The Smart Company- Mesurer, mesurer. Qu’en restera-t-il?

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Par · 25/09/2012

La société liégeoise The Smart Company a développé une solution EnergyImpact qui mesure et surveille la production d’énergie émanant des panneaux solaires installés par les particuliers. Premier pas en attendant de pouvoir surveiller également les consommations.

Dans l’état actuel des choses, les clients directs de la société sont essentiellement les installateurs qui incluent cette solution dans l’installation qu’ils réalisent sur le terrain. Ils peuvent ainsi détecter proactivement des problèmes techniques ou liés à la qualité du réseau électrique, avoir une visibilité sur l’état des consommations, les opérations de maintenance nécessaires…

A terme, The Smart Company espère bien trouver un business model où l’utilisateur fina l sera son client direct. Non pas pour le compteur (qu’elle ne fait que revendre) ou voire même pour le logiciel en tant que tel, mais plutôt pour le service qui serait presté grâce à la solution. Un service qui pourrait prendre la forme de conseils en énergie, liés à des conseils d’achats ou de comportement.

“Etant donné que nous ne visons pour l’heure que le côté production, l’utilisateur final n’a aucun intérêt à payer de sa poche le coût de la solution (compteur, logiciel, frais de communications)”, déclare Loïc Bar, cofondateur de la société.

L’équation pourrait être toute autre dès l’instant où la solution, d’ailleurs conçue dans cette optique, permettra de surveiller, gérer et moduler la consommation, en ce compris en fonction des tarifs d’énergie appliqués sur le ou les réseaux desservant chaque domicile. Mais, pour cela, il faudra d’abord procéder à la révolution des règles qui orchestrent les rôles et prérogatives de chaque acteur (depuis le régulateur jusqu’au consommateur en passant par le distributeur, le fournisseur, le gestionnaire de réseau etc.)

Un modèle économique immature

“Pour l’instant, l’information que permet de dégager la collecte des données n’a de la valeur que pour l’installateur. Cela lui permet notamment de faire valoir son savoir-faire ou sa valeur ajoutée au client en l’avertissant par exemple d’un problème de tension sur le réseau, en le renseignant, proactivement, sur l’origine d’un problème. Lorsque le nombre d’installations sera suffisant, la masse de données collectées deviendra intéressante pour d’autres acteurs qui pourront s’en servir pour préconiser telle ou telle solution, ou comportement, à chaque client en particulier, en fonction de son profil de consommation, de ses habitudes, de son positionnement par rapport à la moyenne des consommateurs présentant un profil similaire, etc.”

Loïc Bar: “Le consommateur consent souvent des investissements excessifs par rapport à ses besoins réels.”

Et, dans ce registre, Loïc Bar ne pense pas uniquement (ou pas en premier lieu) aux fournisseurs d’énergie dont les motivations seront toujours guidées par la volonté de faire consommer davantage, quoi qu’on en dise. Loïc Bar pense plutôt à des partenaires tiers du genre fabricants d’équipements ménagers, de systèmes d’éclairage etc.

Fort des données collectées et de l’analyse préalable qu’en aura fait The Smart Company, ces sociétés pourront proposer- ou monnayer- un service au consommateur et seront donc prêtes à prendre en charge le coût de la solution. Ou tout au moins, le coût des communications (les données étant relayées via réseau GPRS ou autre désinence mobile).

Les modèles actuels étant voués à disparaître, estime Loïc Bar. En l’absence de réelle valeur ajoutée monnayable pour eux, cCombien de temps, en effet, les installateurs de panneaux solaires accepteront-ils de prendre à leur compte les frais de communication des données relevées? Combien de temps les fournisseurs d’énergie accepteront-ils de fournir du support gratuit alors qu’ils vendent de moins en moins d’énergie aux particuliers devenus “prosumers”?

“Dans l’état actuel des choses, je ne vois qu’un seul scénario où le consommateur final devrait nécessairement être le payeur”, estime Loïc Bar. Et ce scénario est celui d’un refus de ce consommateur de livrer et partager ses données de consommation, par exemple pour des raisons de respect de sa vie privée.

Collecteur et analyste de données

Loïc Bar: “Sur base de la multitude de données, à caractère validant, collectées par la communauté des usagers, nous pourrons classer et priorétiser les changements de comportements. L’intelligence collective remplacera l’expert en énergie.”

Quel rôle se voit jouer, demain, The Smart Company? Concepteur de logiciels, intégrateur de solution, prestataire de services, collecteur de donnée, analystes de données? “Nous sommes, d’ores et déjà, plus dans l’analyse que dans la collecte. Collecter des données, à grande échelle, comme le suppose la relève d’index de consommations, implique de stocker ces données, de gérer un volume de stockage allant grandissant, de pouvoir le faire à l’échelle internationale, si on veut dépasser les limites étroites de notre territoire. C’est difficilement tenable. Par contre, l’analyse de données présente une importante valeur ajoutée.”

Surtout si, comme c’est son intention, la société ne se limite pas aux seules données “remontées” par sa solution. “Pour viser une extension globale, il faut nécessairement s’ouvrir à d’autres données, en ce compris celles de concurrents. Tels Electrabel. Nous allons ouvrir notre plate-forme à d’autres pays, via des interfaces de communication avec d’autres systèmes- hollandais, allemands…” Des partenariats seront développés avec d’autres acteurs, notamment des producteurs d’onduleurs, des fournisseurs d’énergie, des agrégateurs… Ces derniers sont, en l’occurrence, les gestionnaires de réseaux de compteurs qui réceptionnent donc les données de consommation de leur réseau et les revendent à d’autres intervenants (gestionnaires de réseau d’énergie, fournisseurs…).

La vraie intelligence…

La solution EnergyImpact n’est qu’un premier pas vers l’offre de solutions plus “intelligentes”. Elles passeront par le développement d’algorithmes aptes à analyser non seulement le comportement des utilisateurs mais aussi la “signature” de chaque équipement. C’est ce à quoi s’attelle une équipe de l’ULB.

Objectif: autoriser une identification précise de la nature de chaque consommation (identification de chaque appareil, du modèle utilisé…) et, dans la foulée, permettre la création d’outils de diagnostic d’équipement et de comportement de consommation. Objectif final: optimiser les consommations, mais cette fois au bénéfice du consommateur et non pas uniquement des distributeurs ou gestionnaires de réseau, comme c’est essentiellement le cas avec les “smart meters”.

Ces outils plus précis auraient une autre utilité, bien réelle. A savoir: rationaliser les investissements que consentent les particuliers (notamment) dans des installations de production d’énergie. “Bien souvent, les panneaux solaires sont installés avant même que le particulier n’ait réalisé un audit de son habitation”, relève Loïc Bar. “Résultat: il consent souvent des investissements excessifs par rapport à ses besoins réels.” Alors même que l’intention éventuelle de revendre l’énergie excédentaire n’a pas, elle non plus, été objectivée ou n’est pas réaliste ou réalisable à court terme, compte tenu de l’état des infrastructures, ou des avantages fiscaux à la pérennité aléatoire.

A terme, ces outils de collecte et d’interprétation “fine” des données (et des équipements et comportements sous-jacents) devraient permettre d’exploiter le filon de l’“intelligence collective”. Plus grande sera la communauté des utilisateurs, plus vaste sera la masse des informations collectées, plus précises seront les interprétations des données par rapport aux profils concernés. “Il sera dès lors possible de mettre en rapport un fait ou une action X avec un impact Y. Du genre: dites-nous quand vous avez changé de lampe, quel modèle vous avez placé et nous vous dirons quel en est l’impact. Sur base de la multitude de données, à caractère validant, nous pourrons classer et priorétiser les changements de comportements. L’intelligence collective remplacera l’expert en énergie.”

Pour concrétiser ce projet, des éléments essentiels doivent encore être développés: de nouveaux algorithmes (même si les développements sont déjà bien avancés en la matière), une plate-forme de collecte d’idées, et un mécanisme (en partie algorithmique) transformant ces idées en actions. Histoire de pouvoir analyser l’information à la lumière d’un événement ou d’une date marquant un changement de comportement ou d’équipement, par exemple.

La définition de ces algorithmes discriminants sera essentielle, ne serait-ce que pour permettre à un même dispositif de collecte de données d’identifier avec une précision extrême chaque source de consommation d’énergie. Pour l’heure, en l’absence d’algorithmes suffisants, il faut encore installer un compteur par segment à surveiller (salon, chaufferie, couloir…)

EnergyImpact

La solution EnergyImpact consiste en deux volets. Une partie est destinée aux particuliers et leur permet d’effectuer le suivi de leur production solaire et de leur consommation. S’y ajoutent des “trucs et astuces” de consommation et une gestion d’alertes.

Les mêmes fonctions se retrouvent dans la partie destinée aux professionnels (installateurs de panneaux solaires), auxquelles vient s’ajouter un potentiel de génération de rapports.

Disponible depuis le début 2012, la solution connaîtra quelques améliorations et aménagements à court terme. “L’évolution la plus sensible se manifestera dans la partie proposée aux clients finaux. Pour rendre l’information plus palpable, plus directement significative, un partenariat nous permettra de comparer les kWh produits ou consommés à ce que cette empreinte représente pour la planète”, déclare Loïc Bar. Quoi de plus éloquent et motivant pour un “prosumer” (producteur/consommateur) que de savoir ce que son empreinte représente comme arbres sacrifiés ou sauvés par an? Ou comme deniers thésaurisés ou dilapidés?

Autre évolution: les “trucs et astuces”. Ils sont, pour l’instant, imaginés et décrits par l’équipe de la société. Demain, dès que le nombre de membres actifs de la communauté d’utilisateurs sera suffisant, c’est cette dernière qui alimentera la boîte à astuces. The Smart Company, pour sa part, exploitera cette manne en mode “intelligence collective” pour établir des scénarios de bonne utilisation, des liens entre conseils et actions pratiques, et valider le degré d’efficacité d’un conseil par rapport au profil (ou, plus exactement, aux multiples profils) de la communauté.