Les “professionnels du Web”: une “race” à part dans le paysage de l’emploi

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Par · 19/10/2012

Le Web a fait naître une flopée de nouveaux métiers et profils qui n’ont pas encore forcément une visibilité ou une définition voire une image professionnelle bien balisée.

Entre juin et août 2012, dans le cadre du programme Interreg Competic (dédié à la promotion des métiers et compétences nécessaires à la filière numérique), Technofutur TIC et son homologue français PRN (Pôle Régional Numérique) ont procédé à une enquête couvrant à la fois la Belgique francophone et la région Nord-Pas-de-Calais.

Objectif: analyser les profils, parcours et conditions de vie professionnelle de ceux qui se sont engagés dans une carrière Web. Premier constat: ceux qui se reconnaissent dans cette appellation de “professionnels du Web” sont essentiellement des personnes ayant créé ou travaillant pour des start-ups, des personnes chargées de créer des contenus (au sens large, multi-forme, du terme), ou des profils marketing. Par contre, cette dénomination ne concerne pas des profils plus classiques (ou pré-existants) tels que des développeurs Java. De même, souligne Pierre Lelong, directeur du Pôle Ressources et Diffusion chez Technofutur TIC, “les chefs de projet ne se reconnaissent pas dans cette appellation de professionnels du Web. Ils restent et se considèrent avant tout comme… des chefs de projet !”

Voilà les femmes

L’étude confirme ce qu’on faisait d’ailleurs déjà plus que supposer: à savoir, que certains métiers du Web constituent un pôle d’attraction, voire une voie de pénétration du monde de l’IT pour les femmes. “Elles représentent 30% des personnes ayant répondu à l’enquête. Soit une proportion nettement plus importante que la moyenne générale puisque l’on estime généralement qu’il y a 16% de femmes dans le secteur IT en Belgique et moins de 10% de filles dans les filières de formation”, rappelle Pierre Lelong.

Les femmes sont même majoritaires dans certains métiers ou fonctions, tels que la création de contenus, la communication ou le marketing. En revanche, l’échantillon que constitue l’enquête n’en a détecté aucune dans des fonctions liées à l’infrastructure réseau et elles restent largement minoritaires en matière de développement et de programmation (7 fois moins de femmes que d’hommes).

Les voies qui mènent au Web

Parmi les personnes ayant participé à l’étude, 17% seulement ont suivi une filière de formation IT. Signe que les établissements d’enseignement ont encore insuffisamment fait place à ces ‘métiers du Web’ dans leur cursus. Les formations graphiques ne sont guère plus génératrices de candidats puisque leur score n’est que de 8% (évidemment, les compétences graphiques ne sont que l’une des multiples compétences requises pour ces divers métiers). Mais on constate néanmoins que d’autres filières de formation, parfois assez éloignées des métiers choisis, suscitent davantage de candidats et de vocations. Exemple: les études en sciences sociales ou en communications (la comm’, évidemment, présente des liens directs avec le monde du Web).

De manière sans doute plus éloquente et significative, une majorité de personnes interrogées ont déclaré que leurs études ne leur avaient pas conféré les compétences que nécessitent les métiers du Web qu’elles exercent désormais. Seulement 37% d’entre elles disent avoir acquis leurs connaissances Web par le biais de leur formation initiale. Toutes les autres ont dû acquérir leurs compétences par d’autres voies. Et il s’agit, en majorité, d’auto-apprentissage. 25% les ont acquises au sein-même de leur entreprise.

Autre constat: les centres de compétences destinés à assurer la formation continue ou la réorientation professionnelle des demandeurs d’emploi tTechnofutur, Technobel…) ne pèsent pas énormément sur l’acquisition de ces compétences Web. Seuls 22% des répondants disent y avoir suivi des formations leur permettant d’acquérir les connaissances nécessaires. “Les centres de compétences sont donc clairement en décalage par rapport à ce qu’attend le marché”, souligne Pierre Lelong.

La formation, initiale ou continuée, constitue d’ailleurs une pierre d’achoppement. Alors qu’il y a une claire nécessité pour les professionnels de ce secteur de se tenir au courant des tendances et outils qui ne cessent de surgir dans l’univers du Web, 25% des personnes interrogées admettent n’avoir suivi aucune formation en 2011. Par manque de temps? d’intérêt? de possibilités? Un tiers des répondants ont par contre investi de 5 à 10 jours en formations en 2011.

Emplois mobiles

On ne parle pas ici de télétravail ou d’utilisation d’équipements mobiles pour effectuer son travail mais bien de changement d’orientation de carrière, ou d’employeur. Environ 50% des personnes interrogées estiment qu’elles changeront “sûrement ou fort probablement” d’emploi au cours des deux à trois prochaines années. Seules 25% disent ne certainement pas vouloir changer de poste. “Clairement moins que la moyenne du marché de l’emploi considéré dans la totalité où ce pourcentage est de 50%”, souligne Pierre Lelong. La mobilité, aux termes de réorientation, est donc une caractéristique majeure des métiers du Web. Preuve en est le nombre de postes occupés au cours des 5 derniers années par une même personne…

“L’esprit d’entreprendre semble être nettement plus présent dans le monde de l’économie numérique qu’ailleurs.”

75% des répondants se disent en outre prêts, sinon désireux, d’aller travailler à l’étranger. Et cela ne concerne pas uniquement les flux transfrontaliers (pour rappel, l’étude prend place dans le cadre d’une enquête Belgique francophone/Nord-Pas-de-Calais). 50% disent par exemple être prêts à émigrer vers le Royaume-Uni voire les Etats-Unis.

La “mobilité” peut également être appréhendée sous l’angle de l’envie de créer son propre job, de lancer un projet, une entreprise. A cet égard, il semble que les “professionnels du Web” aient davantage l’esprit d’entreprendre que leurs homologues dans d’autres secteurs et métiers. “Environ 30% des répondants, qui n’ont pas encore lancé leur propre initiative, se disent certainement prêts à créer une entreprise au cours des trois prochaines années”, relève Pierre Lelong. “C’est deux fois plus que la moyenne générale du marché. 26 autres pour-cents sont prêts à le faire si des opportunités ou des conditions favorables se présentent.” Les personnes qui répondent par la négative sont minoritaires: 28% répondent par un “probablement pas” et 15% par un “certainement pas”.