Certifi’art: un e-dépôt contre le pillage intellectuel des créations

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Par · 02/11/2012

Youngaya est une asbl née en 2002 à l’initiative de Marie Aube et Jean-François Boucher, deux Français venus s’installer en Wallonie picarde. Sa cible: le monde des artistes et des créateurs, à qui elle propose des services, tant purement techniques qu’artistiques et juridiques, avec pour objectif d’accroître leur notoriété par le biais d’Internet tout en protégeant leurs intérêts sur un canal qui est semé d’embûches en termes de droits d’auteurs et de propriété intellectuelle.

Début octobre, la société propose un service, baptisé Certifi’Art, résolument axé sur la protection des droits d’auteur. Il vient s’ajouter à des services plus traditionnels, offerts depuis quelques années tels que la captation vidéo de concerts, de défilés de mode, de pièces de théâtre et leur diffusion promotionnelle sur Internet, ou encore des formations à vocation artistique.

Gare au “pillage intellectuel”

La cible de Youngaya? Non seulement les artistes, au sens premier du terme, qu’ils soient professionnels ou amateurs (“ces derniers ne pouvant s’adresser à la Sabam”, souligne Marie Aube) mais aussi tout créateur potentiel. Autrement dit, une audience potentiellement très large et bigarrée, allant des créateurs artistiques jusqu’aux designers de jeux vidéo en passant par les architectes, concepteurs de meubles, créateurs de mode, etc.

“Nous nous adressons en fait à tout entrepreneur qui a un projet (concept, programme, musique, dessin, modèle…) à protéger et qui doit se prémunir contre le pillage de ses droits d’auteur et de sa propriété intellectuelle. 39% de cette population de créateurs(indépendants et amateurs) utilisent Internet comme moyen de diffusion de leur création sans pour cela avoir accès (ou penser) aux outils permettant de protéger leur droit d’auteur et de prouver leur paternité. Nombreux sont ceux qui se tiennent à distance d’Internet, comme moyen de diffusion, par peur du plagiat. Selon une étude réalisée en 2010 par Createst, 28% des créateurs auraient d’ailleurs déjà été victimes de pillage intellectuel. Notre service leur procure une preuve officielle de propriété. Nous avons même été contactés par un imprimeur qui désire ainsi offrir à ses clients un service de dépôt légal des documents dont ils lui confient l’impression.”

e-dépôt pour créations originales

Le concept? Proposer à tout “créateur” un e-dépôt sécurisé de leur création, avec valeur probatoire en cas de conflit ou de contestation.

L’e-dépôt, tel que proposé par Youngaya, procure aux déposants la trace (et la preuve) incontestable de la date et heure du dépôt, et de l’identité du déposant constatées par huissier.

Ce constat et le fichier correspondant à la création déposée (formats textes, images, audio, PDF…) seront archivés, de manière sécurisée, pendant une durée de 10 ans.

Chaque créateur a la possibilité de se créer un compte, voire plusieurs, grâce au(x)quel(s) il pourra déposer et authentifier le dépôt de sa ou de ses créations. “Des comptes multiples sont par exemple intéressants pour des sociétés qui désirent permettre à plusieurs de leurs employés d’effectuer des e-dépôts. C’est par exemple le cas pour les sociétés créatrices de jeux vidéo qui, de manière étonnante, protègent très peu leurs oeuvres. Et risquent ainsi de se faire littéralement piller par des concepteurs indiens ou chinois qui “s’inspirent” de leurs créations pour inonder le marché de créations-pirate de masse. Les comptes multiples sont également intéressants pour des sociétés qui peuvent ainsi ouvrir autant de comptes qu’elles ont de clients, afin de sécuriser les créations qu’elles ont réalisées pour chacun d’entre eux.” Cela peut, par exemple, être utile pour des bureaux d’architectes. Chaque employé ou client disposera alors d’un identifiant lui permettant de gérer son compte et de procéder à de nouveaux dépôts.

”Notre solution se distingue de celles d’autres acteurs, tels MaPreuve, en France, qui propose certes le dépôt sécurisé de fichiers mais se limite à répertorier les dépôts. Les documents concernés demeurent chez le déposant. L’archivage sécurisé à long terme n’est donc en rien garanti.”

Une solution française pour le marché belge

L’intention de Youngaya a toujours été de s’adresser d’abord au marché belge. “La France ne viendra que plus tard. Le marché néerlandais, également, nous semble intéressant. Mais la Belgique francophone a la priorité. Nous avons d’ailleurs déjà commencé à approcher différentes fédérations et groupements professionnels”, déclare Marie Aube.

La solution technologique, par contre, vient d’outre-Quiévrain. Après quelques recherches pour trouver une plate-forme adéquate, Youngaya s’est en effet tournée vers une solution doublement française puisque le système d’e-dépôt est celui conçu à l’origine par Docapost, filiale de la Poste française, pour les besoins de la Chambre des Huissiers de France, pour le dépôt et l’archivage sécurisé d’actes.

Marie Aube: “Les sociétés créatrices de jeux vidéo protègent très peu leurs oeuvres. Au risque de se faire littéralement piller par des concepteurs indiens ou chinois qui “s’inspirent” de leurs créations pour inonder le marché de créations-pirate de masse.”

La solution a été adaptée par Docapost à la nouvelle dimension qu’implique le dépôt de documents numériques qui, selon le cas, peuvent prendre la forme de fichiers vidéo ou audio, de photos, de dessins techniques, de croquis manuels ou encore de fichiers de codes.

Deuxième partenaire, français lui aussi: CDC Arkhinéo, filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations, qui assure les services d’archivage proprement dits, dans des salles serveurs hautement sécurisées. La garantie fournie est quadruple: conservation des données dans des centres d’archivage hautement sécurisés, intégrité des données déposées, haute disponibilité et intégralité de restitution des données à terme.

Outre l’archivage sécurisé (Arkhinéo opère comme “archiveur tiers” et garantit la valeur probante des fichiers qui lui sont confiés), Youngaya promet aux créateurs une sécurité et inviolabilité des fichiers ou oeuvres qu’ils lui confient. Parmi les mécanismes mis en oeuvre: un transfert de fichiers que le déposant peut chiffrer, un accès à des comptes personnels géré par identifiant (l’adresse courriel de l’expéditeur) et mot de passe, et une signature électronique du fichier transmis.

Il y a, dans le modèle Certifi’Art, un troisième intervenant français, non négligeable puisqu’il s’agit des huissiers proprement dits, interlocuteurs de confiance pour le dépôt des créations. Eux aussi sont français puisque le partenaire est Docapost et que Youngaya a décroché, avec cette société, des tarifs à prix préférentiel.

“Difficile de faire plus compétitif que 15 euros [tarif de base] pour un service incluant un constat d’huissier. Or, la modicité du prix est essentielle dans la mesure où nous nous adressons notamment à de jeunes créateurs qui n’ont pas forcément beaucoup de moyens”, souligne Marie Aube. La nationalité française des huissiers, insiste-t-elle, ne pose aucun problème d’ordre légal ou juridique. Des conventions entre Chambres belge et française existent et un procès-verbal rédigé par un huissier de justice français qui atteste d’un dépôt, de sa nature et de l’identité du remettant, a force probante à l’international. L’opposabilité en justice est possible dans les 165 pays qui ont signé la Convention de Berne sur la protection des oeuvres littéraires et artistiques.”

Youngaya a par ailleurs conclu un partenariat avec un avocat belge, Me Dechamps, du Barreau de Bruxelles, afin de fournir aux créateurs une aide juridique en cas de litige.

Service “démocratique”

Les tarifs appliqués par Youngaya, pour son service Certifi’Art, dépendent de la ‘lourdeur’ du fichier. Les tarifs démarrent à 15 euros pour un espace d’un méga et 124 crédits (couvrant des dépôts successifs) jusqu’à 135 euros pour 100 Mo et 1.116 crédits. “Nous avons élaboré ce tarif en fonction des volumes moyens que représentent les divers types de média. Un méga correspond par exemple à 60 pages de texte. 5 Mo, à un clip musical compressé. 10 Mo à un clip vidéo. Nous proposons également des remises pour les dépôts récurrents d’entreprises, sur base du chiffre d’affaires réalisé.”