Etude ULB: les écueils et mirages du ‘smart metering’

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Par · 26/06/2012

Deux chercheurs de l’ULB- Grégoire Wallenborn, du Centre d’étude du développement durable, et Frédéric Klopfert, du BEAMS-Energy (département Bio-, Electro- And Mechanical Systems), ont rédigé un rapport sur l’utilité réelle qu’ont ou auront demain les compteurs, dits intelligents, pour les consommateurs. Leur étude – “Empowering consumers through smart metering” – se penche à la fois sur les fausses promesses que l’ont fait parfois valoir aujourd’hui aux consommateurs, sur la divergence d’intérêts qui sépare ces derniers des fournisseurs et distributeurs et sur les méthodes de déploiement à envisager pour tenter de respecter, voire de dépasser, les objectifs 20-20-20 fixés par l’Europe. Dans leur étude, ils s’interrogent également sur la pérennité des stratégies au-delà de 2020 et sur les risques de “lock-in” (asservissement) technologique.

D’emblée, les deux chercheurs renvoient à leurs études et à leurs démonstrations ceux qui prétendent que l’installation de compteurs intelligents suffirait à réduire potentiellement de 15% la consommation énergétique des ménages. En cause (notamment), selon eux, une confusion (sciemment entretenue?) entre “compteurs communicants” – “qui ne font que transmettre des données aux distributeurs et fournisseurs” – et des systèmes plus élaborés d’affichage de consommation installés dans les pièces à vivre. Cette critique d’ailleurs n’est pas neuve et a déjà été maintes fois émise à diverses sources: la réduction de consommation exigera l’implication active, consciente et quotidienne du consommateur, à qui il faudra donc proposer un système simple et efficace, à interface conviviale et, plus encore, “incitative”, qui le pousse à agir, en quasi temps réel, sur sa consommation.

Les 15% (maximum) de réduction annoncée à la faveur de l’installation de compteurs intelligents (pardon! communicants) qui remplaceraient “bêtement” les compteurs actuels dans les soubassements des maisons et immeubles, ce 15% serait donc un simple mirage. “Une analyse de plusieurs études scientifiques récentes montre que les économies d’énergie s’élèvent seulement à 2 ou 4%, dans le meilleur des cas”, soulignent les deux chercheurs de l’ULB. Et sont en général “à court terme”. Autrement dit, potentiellement l’effet des expériences-pilote, par définition limitées dans le temps. Reste à faire la démonstration de la durabilité de l’effet…

“Activer” le consommateur

Grégoire Wallenborn et Frédéric Klopfert plaident en outre pour une implication active des consommateurs dans le processus-même de développement de ces futurs compteurs intelligents. Histoire de valider et de faire adopter plus aisément les interfaces imaginées. “Les compteurs ne deviendront véritablement intelligents que lorsque les consommateurs les utiliseront de manière intelligente.” La Palice n’aurait pas été plus clair. “Ils devraient donc participer activement à la création et à la définition des fonctions, des usages et des implications avant que des considérations d’ordre technico-économiques ne définissent et ne normalisent ces nouveaux objets.”

Les deux chercheurs recommandent en outre de procéder à des déploiements progressifs de compteurs “conformément au rythme de la demande”. Ils préconisent en outre des compteurs modulaires: “La modularité des compteurs devrait autoriser un déploiement progressif de leurs fonctions et usages. Les consommateurs devraient pouvoir choisir différentes versions et devraient être capables de choisir – et de payer – les services qu’ils veulent.” Le risque, soulignent-ils, est d’en arriver à une situation où les consommateurs devraient payer pour des équipements et des services dont ils n’ont pas besoin. Ce qui tuerait dans l’oeuf, évidemment, le moindre semblant de motivation.

“L’agenda et la démarche des consommateurs sont variés. Ce qui contraste avec le modèle centralisé de production de l’électricité et de collecte des données personnelles. Nous suggérons dès lors que les “données intelligentes” et l’usage qui en est fait soient développés selon un modèle similaire au mouvement open source. Les consommateurs doivent avoir accès à leurs propres données de consommation, passées ou présentes, et ce, à titre gratuit. De même, le transfert de leurs données vers d’autres intervenants et acteurs requiert leur consentement préalable.”