ESNAH: une appli pour faciliter et sécuriser la navigation civile

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Par · 14/01/2013

Désormais hébergée dans l’incubateur ESA-BIC de Transinne près de Redu, ESNAH est une jeune start-up créée en janvier 2012. Depuis environ 2 ans, Nicolas Hanse planche sur le projet SkyLiberty, qui vise à développer une application mobile d’assistance à la navigation et au pilotage, destinée à améliorer la sécurité des navigations aériennes dans le secteur de l’aviation générale civile. L’appli opérera “à la manière d’un GPS sophistiqué, spécialement destiné à rencontrer les besoins des pilotes”, explique Nicolas Hanse.

L’application, destinée aux tablettes (iPad dans un premier temps, systèmes Android et Microsoft ensuite) et compatible avec les navigateurs Internet (pour PC classiques), SkyLiberty en est aujourd’hui arrivée à la phase finale de développement. La première version commerciale devrait faire ses débuts à l’occasion du salon du Bourget. A suivre, quelques mois plus tard, d’une version plus complète qui en fera réellement un “navigateur aérien professionnel”.

Cible: les étudiants pilote, les pilotes privés et commerciaux, les aéroclubs et les écoles de pilotage. A l’exclusion donc des pilotes de ligne et pilotes militaires. Marché potentiel: 300.000 pilotes en Europe.

Pourquoi une application pour tablette? Etant lui-même passé par une école de pilotage, Nicolas Hanse en a déduit que les pilotes avaient avant tout besoin de disposer d’un outil convivial, simple d’utilisation, qui ne prenne pas pour eux les décisions de pilotage mais les informe de manière fiable. “Faire simple avec quelque chose de très complexe.”

Aide à la navigation

Nicolas Hanse: “Faire simple avec quelque chose de très complexe.”

SkyLiberty est une application d’aide à la navigation qui couvre la totalité du processus que représentent la préparation et la gestion d’un vol. Une bonne dose d’automatisme viendra simplifier les procédures contraignantes, tels que le calcul et la consignation des temps de vol et trajets.

La première version se limitera essentiellement à la gestion “administrative” du pilote, avec des fonctions lui permettant de compléter son carnet de vol, de calculer les routes, de compléter automatiquement son logbook (journal de bord), de gérer l’enregistrement et le renouvellement de ses licences (licences de pilote, licences médicales), etc.

Sur base de l’intégration de données en tous genres (aéronautiques, météo, normes aéronautiques…), le calcul de certaines procédures se fera automatiquement, telles la fixation de la vitesse de décollage en fonction de la vitesse du vent, de la piste choisie…

Si la société parvient à engager à temps un cartographe, la première version, présentée au Bourget, pourrait également intégrer une fonctionnalité de préparation de plan de vol.

La deuxième version, attendue quelques mois plus tard, sera une solution plus complète, méritant réellement l’appellation de navigateur de vol.

Piloter en connaissance de cause

Les fonctions de la solution SkyLiberty s’appuient sur une base de données complète, systématiquement remise à jour, intégrant des données diverses que le pilote n’a donc plus à collationner à diverses sources et à interpréter pour gérer son vol.

Les données aéronautiques (aéroports, pistes, couloirs et carrefours aériens, position des balises de radionavigation, trafic aérien…) sont celles d’Eurocontrol, ce qui garantit l’exhaustivité et l’exactitude (réactualisée) des données sur lesquelles s’appuient l’appli d’ESNAH. Si elles se limitent encore à l’espace aérien européen (39 pays), l’ambition est d’étendre le solution à l’échelle planétaire “d’ici 3 ou 4 ans.”

Côté météo, des négociations ont été entamées avec plusieurs sociétés belges. Un contrat doit encore être signé.

Pour permettre une actualisation des données en cours de vol, la solution ESNAH  aura recours à des connexions satellitaires. Histoire d’éviter le blackout Internet typique des vols en altitude. D’autres concepts de connectivité seront en outre développés en partenariat avec l’ESA.

Côté actualisation temps réel, la solution assurera, à plus long terme, une intégration avec les nouvelles générations de radar embarqué qui communiquent via WiFi. Toutes les informations concernant l’état de l’avion ou des informations “externes” pourront donc se retrouver sur l’iPad (ou autres tablettes).

Autre évolution future: la visualisation des données en 3D. “Nous préférons d’abord travailler à la fiabilité et exhaustivité des données”, indique Nicolas Hanse. “Du 3D, d’ailleurs, est encore difficile à implémenter sur tablette pour cause de mémoire insuffisante mais nous voulons, à terme, innover en termes de représentation de données, afin de rendre plus visibles les différentes “strates” ou types d’informations: aéroports, zones de contrôle, couloirs et carrefours aériens…”

Pilotage fiabilisé

“SkyLiberty permettra aux pilotes de réduire jusqu’à 98% la durée de préparation de leurs vols”, déclare Nicolas Hanse (voir une petit vidéo postée sur Vimeo). Elle permettra aussi- et peut-être surtout- de fiabiliser les données de vol dont disposent les pilotes. Une analyse des statistiques du BEA (Bureau d’Enquêtes et d’Analyses aéronautiques) ainsi qu’une enquête menée par Nicolas Hanse auprès d’un échantillon de 112 professionnels (pilotes privés, commerciaux ou de ligne, instructeurs de vol, contrôleurs aériens) révèlent en effet des situations et comportements qui peuvent faire froid dans le dos.

En analysant des données du BEA, une étude a ainsi pu déterminer que 87% des “incidents” aériens sont liés à un problème de GPS pour cause de mauvaise préparation de vol. Un “incident” peut tout aussi bien être un problème de réservoir vide, un atterrissage difficile ou forcé, le heurt d’une antenne, voire un itinéraire erroné.

Les erreurs sont notamment le fait de jeunes pilotes. Une situation qui va s’aggravant. “Face au vieillissement des commandants de bord et à l’augmentation des flottes, une pression considérable pèse sur les écoles de pilotage qui doivent fournir de plus en plus de pilotes, de plus en plus qualifiés”, explique Nicolas Hanse. “Les étudiants doivent monter plus rapidement leurs heures de vol, au détriment d’une préparation correcte du vol. Ce manque de préparation et les distractions en vol ont un impact très clair sur la sécurité du trafic aérien et sur l’augmentation des accidents en vol.”

55% des 112 professionnels sondés par ESNAH avouent ne jamais préparer à fond leur navigation.

Les raisons des problèmes, liés aux GPS, sont nombreuses: mauvaise utilisation, imprécision du GPS (erreur d’altitude), données erronées, mauvais positionnement généré par le GPS, base de données non mise à jour…

Par ailleurs, par manque de temps, par facilité ou par insouciance, 55% des pilotes sondés par ESNAH avouent ne jamais préparer (ou ne jamais préparer à fond) leur navigation. Cela va d’une simple réutilisation de plans de vol antérieurs, sans étude des conditions nouvelles, jusqu’à l’absence totale de plan de vol papier à bord (le pilote se fiant alors uniquement aux indications de son GPS). Ce qui, compte tenu des lacunes évoquées plus haut, laisse songeur…

Autre avantage potentiel avancé par Nicolas Hanse: la réduction de la consommation de fuel. Dès sa première version, l’application SkyLiberty permettra au pilote de mieux planifier son vol en fonction de facteurs de consommation. “Jusqu’ici, il décide de sa route en se fiant à son GPS qui lui trace le chemin entre le point de départ et d’arrivée. Il prend également en compte l’orientation et la vitesse du vent et en tire une estimation de durée qu’il convertit en litres. SkyLiberty y ajoutera des informations plus précises: type d’appareil, de moteur, altitude, météo… Tous paramètres qui influencent la consommation. En fonction de ces critères et d’autres données telles que l’encombrement estimé d’un couloir ou d’un aéroport, le système  calculera l’itinéraire idéal et pourra conseiller au pilote de retarder par exemple son envol d’une demi-heure pour ne pas devoir se mettre en attente avant de se poser. “Autant d’économies de fuel possibles…” explique Nicolas Hanse.

Basique au départ, ce potentiel sera enrichi au fur et à mesure que l’application mûrira.

Des ambitions solides

On a déjà évoqué certaines des évolutions prévues pour SkyLiberty (visualisation 3D, bases de données internationales, versions Android et Microsoft…). D’autres concepts novateurs seront développés en collaboration avec l’ESA.

L’intention est par ailleurs d’intégrer la solution à même le tableau de bord des avions. En la matière, ESNAH peut notamment compter sur l’assistance du CETIC, centre de recherche agréé pour la réalisation de logiciels aéronautiques. L’ambition ultime est de “développer progressivement le produit pour en faire une suite aéronautique”.

Outre l’assistance aux pilotes, Nicolas Hanse veut aussi faire de sa solution un instrument pour la formation des élèves pilotes. “Il servira de support pour leurs cours pratiques puisqu’il permettra à l’instructeur de vérifier, point par point, paramètre par paramètre, si un élève a bel et bien suivi correctement le plan de navigation qu’il avait été établi ou qu’on lui avait demandé de suivre.”

Le marché potentiel, ici aussi, est assez large puisque l’on dénombre aujourd’hui 112.000 élèves pilotes en Europe. 

Pour l’heure, Nicolas Hanse s’apprête à recruter un deuxième cartographe et est à la recherche d’un développeur spécialisé iOS. Le bouclage d’une première phase de financement est l’affaire de quelques mois. La société espère voir se concrétiser des subsides venant de l’ESA, de WSLlux, de la Province de Luxembourg et de la Région wallonne. De quoi financer le renforcement de l’équipe, le prototypage, la phase de lancement et le fonctionnement de la société pendant un an.

ESNAH figure par ailleurs parmi les 10 finalistes du concours Boost Belgium co-organisé par Belfius et Mastercard. Le passage devant le jury est prévu pour février. Mais le grand public aura également son mot à dire sur la désignation des lauréats. Tout le monde peut donc voter en faveur du projet de son choix via le site Boost Belgium.  Jusqu’au 17 février…

Le nom ESNAH est à la fois l’épellation inversée du patronyme de son fondateur (Nicolas Hanse) et un acronyme: Etude pour la Sécurité de la Navigation Aérienne Hanse). Retour au texte.