie Bruxelles).

Poursuivre l’effort

Le programme Esprit d’Entreprendre 2007-2013 aura donc une suite, baptisée Programme 3.15. Un programme structuré en 3 axes.

Premier axe: la poursuite de la sensibilisation des établissements scolaires, mais qui sera davantage axée sur une réelle activation.

Il s’agira, à cet égard, d’impliquer davantage les enseignants en leur procurant de nouveaux outils leur permettant de déployer une pédagogie entrepreneuriale. Nouveaux moyens potentiels: le recours à des jeux sérieux, à des plates-formes d’e-learning, l’exploitation d’Internet et des réseaux sociaux. Les futurs enseignants devront également disposer d’un bagage suffisant (connaissance de l’entreprise, acquis en matière de projets entrepreneuriaux, passage par des stages d’“acculturation’).

Autre moyen de mettre davantage la théorique en pratique: la “mise en place de témoignages entrepreneuriaux et de binômes “entrepreneur-enseignant” mettant en oeuvre des projets dans l’école, et une participation active de certains acteurs tels que les clusters, les pôles et les fédérations professionnelles.”

Chaque étudiant du secondaire sera désormais invité à se lancer dans un “parcours entrepreneurial” en participant à quatre types d’activités: témoignage d’un entrepreneur, jeu autour de situations entrepreneuriales, démarche de développement de la créativité, mise en situation entrepreneuriale.

Source: ASE

Deuxième axe: le soutien aux écoles qui s’engagent dans la pédagogie entrepreneuriale.

Des bourses seront allouées aux établissements qui mettent en oeuvre des actions concrètes. Elles leur permettront de financer des projets (information ou activation).

Des cours portant par exemple sur les concepts de business plan, sur les notions comptables et les obligations sociales, seront instaurés, voire systématisés, et seront reconnus comme ECTS (crédits et reconnaissance des études). L’apprentissage sera progressif: “sensibilisation en bac; approfondissement en master; incubation de projets à la sortie des études”.

Pour l’homologation ECTS et l’insertion de ces cours dans le programme de cours (là où ils se suivent encore aujourd’hui sur base volontaire), des négociations devront être engagées avec la Fédération Wallonie Bruxelles.

Construire la confiance

Le programme esquissé prévoit aussi des actions destinées à lutter contre le manque de confiance en soi qui bride, selon les résultats de l’étude Ipsos, la prise d’initiative.

Il est ici question de développer un outil de type “passeport entrepreneurial”, sur un modèle qui s’inspirerait de Foursquare et qui permettrait aux jeunes “d’acquérir des badges [par accumulation de points et de reconnaissance selon les actions qu’ils ont menées, dans tel ou tel cadre] et de déployer une véritable timeline.” Au-delà de la simple confiance en soi, il s’agit aussi – et peut-être surtout – de permettre aux étudiants ayant accumulé de l’expérience en entrepreneuriat pendant leurs études, de pouvoir en apporter la preuve tangible à leurs interlocuteurs lorsqu’ils entrent dans la vie active.

 “Il est beaucoup plus dur de se réorienter vers un statut d’indépendant une fois que l’on s’est déjà engagée dans la vie active comme salarié… Il ne faut pas postposer l’envie de se lancer.”

Troisième axe 3: “le passage à l’acte”. Il devrait se faire ou, tout du moins, s’esquisser dès le stade des études.

D’où l’idée d’incubation de projets en cours d’études. Elle s’appuie sur ce que fait déjà le WSL via le programme StarTech. “L’intention est de généraliser cette expérience, soit via le WSL, soit via d’autres opérateurs. Cette incubation de projets d’étudiants s’instaurera idéalement pendant la dernière année d’études”, explique l’ASE. “Il faut en effet donner le goût d’entreprendre et former à l’entrepreneuriat dès ce stade-là. Il est en effet beaucoup plus dur de se réorienter vers un statut d’indépendant une fois que l’on s’est déjà engagée dans la vie active comme salarié… Il ne faut pas postposer l’envie de se lancer.”

Pour motiver les jeunes, il est par ailleurs envisagé d’organiser un concours “de haut niveau”, axé sur les business plans, avec soutien au concept de “junior enterprises” et aux associations d’étudiants entrepreneurs. Cette idée n’en est encore qu’au stade de la réflexion et devrait idéalement être mise sur les rails en collaboration entre la Wallonie et la Région bruxelloise, dit-on à l’ASE.

Autre piste envisagée: la création d’un statut d’étudiant-entrepreneur, “à l’instar du statut d’étudiant sportif”. “Il n’est pas logique qu’un employeur qui propose du travail à un étudiant ne doive pas payer de charges sociales sur cet emploi alors qu’un étudiant qui se lance dans l’entrepreneuriat pendant ses études doive payer des cotisations sociales. C’est d’autant plus pénalisant pendant les périodes de blocus par exemple, lorsqu’il est dans l’impossibilité de faire rentrer de l’argent.” Une réflexion est dès lors en cours sur l’opportunité – ou l’intérêt – de mettre cette idée de statut “étudiant-entrepreneur” sur la table du fédéral…

Outre l’accompagnement dans le cadre scolaire, des mécanismes de tutorat sont par ailleurs considérés comme utiles et nécessaires. Ils prendront la forme d’une mise en relation directe – et active – entre les jeunes et des chefs d’entreprise. On relève au passage que l’un des instruments qui pourrait servir à cet effet sont… les Co-Entrepreneur Weekends, dont les toute premières éditions auraient prouvé un mélange de générations (l’âge des participants au Weekend de Mons allant par exemple de 19 à 54 ans).

Dans la veine “conviction, émulation”, il est par ailleurs question de donner plus de visibilité aux entrepreneurs qui ont réussi et de cristalliser l’image par exemple au travers d’une “semaine de l’entrepreneuriat jeune.”

Pour plus de détails sur les programme Entrepreneuriat 3.15, téléchargez le document publié par l’ASE. 

Programme Esprit d’Entreprendre: petit bilan chiffré

Le programme d’actions “Esprit d’entreprendre” s’est déroulé de 2007 à 2013. Objectifs: instiller l’esprit d’entreprendre aux jeunes et favoriser des démarches de formation tout au long de la vie.

Quel bilan l’ASE en tire-t-elle?

– En 6 ans, 93% des établissements scolaires de Wallonie ont reçu la visite d’“agents de sensibilisation”, autrement dit des enseignants détachés pour aller former et conscientiser leurs collègues.

– 63 % des établissements (414 sur un total de 653) ont mené “au moins une action impliquant un opérateur partenaire [Chambre de commerce, UCM, CEEI, GroupeOne…] ou un projet entrepreneurial doté d’une bourse ASE”. Ces actions consistaient par exemple en témoignages d’entrepreneurs, en jeux de simulation d’entreprise ou en mini-projets bien réels”

– Les établissements scolaires ont mené quelque 243 micro-projets mettant en oeuvre les préceptes de pédagogie entrepreneuriale promue par l’ASE.

– 750 enseignants ont été formés lors d’Ateliers à l’Esprit d’Entreprendre

– 153.000 étudiants ont été sensibilisés par ou ont activement participé aux actions des opérateurs partenaires (Chambres de commerce, intercommunales de stimulation économique, CEEI, GroupeOne, UCM…)

– 24.000 étudiants ont eu la possibilité de bénéficier de bourses octroyées pour le lancement de projets entrepreneuriaux

– 3.500 ont été informés dans le cadre d’autres programmes tels que les stages d’acculturation au monde de l’entrepreneuriat.  [ Retour au texte ]