Pénurie d’emplois ICT: la vision du Forem

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Par · 13/06/2013

La semaine dernière, Agoria rendait publics les résultats de son enquête annuelle sur la situation de l’emploi dans les métiers IT (voir l’article que nous avons publié, ainsi que cet autre article sur le volet Formations). On y relevait une nette prédominance de l’emploi (et, conséquence logique, des pénuries d’emploi) en Flandre. Un phénomène que confirme le Forem.

“L’analyse des données sectorielles fait apparaître que la majorité de l’emploi salarié se concentre en Flandre”, déclare Samuel Martin, pilote du dispositif JobFocus (identification et compréhension des difficultés de recrutement dans certains métiers) au Forem.

“La proportion d’emplois détenue par la Wallonie dans ce secteur est inférieure à celle qu’elle occupe dans l’ensemble des secteurs. A l’inverse, Bruxelles-Capitale compte une proportion d’emplois presque deux fois supérieure dans ce secteur.”

Quels sont ces chiffres?

“Selon les dernières données disponibles de l’ONSS, le secteur des services ICT comptabilise 75.437 travailleurs salariés en Belgique dont 11.418 postes de travail en Wallonie.”

Mais gare aux amalgames…

Ces chiffres sont en effet globaux, non différenciés en termes de fonctions remplies. Ils englobent donc aussi tout ce qui est secrétaires, gestionnaires RH, collaborateurs des services de comptabilité… “L’étude écosystème du Forem dédiée à ce secteur (1) indiquait qu’environ une personne sur deux exerce ses activités en dehors de la sphère ICT proprement dite.”

Autre remarque importante, ces chiffres ne portent que sur les prestataires de services ICT. Ils n’englobent donc pas l’emploi généré par les revendeurs et autres distributeurs.

Enfin, il faut y ajouter l’emploi hors secteur IT. A savoir, tous ces métiers IT nécessaires aux autres secteurs d’activités.

Si l’on retranche, dans le secteur IT, les personnes qui remplissent des fonctions non liées à l’informatique et si on y ajoute les emplois IT des autres secteurs, Samuel Martin estime que le chiffre d’emplois IT, en Wallonie, devrait se situer “aux alentours de 15 à 16.000 personnes.”

Le petit Poucet

Pourquoi la sous-représentation de la Wallonie en termes d’emplois ICT par rapport au poids de la Région dans l’économie globale? L’explication n’en a pas encore été apportée de manière scientifique mais Samuel Martin émet, à titre personnel, l’hypothèse (d’ailleurs évoquée par d’autres) que le sous-équipement informatique des PME wallonnes ne génère pas la demande et la masse critique nécessaire pour voir se développer davantage les métiers IT. Que ce soit en interne ou au sein de prestataires de services.

Bruxelles, par contre, pèse plus lourd en termes d’emplois IT en raison de son effet confirmé de pôle d’attraction pour les sociétés IT. Mais une attractivité qui ne bénéficie pas- ou pas suffisamment- aux Wallons en raison d’une carence, elle aussi bien documentée: à savoir, une faiblesse dans la connaissance des langues. Résultat, les “poches d’emplois” disponibles à Bruxelles ou en Flandre (le Forem a relayé, en 2012, environ 2.000 offres d’emplois venant d’Actiris et du VDAB) ne sont pas exploitées ”pour cause de compétences linguistiques souvent insuffisantes des demandeurs d’emploi wallons en néerlandais, voire même en anglais.”

Métiers en crise

En 2012, le Forem a géré un total de 2.172 offres d’emploi relatives aux métiers ICT (secteur IT et autres secteurs) en Wallonie.

Ce chiffre est en baisse de 24% par rapport à fin 2011, période à laquelle le Forem répertoriait encore 2.873 offres d’emploi.

2011 2012
Gestionnaire d’exploitation informatique 1.149 758 -34%
Développeur 978 673 -31%
Analyste informatique 259 205 -21%
Chef de projet informatique 114 146 +27%
Développeur Web 201 157 -22%
Analyste business 143 205 +43%
Spécialiste réseaux 29 28 -3%
Total 2.873 2.172 -24%

“L’impact de la crise économique a probablement été plus important sur les offres d’informaticiens”, explique Samuel Martin.

Une première onde de choc sur l’emploi s’était manifestée en 2009. “La baisse a été de 39% entre 2008 et 2009. A partir de  2010, on note une reprise du nombre d’offres. La progression se poursuit (+ 13%) en 2011. Mais s’inverse soudain en 2012, où l’on observe une baisse de 24%. Le 1er semestre 2013 ne semble pas bon non plus. La baisse semble continuer, mais nos chiffres ne sont pas encore consolidés.”

Répartition

56% des 2.172 offres d’emplois émanaient, en 2012, de prestataires de services (SSCI)

4% visaient des postes à pourvoir dans des centres d’appels

2% dans des administrations publiques

3% concernaient des sociétés de sélection et recrutement de personnel

Les SSCI apparaissent donc comme les premiers pourvoyeurs de carrières IT en Wallonie. Chose qui s’explique notamment, aux yeux de Samuel Martin, par le fait que “de nombreuses PME n’ont pas les moyens de recruter des informaticiens et sous-traitent donc ce besoin aux SSCI.”

Même si la crise frappe, les contrats proposés sont en majorité des CDI (58% des offres). Ce qui est loin d’être le cas dans tous les métiers. 22% sont des contrats d’intérimaire; 10% des contrats PFI (plan de formation-insertion) et 6% des CDD.

Samuel Martin (Forem): “Il y a deux ans, 52% des patrons exigeaient une expérience professionnelle. Ils sont désormais 67% à l’exiger.”

A ce signal potentiellement intéressant qu’est la perspective d’un CDI pour les chercheurs d’emplois vient par contre se mêler un signal moins rassurant. A savoir que les employeurs exigent de plus en plus que les candidats disposent d’une expérience bien établie. “Il y a deux ans, 52% des patrons exigeaient une expérience professionnelle. Ils sont désormais 67% à l’exiger. Ce qui signifie qu’il est plus difficile pour les jeunes d’accéder au marché de l’emploi. Ils ne peuvent espérer convaincre qu’un employeur sur trois de les embaucher… Et le niveau d’étude exigé se fait lui aussi plus sévère. Ce qui est une évolution drastique par rapport à la situation qui prévalait encore voici 20 ans lorsque 70% des informaticiens étaient des autodidactes.

Carence en profils

Parmi les métiers en carence: développeurs et analystes. Ce qui confirme les données d’Agoria.

“Notre analyse a mis en évidence des difficultés pour les employeurs à trouver des candidats principalement pour des licenciés et des gradués en informatique. Les employeurs recherchent en outre un niveau de spécialisation supplémentaire dans un domaine technologique particulier (réseaux, environnement de développement…). Le déficit d’image du secteur pour les jeunes mais également pour les femmes pourrait aussi avoir un certain impact sur le nombre de candidats au métier.”

Côté chercheurs d’emploi (situation valable à fin avril 2012), le Forem signale “2.580 demandeurs d’emploi s’étant positionnés sur les métiers informatiques.”

(1) “Les attitudes et les pratiques à l’égard de la gestion des ressources humaines dans l’écosystème des TIC (Technologies de l’information et de la communication) en Wallonie”. Enquête publiée en 2006.

(2) A noter que le Forem n’a pas une vue exhaustive sur le marché de l’emploi IT, nombre de profils ne passant pas par ses services pour recruter ou trouver de l’emploi. C’est notamment le cas des analystes business, des consultants ou des chefs de projet.