Région de Bruxelles-Capitale: la mobilité en guise de Cheval de Troie

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Par · 30/10/2013

En Région Bruxelles-Capitale, les premiers projets open data initiés par les responsables régionaux ont- et continueront largement d’avoir- pour thème la mobilité. L’impulsion première émane en effet du Cabinet de la ministre Brigitte Grouwels, qui a notamment l’informatique et la mobilité dans ses attributions. Elle milite en effet pour une “ouverture maximale des données”, souligne Hélène Morel, attachée de cabinet. Ce qui explique aussi le type de licence choisie (le texte de la licence peut être téléchargé via le cite du CIRB)

“Les données collectées par les administrations le sont en effet avec l’argent du contribuable. Il est donc logique qu’on les mette le plus largement possible à la disposition de la communauté afin de voir se développer de nouveaux services, payants ou non.”

Si Brigitte Grouwels s’est saisie du sujet, il faut toutefois souligner que les open data figuraient en bonne place, dès le début de la législature qui s’achève, dans le Plan stratégique 2010-2014 de la Région de Bruxelles-Capitale (sous l’intitulé “Bruxelles: une ambition pragmatique – Des ponts numériques vers l’avenir”). Voir encadré.

Le “déclic”

La première source de données que la Région de Bruxelles-Capitale a jugé utile de mettre à disposition est celle de la base de données cartographiques UrbIS (Brussels Urban Information System), données téléchargeables gratuitement via le guichet électronique IrisBox depuis quelques années, à l’exception toutefois des données cadastrales).

Une évolution majeure sera la réalisation de la carte 3D de la Région. Réalisée sur base d’un relevé LiDAR (Light Detection and Ranging) à haute densité, cette modélisation en relief devrait déboucher sur de nouvelles réalisations- et intéresse déjà au plus haut point bureaux d’architectes, urbanistes ou encore opérateurs télécoms (notamment pour le calcul de rayonnement des antennes GSM).

Dans la foulée d’UrbIS, d’autres jeux de données, orientés mobilité, l’ont rejoint. A savoir:

  • les itinéraires cyclables régionaux
  • les aires de stationnement de taxis
  • les arrêts Collecto (service de taxis collectifs qui compte actuellement plus de 200 points de départ situés près d’arrêts de la STIB)
  • les niveaux de service de trafic sur certains parties du réseau routier de la Région.

On peut d’ailleurs signaler au passage qu’il est parfaitement logique et naturel que la Région “ouvre” ces données à la communauté. D’autant plus que les données concernant par exemple les pistes cyclables régionales, ou encore les horaires de la STIB, ont d’ores et déjà été mis gracieusement à disposition de… Google (les données statiques du réseau métro-tram-bus sont fournies à Google afin de permettre au citoyen de planifier son trajet dans les transports publics bruxellois sur Google Maps).

Quelques jeux de données disponibles

Bruxelles Mobilité

  • itinéraires cyclables régionaux
  • aires de stationnement de taxis
  • niveaux de service de trafic sur certains parties du réseau routier de la région de Bruxelles-Capitale
  • inventaire georéférencé des arbres d’alignement situés le long des voiries régionales.

Bruxelles Mobilité prévoit en outre de mettre de nouveaux jeux de données à disposition. A savoir: les informations concernant les tunnels (taux de pollution…), les zones 30, les parkings publics, ainsi que l’emplacement des radars-caméra.

“La mise à disposition de nouveaux jeux de données, de préférence des données temps réel, devrait rendre possibles des applications de mobilité multi-modales”, espère Hélène Morel. “Imaginez pouvoir combiner la localisation temps réel des trams et bus, la disponibilité de places dans les parkings publics, les données Villo et Cambio, le tout avec en plus les données GPS générées par les véhicules particuliers…”

Ces informations temps réel seront par exemple “mises à disposition des opérateurs de GPS et fournisseurs de contenu mobile pour leur permettre, au travers de leurs canaux respectifs (GPS, smartphones), d’informer leurs utilisateurs en temps réel sur la situation de tous les moyens de transport en Région de Bruxelles-Capitale.”

L’espoir du Cabinet Grouwels est que la STIB ouvre davantage ses données. “Des données sont certes accessibles- via leur propre appli- mais il reste des problèmes à résoudre pour amplifier le phénomène. Ils sont par exemple conscients qu’une plus large mise à disposition impactera leurs serveurs qui seront sollicités. Sans oublier certaines craintes en matière de sécurité…”

Signalons au passage une application qui va dans le sens de la philosophie open data, avec des informations provenant des citoyens, est la solution Fix My Street, développée par le CIRB. Voir notre article.

Dans un registre plus touristique (voire environnemental), la Région compte “ouvrir” les jeux de données concernant les recensements géoréférencés des monuments et œuvres d’art, des fontaines ou pièces d’eau, et des arbres d’alignement situés le long des voiries régionales.

Groupe de travail

Un groupe de travail réunissant notamment Agoria, l’ABE, Bruxelles Mobilité, le Sirris, Innoviris et les cabinets ministériels Fremault (Economie) et Grouwels (Mobilité) a par ailleurs été constitué récemment afin de lancer diverses initiatives. Objectif: “promouvoir d’avantage la smart mobility via entre autre les open data et l’adoption de nouveau projets smart city innovants.”

En juin dernier, la ministre Céline Fremault avait donné le ton lors d’un forum Smart Cities organisé par Agoria: “Bruxelles doit devenir une Ville-Région intelligente, à dimension internationale, avec les moyens technologiques pour le faire. La Région dénombre 16.000 personnes actives en R&D, en comptant les chercheurs universitaires. Or, il y a trop peu d’innovation technologique dans les entreprises, trop peu de valorisation des produits de la recherche.” Elle formulait alors le voeu que des créneaux soient identifiés pour une “spécialisation intelligente”, où se rencontrent les capacités de recherche et le potentiel de valorisation en entreprise. Créneaux épinglés: les smart cities, la sécurité civile, l’e-santé et la construction durable.

Dans le registre smart city, elle soulignait la volonté de la Région de favoriser la mise sur pied d’un living lab, pour des projets de R&D et de démonstration de potentiel, ainsi que la création de deux groupes de travail. L’un dédié à la mobilité, l’autre à la gestion des données (du big data, en particulier).

Le groupe de travail Open data/Mobilité devrait solliciter d’autres dépositaires de données, qu’il s’agisse d’organismes publics ou semi-publics, afin de favoriser la “libération” de données. Seront par exemple approchés: la SNCB, Infrabel, la STIB, Cambio, Villo…

Un atelier devrait réunir, en décembre, les membres du groupe de travail mais aussi des entreprises, centres de recherche et simples citoyens. Objectif: “identifier la demande qui émane des acteurs privés et des citoyens, afin de donner un impact maximal à l’appel à projets.”

Cette consultation, espère Caroline Mancel, conseillère à la cellule Recherche & Innovation du Cabinet de Céline Fremault, “permettra aussi de voir s’il est possible d’aller plus loin afin de mettre par exemple sur pied une plate-forme stratégique ayant pour thème majeur la mobilité.”

Vers un appel à projets open data/mobilité, début 2014, sous l’égide d’Innoviris?

L’étape suivante sera sans doute (encore à confirmer) le lancement d’un appel à projets de recherche par Innoviris qui sera consacré à la mobilité et qui invitera les porteurs de projet à proposer des scénarios exploitant les données publiques mises à disposition par leurs détenteurs. Timing: début 2014.

Rien qu’un début?

Au Cabinet Fremault, on voit en tout cas le thème de la mobilité comme une bonne chose mais qui devrait être étendu: “c’est un bon exemple à suivre.”

Reste à convaincre les autres membres du gouvernement mais aussi et surtout les administrations.

Côté gouvernement, le Cabinet Grouwels prépare une note “qui sera présentée avant la fin de la législature”. Cette note porte notamment sur l’approbation d’une licence qui pourrait dès lors être utilisée par l’ensemble des administrations dès l’entrée en vigueur d’une ordonnance.

Côté administrations, le Cabinet Grouwels souligne que toutes les réticences ont loin d’avoir disparu. En cause, la frilosité par rapport à la mise à disposition des données à des tiers, des préoccupations touchant à la sécurité (systèmes et données), à l’usage qui en sera potentiellement fait mais aussi à la surcharge potentielle pour les infrastructures en place.

De manière encore plus fondamentale, les Administrations se rendent souvent compte que l’ouverture des données implique d’en garantir la validité et l’adéquation (formats, non redondance, données à jour…). Aucun état des lieux des différents services concernés n’a encore été fait- ou ne semble prévu au programme. Du côté de Bruxelles Mobilité, souligne-t-on chez Grouwels, “on attend la nomination des nouveaux directeurs généraux pour relancer la dynamique. L’open data est en effet un sujet transversal qui touche toutes les directions.” Une fois nommés, il faudra reprendre son bâton de pèlerin pour les sensibiliser et les convaincre. A nouveau.

Open data, instrument d’impulsion économique

Voici ce qu’on pouvait lire, dès le début de la législature qui s’achève, dans le Plan stratégique 2010-2014 de la Région de Bruxelles-Capitale (sous l’intitulé “Bruxelles: une ambition pragmatique – Des ponts numériques vers l’avenir”):

“La mise à disposition des données ayant trait à la mobilité, en provenance de Bruxelles Mobilité

ou de la STIB (horaires, trajet…), ou des données cartographiques UrbIS 3D, permet aux informaticiens créatifs d’imaginer de nouvelles applications au bénéfice des citoyens.

[…] Dans le monde entier, des autorités publiques ont d’ores et déjà compris l’intérêt d’ouvrir l’accès aux données qu’elles collectent ou produisent. […] Alors que plusieurs pays ou villes d’Europe (la Grande-Bretagne, l’Espagne, la Finlande, la Suède, Amsterdam, Paris, Gand…) ont déjà ouvert l’accès à leurs données, la Région bruxelloise veut s’inscrire dans ce mouvement et aider ses entreprises numériques à se développer et à innover dans ce secteur.”

Le texte parlait, dans ce contexte, d’“impulsion pour une nouvelle économie à haute valeur ajoutée.”

“Les données en possession des pouvoirs publics constituent un gisement inépuisable pour la conception de nouvelles applications web ou mobiles […] informations en matière de mobilité, d’infrastructures, d’urbanisme, d’environnement, de géographie, sur le plan démographique, social, économique…”

S’inspirant de ce qui se fait déjà (en partie) outre-Atlantique, la Région imaginait quelques cas d’applications: “une application de planification pourrait consolider les informations de trafic, d’accidents, de météo, de parkings et d’offre de transports publics, en vue de les intégrer dans un personal mobility assistant ou “un logiciel pourrait croiser des données démographiques, socio-économiques et relatives à la mobilité permettrait de déterminer le meilleur emplacement pour un commerce.” Retour au texte