Nest’Up: TechStars, à la sauce locale

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Par · 26/09/2012

La méthode d’accélération de start-up imaginée par TechStars, outre-Atlantique, a été choisi comme modèle par le projet Nest’Up qui se déroule actuellement à Mont-Saint-Guibert. Idealy, dont Olivier Verbeke, co-initiateur de Nest-Up, est l’un des fondateurs, fait en effet partie du Global Accelerator Network (GAN), lui-même adoubé officiellement par TechStars qui veut ainsi faire des émules dans le monde entier.

Si les grands principes de la méthode TechStars sont respectés, Nest’Up s’en distancie toutefois à divers égards. Notamment parce que le lancement et l’encadrement de “jeunes pousses”, chez nous, doivent faire face à des contraintes que ne connaît pas l’écosystème américain.

La recette de base? Un stage du style immersion totale, de l’accompagnement par des “coachs” qui ont eux-même lancé ou inspiré (avec succès) des start-ups, un timing serré (quelques semaines pour faire germer un projet), un “demo day” au cours duquel les porteurs de projet présentent leur prototype (ou réalisation) à un jury et à des investisseurs potentiels, l’émulation entre équipes, et une médiatisation pour faire monter la sauce.

Trois phases

Le programme d’“accélération” se structure en trois grandes phases. La première sert à évaluer le business model imaginé par les porteurs de projet. Si les garanties de monétisation ne sont pas jugées solides ou suffisantes par les coachs, l’équipe est priée de revoir sa copie. Dès le départ. “C’est potentiellement la phase de dé-construction du projet. Nous instillons le doute dans l’esprit des starters”, souligne Ivan Rapin-Smith, associé gérant d’Idealy et impliqué comme expert                                                                                                                         dans Nest’Up.

Le choc des premiers jours peut être brutal: un idée cajolée depuis des mois, parfois plus, peut-être atomisée en moins de deux. A Mont-Saint-Guibert, dès le 2ème jour, les 6 équipes ont vu, tour à tour, chacun des 6 coachs principaux qui, tous, ont émis un avis, des conseils… parfois contradictoires. “Certains ne savaient plus où ils en étaient.” Idéal pour forcer réflexion et introspection, dit-on dans l’équipe Nest’Up.

Ivan Rapin-Smith: “Si on constate, à l’issue du programme, que c’est trop court, nous reverrons le timing pour l’édition 2013.”

Deuxième phase: le développement et test du premier produit (ou service). “C’est là que l’on commence à créer de la “traction”, où les porteurs de projet doivent pouvoir convaincre de premiers early adopters, où l’on vérifie que du vrai business est possible.”

Troisième phase: la préparation du pitch. Cette fameuse présentation orale- 8 minutes chrono- qui est un passage obligé pour convaincre partenaires, utilisateurs et investisseurs futurs. “Nous y consacrons beaucoup de temps et d’efforts”, souligne Ivan Rapin-Smith. “Pour que tous connaissent leur pitch sur le bout des doigts.” Aucune place n’est laissée à l’improvisation ou à l’approximation. C’est là d’ailleurs l’une des marques de fabrique de la méthode TechStars: tous les porteurs de projets se plient à un canevas strict. Jusque dans le ton, le style des slides, les arguments avancés. “TechStars estime que ce canevas est la bonne recette, qui a déjà maintes fois fait ses preuves, pour convaincre les investisseurs.” Alors pourquoi en changer?

Un scénario ‘localisé’

Nest’Up s’écarte quelque peu de la méthodologie TechStars à plusieurs égards. La durée du programme, tout d’abord. Là où TechStars préconise 10 voire 12 semaines, Nest’Up se déroulera en 9 semaines. Pour de simples (ou basses) questions d’agenda: il fallait caser le programme entre la fin des vacances et la Semaine de la Créativité, organisée par Creative Wallonia, dont Nest’Up voulait profiter pour des questions de visibilité. “Si on constate, à l’issue du programme, que c’est trop court, nous reverrons le timing pour l’édition 2013.”

Deuxième différence: le pool d’experts et mentors. Là où il y a pléthore, outre-Atlantique, dans les petits calepins de TechStars, Nest’Up doit composer avec un réservoir forcément moindre et l’effet “initiative nouvelle devant-encore-faire-ses-preuves”.

Résultat: on mutualise. Par groupes de deux, les start-up se partagent le temps de 2 coachs. Chaque coach consacre deux-tiers de son temps à une start-up et le 3ème tiers à l’autre. Les 6 coachs principaux, présents quasi à demeure à Mont-Saint-Guibert, sont en outre épaulés par des experts invités, certains locaux, qui viennent de manière ponctuelle, d’autres qui prêtent temps et conseils à distance (merci Skype!).

Troisième différence, très similaire à la précédente: le pool d’investisseurs potentiels. “Nous construisons notre base de données d’investisseurs sur base des contacts personnels des coachs”, déclare Ivan Rapin-Smith. Dans l’espoir qu’une communauté d’investisseurs suffisante soit en place le jour J, lors du “demo day” du 14 novembre. “Aux USA, TechStars lève en moyenne 1,4 million de dollars par start-up. L’écosystème local pousse à viser plutôt les 200 ou 300.000 euros. Même avec 100.000 euros, nous ferions pas mal d’heureux…”

La levée de fonds, un “mal nécessaire”.

“Creative Wallonia vise avant tout à favoriser de la création d’emplois en Wallonie. Mais pour créer de l’emploi, le business model d’une start-up doit être au point si elle veut générer suffisamment de revenus et de marge pour créer ces emplois. Et pour que le business model soit viable, il faut des moyens financiers…” Boucle bouclée.

 Pas d’equity

L’une des grandes différences entre la méthodologie TechStars et l’initiative Nest’Up est le choix de cette dernière de ne pas demander (ou permettre) à ses coachs de prendre ou d’exiger une participation dans les projets qu’ils accompagnent. “C’est un choix délibéré”, souligne Ivan Rapin-Smith. Et la seule façon de le faire était de se tourner vers les pouvoirs publics (en l’occurrence Creative Wallonia).

“Les start-ups restent donc 100% propriétaires de leur idée avant le demo day. Dans le modèle TechStars, les mentors prennent d’emblée de l’equity parce que cela leur permet d’être en première ligne pour les tours de financement suivants. Cela leur permet de décupler leur mise dès que d’autres investisseurs injectent de nouveaux fonds. On constate généralement que dans les pays où l’écosystème d’investissement n’est pas encore très présent, c’est le secteur public qui amorce la pompe. Le phénomène s’est par exemple produit en Amérique du Sud, au Chili, où l’on voit maintenant le secteur public se retirer progressivement à mesure que le privé s’intéresse davantage à la stimulation de l’entrepreneuriat.”

TechStars et ses émules

Le réseau TechStars demeure un cercle choisi. Aux quatre villes de départ (New York, Boston, Seattle, Boulder) est récemment venu s’ajouter San Antonio. La méthodologie TechStars, elle, a été en quelque sorte francisée par le Global Accelerator Network (GAN), réseau mondial d’accélérateurs dont Nest’Up est l’un des membres (via la société Idealy, co-initiatrice du projet). Au total, le GAN compte une cinquantaine de membres. Pour ne pas se laisser dépasser par l’engouement suscité par la formule d’accélération, le GAN est en passe d’édicter de nouvelles règles d’adhésion et de fonctionnement. Histoire de mieux sélectionner les membres potentiels et d’offrir une palette de services mieux structurée.

En effet, le monde des “accélérateurs de start-ups” est en mouvance permanente. Logique, direz-vous, de la part d’un phénomène qui prône le dynamisme et l’adaptabilité. Mais certains choix ou certaines règles adoptées, ces derniers temps, par certains semblent être davantage le fruit d’une course en avant et d’une recherche d’originalité-à-tout-prix qui risquent d’avoir des effets contre-productifs.

Des exemples?

TechStars se vante d’être le roi des accélérateurs et d’être très sévère dans ses sélections. Seuls les meilleurs projets seraient retenus. Et pour cause: il faut maximiser le nombre de succès. Or, ces succès se mesurent selon des critères bien spécifiques. A savoir, plus particulièrement, l’importance des fonds levés à l’issue du pitch ou dans la foulée du programme.

Pour maintenir sa visibilité et se perpétuer, le programme TechStars (américain) doit attirer l’attention d’investisseurs et de coachs de tout premier rang. Et ceux qui investissent dans les projets couronnés ne peuvent y perdre des plumes. David Cohen, fondateur et patron de TechStars, le reconnaît: “le paramètre des fonds levés n’est sans doute pas le meilleur critère mais les observateurs le veulent ainsi.” Ah ce diktat des observateurs, dont les intérêts ne sont pas forcément ceux des start-ups…

D’autres critères seraient sans doute plus pertinents: tels le niveau de chiffre d’affaires atteint après un certain temps ou le nombre d’emplois créés. Mais le paramètre dollars a pris le dessus.

Quels critères seront retenus pour évaluer le succès de Nest’Up? L’évaluation sera sans doute plus “soft”. “Creative Wallonia n’a pas fixé de minima, en termes de résultats à atteindre”, indique Ivan Rapin-Smith. “Ils ont adoubé le principe, accepté de jouer le jeu de cette première itération. L’évaluation prendra aussi en compte l’émulation générée, l’impact du storytelling. La volonté de base est de susciter des start-ups.”

Retour à l’international et à certaines dérives d’accélérateurs. C’est ainsi que les impératifs de “performances” (mesurées en termes de levées de fonds) ont fait quelque peu évoluer les profils de projets “accélérés” par TechStars. “Au début, les idées proposées étaient très neuves”, venaient souvent de germer dans l’esprit de leurs auteurs, souligne Ivan Rapin-Smith. Aujourd’hui, pour des questions de “traction”, le réseau sélectionne davantage des projets ayant déjà fait un certain bout de chemin. Quitte à devoir accélérer un projet, autant qu’il ait déjà pris une certaine vitesse…

D’autres accélérateurs ont une manière plutôt particulière de sélectionner les projets qu’ils acceptent. Pour certains, l’idée qui en est à la base n’a guère voire aucune importance! Ce qui compte uniquement, c’est l’équipe qui la porte, sa capacité à délivrer et “performer”. Une bonne équipe, sans projet! Qu’importe! On fera de l’insémination artificielle…

Nest’Up, bien qu’attachant une grande importance à la solidité et complémentarité de l’équipe (c’est un critère-clé de sélection), ne va pas aussi loin. Toutefois, ce critère a vu certains projets être refusés parce que l’équipe n’était pas jugée suffisamment forte pour les mener à bien. A rebours, certains projets n’étaient pas forcément parmi les meilleurs. “Mais l’équipe, elle, avait ce qu’il faut pour aller loin. Certaines nous ont séduit. Nous avons senti qu’avec elles, il y a moyen de faire quelque chose de bien…”