Manifeste des PME: promouvoir l’initiative, la réussite et l’innovation

Hors-cadre
Par · 01/02/2016

Vendredi, le “Conseil des PME” remettait officiellement le fruit de ses travaux, sous forme de “manifeste”, au ministre de l’Economie Jean-Claude Marcourt.

Pendant plusieurs mois, divers groupes de travail ont identifié des mesures qui permettraient de renforcer le tissu économique wallon, constitué à 99% de PME (soit 80% des emplois en entreprises et 18% du PIB). Voir en fin de texte, pour plus de détails, la méthodologie de travail suivie.

Objectif des travaux et des mesures identifiées: favoriser la santé et la croissance des PME, les remettre sur la voie de l’innovation, alléger les contraintes administratives et opérationnelles qui pèsent sur elles… Et ce, quel que soit leur secteur d’activités. IT et numérique compris, bien évidemment.

Le numérique présent au Conseil des PME

A lire par ailleurs notre interview de Gilles Bazelaire (Dogstudio) sur ce qu’il a retiré de sa participation au Conseil des PME.

Les travaux des groupes de travail ont donné pour résultat une liste de quelque 150 recommandations ou mesures souhaitées. Celles-ci ont ensuite été analysées par un Conseil des PME, où siégeaient à la fois des entreprises, des organismes tels l’UWE et l’UCM ainsi que des représentants d’acteurs publics (l’Agence pour l’Entreprise et l’Innovation, la Sowalfin…).

Parmi les membres de ce Conseil des PME, deux représentants du secteur ICT: Lorenzo Bassani, patron d’IT-Optics, et Gilles Bazelaire, fondateur et directeur de DogStudio.

Pierre Rion, président du Conseil du Numérique: “8 ou 9 mesures contenues dans le Manifeste des PME se retrouvent également dans le Plan du Numérique. Nous allons dès lors déterminer comment surveiller leur mise en oeuvre, notamment pour éviter de refaire deux fois la même chose…”

Autre preuve que le numérique et l’ICT apparaissaient non seulement comme axe constituant du monde local des PME mais aussi, de manière plus intrinsèque, comme outil de progrès et de redynamisation, Pierre Rion avait été invité à participer aux derniers travaux du Conseil des PME, en sa qualité de président du Conseil du Numérique.

Présence appuyée par le ministre Jean-Claude Marcourt “afin d’assurer une cohérence entre les mesures prises dans les divers axes d’actions” [lisez Plan PME et Plan du Nymérique]. Son espoir est aussi que le Conseil du Numérique soit associé à la mise en oeuvre des mesures PME recommandées.

Et parmi les quelque 50 mesures que le Conseil des PME invite le gouvernement à prendre en compte et à appliquer, il se trouve un certain nombre d’axes, de mesures et d’initiatives qui touchent à la transformation numérique et à la simplification administrative. Parmi ces 50 mesures, un peu moins d’une dizaine sont d’ailleurs très similaires à celles imaginées par le Conseil du Numérique et approuvée telles quelles par le Plan numérique du gouvernement.

50 mesures, 5 “engagements”

Les voyants verts côté PME wallonnes…
  • nombre de PME en progression
  • taux de croissance supérieur à la moyenne belge
  • taux de survie en amélioration
  • création d’emplois dans les services hi-tech à forte intensité de connaissance: + 4,8% entre 2008 et 2012, “taux supérieur ou égal à la plupart des pays de l’Europe de 15”
… et voyants rouges

Mais “des problèmes structurels subsistent en comparaison d’autres pays ou régions”, soulignait Yves Noël, président du Conseil des PME lors de son exposé. “La taille des PME wallonnes demeure trop faible, le taux de disparition encore trop important même s’il est en recul, et la valeur ajoutée par employé trop faible.”

Autre chiffre décevant: diminution de la R&D et de l’innovation – technologique ou non – dans les dépenses globales des PME (moins de 250 employés), surtout dans les secteurs traditionnels (la moyenne est passée de 40% au milieu des années 2000 à… 29% en 2011).

L’objectif global que doivent permettre de concrétiser les 50 mesures est de “ramener la Wallonie au niveau de la moyenne nationale ou flamande”. En nombre moyen d’emplois par PME, l’ambition est de rattraper la moyenne nationale (9,2 en 2013 alors que la moyenne belge est de 11). Côté création de PME, le but est de faire aussi bien que la Flandre d’ici 10 ans. Or, entre 2000 et 2014, la progression a été de 2,7% en Wallonie contre 3,2% en Flandre.

Si cette remise à niveau s’opère au cours des 10 prochaines années, cela équivaudra à créer 3.000 sociétés supplémentaires et 125.000 emplois (115.000 via accroissement du nombre d’emplois auprès de PME existantes et 10.000 du côté des nouvelles sociétés).

Les recommandations émises par le Conseil des PME s’articulent en 5 “engagements emblématiques”, déclinés en axes d’actions et mesures concrètes.

  • engagement # 1 : permettre d’entreprendre à tout âge – Mesures-clé: accompagner les initiatives entrepreneuriales, dès le plus jeune âge, tout au long de la vie professionnelle ; créer un statut spécifique pour entrepreneur “afin de donner à tous les profils l’opportunité de tester et/ou lancer un projet” ; assurer un suivi rapproché d’un porteur de projet ou jeune créateur d’entreprise par un entrepreneur chevronné ; mise en place du statut d’étudiant-entrepreneur (une mesure déjà lancée par le gouvernement via la promotion d’incubateurs d’étudiants au sein des universités) ; faciliter l’accès au crowdfunding et mobiliser l’épargne privée
  • engagement # 2 : faire davantage confiance – Mesure-clé: généraliser le principe de confiance, en postulant que l’entrepreneur est de bonne foi et en le dispensant de produire systématiquement des pièces probantes ou attestations lors de toute introduction de demande
  • engagement # 3 : encourager la prise de risque – Mesure-clé: renforcer les outils de soutien aux sociétés en difficultés ; stimuler la création et la croissance des spin-offs ; autoriser les “secondes chances” en cas d’échec ”qui ne doit pas être sanctionné mais être vu comme une base d’expérience et de progrès” Dixit Yves Noël.
  • engagement # 4 : mettre l’administration au service de l’entreprise – Mesures-clé: simplification des procédures et structures publiques ; généralisation du principe du “only once” (réutilisation et partage de données déjà collectées ; développement d’un guichet numérique unique multi-canal donnant accès à l’ensemble des aides économiques wallonnes” ; réorganiser le fonctionnement du SPW et des structures d’accompagnement autour d’une “approche usager”
  • engagement # 5 : promouvoir la réussite – Mesures-clé: favoriser la croissance des “champions” (entreprises ou projets) par un accompagnement “intensif” ; accentuation du soutien à l’exportation et à l’internationalisation ; renforcer l’offre de veille et le positionnement de la marque “Wallonia.be”.

La liste complète des 50 mesures peut être consultée à partir de ce lundi 1er février sur le site du Parlement des PME.

Encadrer plus, asticoter moins

Comment le “principe de confiance” et l“accompagnement intensif” des “champions” devraient-ils être organisés aux yeux du Conseil des PME?

En termes d’accompagnement, les consultants de Roland Berger relèvent par exemple qu’“il existe de nombreux acteurs publics qui soutiennent et entourent les PME mais de manière encore assez isolée, avec trop peu d’interaction entre eux. Il faut mettre en oeuvre un accompagnement plus intensif et transversal, via un programme global multidisciplinaire qui englobe des paramètres tels que la santé financière de la PME, la qualité de son équipe, les possibilités de subsides et de financement…”

Yves Noël: “Le Conseil des PME est un premier exemple d’une nouvelle culture de confiance entre patrons et administration. Réunis autour d’une même table, entreprises, monde de l’enseignement et représentants des acteurs publics ont pu discuter et envisager ensemble des mesures, leur faisabilité, en ce compris en termes financiers, en vue de la prise de décisions politiques, de décrets. Cela a permis de prendre en compte la réalité de tous. C’est là un réel changement culturel.”

Côté principe de confiance, ils citent en exemple l’allègement des contraintes imposées aux sociétés qui répondent à des appels d’offre publics. “Actuellement, tous les candidats doivent remettre de nombreux documents probants (ONSS etc.). Une des mesures préconisées vise à systématiser le principe de la déclaration sur l’honneur comme quoi l’entreprise est en ordre. Seule celle qui décrocherait le marché devrait ensuite apporter la preuve de sa bonne foi…”

Quelle suite sera donnée aux travaux?

Les décisions en termes de prise de mesures relèvent désormais du gouvernement. Lors de la présentation du Manifeste, le ministre Marcourt a indiqué que le Conseil des Ministres allait se pencher sur l’incorporation des mesures sélectionnées dans les textes adéquats. “Ma volonté est qu’un maximum de mesures du Manifeste soient transposées dans la réalité. L’ambition finale, en effet, est de faire croître l’emploi…”

Yves Noël: “Un Conseil des PME, réduit aux seules PME [sans représentants publics], va se réunir pour décider de la manière d’assurer la surveillance des mesures”Le Manifeste des PME sera par ailleurs transmis au ministre fédéral en charge des PME (le MR Willy Borsu) afin que les recommandations ayant trait à des compétences ne relevant pas de la Région puissent être évaluées et éventuellement adoptées.

Par ailleurs, y aura-t-il, comme ce sera le cas pour le Plan du Numérique, un suivi, une surveillance des mises en application par le Conseil des PME?

Aucune décision ou méthode n’a encore été définie. Mais l’intention est bel et bien d’assurer un suivi de l’implémentation. “Un Conseil des PME, réduit aux seules PME [sans représentants publics] va se réunir pour décider de la manière d’assurer la surveillance des mesures”, indique Yves Noël.

“Nous allons au préalable récolter l’avis d’entrepreneurs pour voir comment ils perçoivent, à leur niveau, l’application des mesures ou encore la nécessité de certaines adaptations en fonction de leur secteur d’activité et environnement économique.”

Le portail “Parlement des PME” devrait en outre être maintenu, afin de permettre la récolte des suggestions.

Par ailleurs, le Manifeste est présenté comme un document “qui doit demeurer pertinent dans la durée” et, dès lors, s’adapter au fil du temps en fonction des “évolutions socio-économiques, législatives et technologiques.” A charge également du Comité de suivi de challenger régulièrement les acteurs publics “pour déterminer si les recommandations ont été mises en oeuvre et pour mesurer les résultats qui en découlent.”

La méthodologie

Les similitudes sont nombreuses entre la manière dont la réflexion, avec les acteurs de terrain, a été engagée pour dégager des mesures et initiatives au service des PME et au service du numérique.

A commencer par le consultant, Roland Berger. Les travaux, de part et d’autre, ont par ailleurs fait intervenir des groupes de travail, composés d’acteurs de terrain, avant de passer la main à un Conseil, chargé de remettre un document final au ministre Marcourt. En parallèle, une plate-forme “participative” a été ouverte en ligne pour recueillir d’autres avis et doléances. Le “Printemps du Numérique”, d’une part; le “Parlement des PME”, de l’autre.

Pour ce qui est du Conseil des PME, présidé par Yves Noël, patron de NMC, il avait la particularité d’être composé à la fois des entreprises, des organismes les représentant ou fédérant (UWE, UCM), et d’un certain nombre de représentants des acteurs publics (AEI, Sowalfin, Awex…). La sélection des membres, cette fois, fut l’oeuvre d’Yves Noël.

Les travaux préparatoires ont été effectués en amont par 5 groupes de réflexion, organisés selon les 5 axes préalablement choisies. A savoir: entrepreneuriat, financement, internationalisation, innovation, et simplification administrative. Chaque groupe comportait de 28 à 35 entreprises, pré-sélectionnées par Roland Berger, en concertation avec l’UCM et l’UWE.

Leurs 150 propositions ont été décantées par le Conseil qui les “a regroupées, en a éliminé certaines mais aussi ajouté d’autres, en redonnant plus d’importance à des mesures déjà existantes”, explique Yves Noël.

Le document final du Conseil des PME (50 mesures) est désormais entre les mains du gouvernement, pour décision et priorétisation. [ Retour au texte ]