Verra-t-on un jour voir naître un “Musée belge de l’informatique” qui regrouperait en un seul lieu des collections aujourd’hui éparses, plus ou moins liées à des constructeurs informatiques et gérées bien souvent par des bénévoles?
L’idée fait actuellement l’objet de réflexions- et tractations- mais rien de précis ou de concret ne se dessine encore. Or, pour au moins une de ces collections, le temps presse.
La mémoire dans l’entrepôt
L’espace où la collection Bull est hébergée arrive en effet en fin de contrat de bail.
Les collections Bull sont pour l’heure hébergées dans un simple entrepôt situé à Grimbergen, en lisière nord de Bruxelles. Ce “Musée Bull” retrace l’histoire de l’informatique à travers celle de la société et de ses produits… depuis les années 1920 à aujourd’hui.
L’une de ses raisons d’être fut aussi, dès le départ, à l’initiative d’une association d’anciens employés, de “montrer le rôle non négligeable joué par Bull Belgique dans l’informatisation belge depuis 1939 à nos jours.” La chose peut paraître désuète- pour ne pas dire irréelle aux yeux des nouvelles générations- mais l’un des points d’attraction du musée est la scénarisation d’un atelier à cartes perforées, datant des années 1960. La collection inclut par ailleurs près de 2.500 photos relatives aux ensembles et pièces détachées ainsi que de nombreux documents techniques et commerciaux d’époque.
Au fil des ans, la F.E.B. (Fédération des Equipes Bull), l’une association d’anciens de Bull (Belgique, France) bénéficié du soutien logistique – mais pas financier – de Bull. En l’occurrence, la mise à disposition d’un local où entreposer et exposer la petite collection (lien vers une image panoramique de ce petit musée). Petite visite virtuelle via ce lien.
Mais voilà, aujourd’hui le bail vient à expiration et les vielles bécanes sont priées de débarrasser le plancher…
A la recherche d’un hébergement
“Notre objectif”, explique Gilbert Natan, l’un des gérants du musée Bull, “est de trouver pour la fin de cette année un lieu pour abriter en premier les collections Bull et Informatique & Bible. Ce lieu ne sera pas nécessairement l’emplacement définitif du musée à créer, quoique cela soit largement préférable.”
Une première piste – namuroise – n’a pas abouti. Notamment parce que le scénario (en ce compris financier) imaginé n’a pas été accepté, ou jugé réaliste, par l’UNamur qui avait été approchée (à la fois comme partenaire potentiel et comme relais vers les responsables de la Ville de Namur).
L’idée, défendue notamment par Gilbert Natan, serait de trouver un espace qui puisse accueillir plusieurs collections. A savoir, celles de Bull, Unisys, Informatique & Bible (Maison des Écritures de l’Abbaye de Maredsous), et la collection Jean Lemaire (Bruxelles).
Les 4 collections ont d’ailleurs décidé, voici quelques mois, de faire cause commune: un collectif baptisé “Collections Informatiques en Belgique” (CIB), réunissant les responsables des 4 collections, a été constitué sous l’égide d’un nouveau fonds baptisé “Informatique Pionnière en Belgique”, lui-même relevant de la Fondation Roi Baudouin.
Un peu d’histoire…
Une première tentative de rapprochement et de mutualisation était intervenue en 2009, à l’initiative d’Informatique & Bible. A l’époque, un “Réseau de Préservation des Patrimoines Informatiques” avait vu le jour afin de veiller à la préservation des patrimoines informatiques. Sa gestion avait été confiée à la Maison de la Métallurgie et de l’Industrie de Liège (MMIL) qui avait elle-même déjà “récupéré” une partie des collections IBM.
Le “réseau” réunit la MMIL, les 4 collections citées ci-dessus, l’université de Namur, la Haute Ecole de la Province de Liège (HELP) ainsi que quelques personnalités, oeuvrant à titre personnel, tels que le professeur émérite Jean-Jacques Quisquater de l’UCL. Des relations ont en outre été tissées avec divers acteurs français, tels le CNAM (Centre National des Arts et Métiers de Paris), l’ACONIT (Association pour la Conservation Informatique et Télématique) de Grenoble et la Fédération des Équipes Bull (FEB-France).
Aujourd’hui, le nouveau collectif CIB (Collections Informatiques en Belgique) reste membre de ce réseau mais rêve donc de voir se réunir et se pérenniser des collections éparses, qui risquent d’être dispersées, voire d’être mises au rebut.
Reste… à trouver les financements et un lieu d’accueil pour ce qui devrait – pourrait – devenir un musée unique, dont l’inauguration est espérée intervenir en 2015.
Objectif du Fonds “Informatique Pionnière en Belgique”: “préserver des collections informatiques pionnières menacées de disparition et permettre ainsi de pérenniser la mémoire des débuts de l’informatique en Belgique en attirant l’attention sur l’urgence d’assurer cette préservation et cette pérennisation.” L’ambition est également de “mettre en évidence une Belgique pionnière dans de nombreux domaines de l’informatique naissance: un fait qui est trop peu connu”.
Un peu plus de répit
D’autres collections, telles celle d’Unisys, gérée par Jacques Laffut, ne risquent pas ce sort immédiat mais auraient néanmoins besoin de trouver des pistes garantissant leur pérennisation.
La collection Unisys est assurée du parrainage de la société pour deux ans encore. Au-delà l’horizon n’est pas forcément bouché mais, comme le souligne Jacques Laffut, qui saurait augurer du plus long terme?
Les initiateurs du collectif CIB font par ailleurs remarquer que les différentes collections sont gérées et préservées actuellement par des volontaires qui, malheureusement, prennent de l’âge “et que leurs savoir-faire et connaissances risquent de ne pas être transmis à temps aux générations à venir.”
Cahier des charges pour un espace muséal
Le cahier des charges rédigé dans l’espoir de trouver un nouvel espace d’accueil fait état d’une surface d’exposition de 750 à 1.000 m², à laquelle pourraient s’ajouter des espaces supplémentaires (pour un atelier de réparation, salle de réunion et de conférence), idéalement supérieurs à 500 m² et “qui devraient autoriser des extensions futures.”
Budget évoqué (pour l’installation et les 3 premières années de fonctionnement): “de 800.000 à un million d’euros”.
Tel qu’esquissé, le projet de futur musée inclut aussi des activités et animations: sensibilisation des jeunes générations “qui se servent des technologies sans savoir d’où elles viennent”, source d’informations pour la réalisation de mémoires et thèses ou pour supporter le travail d’historiens, tourisme culturel… Retour au texte.
En deuxième partie de cet article, réservée à nos abonnés Premium, un petit descriptif des collections qui attendent donc une solution de pérennisation… Et quelques photos d' »ancêtres ».
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