Quel (Très) Haut Débit pour la Wallonie?

Hors-cadre
Par · 24/09/2015

Installer le Très Haut Débit (THD) “partout en Wallonie” est non seulement une gageure mais un “sacré morceau” et un chantier aussi vaste qu’onéreux.

C’est pourtant le rêve d’une “Giga-Région” et un objectif pour lequel militent les auteurs du rapport remis au Ministre Marcourt dans la perspective de la sortie de son Plan du Numérique.

Découvrez, dans la suite de cette article réservée à nos abonnés Select et Premium, ce qui est envisagé en termes de zones prioritaires, de structure de coordination, de secteurs auxquels donner la priorité pour le déploiement…

“Si les connexions fixes à 30 Mbps sont acceptables pour les usages actuels”, rappelle le rapport du Conseil du Numérique, “celles-ci ne seront pas suffisantes pour faire face à la profonde évolution des modes de consommation en ligne, aussi bien sur le front des entreprises que sur celui des citoyens ou même des objets connectés.” Tout retard – prolongé – de la Wallonie en termes de couverture (très) haut débit serait “préjudiciable au développement de nouvelles opportunités de croissance pour nos entreprises et de services pour nos citoyens.”

Les besoins, certes, seront variables mais il faut, dès à présent, envisager non seulement le très haut débit (THD), via tous supports possibles et imaginables (fibre optique, câble, 4 et 5G) mais aussi l’ultra haut débit pour quelques zones, acteurs et/ou secteurs prioritaires. L’audiovisuel, par exemple, est présenté comme consommateur potentiel (et avide) de débits 10 Gbps. Il n’est pas le seul. D’autres secteurs et types d’usages, eux aussi, sont déjà et seront de plus en plus demandeurs. Tels l’e-santé, les réseaux d’énergie “intelligents”, la recherche, les transferts de données en environnement industriel…

Objectif: “développer l’intensité numérique des entreprises et des citoyens.”

Le slogan est donc au THD et à la transformation de la Wallonie en “giga-région”. Mais, comme il faut bien commencer quelque part, priorité est donnée (dans le texte du rapport du Conseil) aux écoles, aux EPN (espaces publics numériques) et aux parcs d’activité économique.

Il est également question dans le rapport du Conseil du Numérique de “zones prioritaires” dotées de l’ultra-haut débit. Ce sont les “giga-quartiers”, destinés à faire office de précurseurs et de “labos vivants” auxquels faisait allusion Benoît Hucq lors de l’interview qu’il nous avait accordée cet été. 

Un pilote pour le THD

Pour veiller et piloter le déploiement du THD, le Conseil du Numérique recommande de mettre en place une “structure de coordination ad hoc composée des opérateurs de télécommunications (B2B et B2C), des représentants des services publics concernés et du pouvoir politique.”

Son rôle: assurer une équité dans la couverture du territoire, définir les objectifs à atteindre (notamment en termes de débits), identifier des projets-pilote (en privilégiant les axes-clé du Plan: enseignement, e-santé, smart cities…), ou encore “soutenir la création d’un écosystème industriel et entrepreneurial autour du THD.” Il est également question d’instaurer un “guichet unique pour une gestion centralisée des demandes de déploiement d’infrastructures fixes et mobiles.”

Autres conseils basico-basiques pour mettre la mécanique en marche?

  • mutualiser les moyens, surtout là où la rentabilité des déploiements pose problème
  • “libérer les entraves au THD, qu’elles soient d’ordre fiscal [Ndlr: l’abolition de la fameuse taxe Pylônes en est un exemple], réglementaire, administratif ou politique, […] et ne pas en créer de nouvelles”
  • “concentrer l’action publique sur la couverture des “zones blanches” [mal ou carrément non desservies par les opérateurs mobiles] afin de placer tous les citoyens au cœur de la révolution et des enjeux du THD”.

La couverture en 4G par les divers opérateurs mobiles actifs en Belgique illustre parfaitement le désavantage de la Wallonie (source de l’illustration: IBPT)

Des paroles et des actes

S’il y aura des priorités dans l’agenda de déploiement, l’un des facteurs de succès, identifié comme tel lors des travaux préparatoires (Assises, Conseil), est la “visibilité” qui sera donnée aux potentiels que procure le THD. Voilà pourquoi, on retrouve dans les documents de travail des notions de “labos de démonstration”, de “démonstrateurs”, d’“ambassadeurs GigaRégion”, de hackathons, d’effort à fournir pour la mise à disposition du WiFi urbain dans les transports publics… Autrement dit, convaincre, motiver et inspirer par l’exemple.

C’est à cela aussi que devraient servir les “Giga-Quartiers” (un quartier pouvant tout aussi bien être un quartier tel qu’on l’entend habituellement qu’une zone, voire une municipalité entière). Ces lieux hyper-connectés en (ultra) haut débit qui serviront de pôles d’expérimentation et de démonstration, ou encore de vitrines et labos vivants d’applications et services très en pointe. Avec éventuellement des accélérateurs dédiés au développement d’applications de pointe qui seraient mises à disposition, selon le concept de la mutualisation.

L’un des modèles de référence qui ont été cités lors des travaux des groupes thématiques (Assises) est la ville américaine de Chattanooga (Tennessee). Une ville qui a déployé un réseau en fibre optique gigabit (FTTP- fiber to the premises) sur l’ensemble de son territoire (environ 1.500 km2), au service de tous les citoyens (170.000 personnes). A consulter, le site du Chattanooga “Gig”. La ville s’est d’ailleurs rebaptisée “The Gig City”. Mais une ville qui en fait aussi une carte de visite et un atout pour son développement et son attractivité. En ce compris via une initiative telle que le GigTank, un programme d’accélération de start-ups se focalisant sur le développement d’applications professionnelles à ultra haut débit.

Le Très Haut Débit pour les écoles

Dans le cas des écoles, plus encore que dans d’autres, la question du coût d’équipement (en l’occurrence, d’aménagement des connexions THD) se posera avec acuité. Parmi les recommandations du Conseil? La recherche de mécanismes facilitant les démarches et la conclusion de contrats-cadre avec les opérateurs, avec ainsi la possibilité pour chaque école d’“y faire appel, à un prix compétitif, pour des solutions adaptées à ses besoins.”

Côté infrastructures, le rapport cite celles de Belnet et de la Sofico (fibre optique) comme réseaux activables pour la mise à disposition de la bande passante. “Chaque fois que cela sera possible et en principe pour toutes les implantations de plus de 400 élèves, [il faudra donner la] priorité à la fibre optique.”

Les contrats-cadre recommandés avec les opérateurs devraient être renégociés “tous les 12 ou 18 mois” afin d’aligner le mieux possible besoins, technologies et services, et leurs évolutions respectives. Les connexions Internet, en tout cas, devraient être financées par les écoles elles-mêmes, la Région pouvant davantage intervenir pour le financement des réseaux sans-fil à l’intérieur des établissements.

Le Très Haut Débit est jugé d’autant plus nécessaire et indispensable que la tendance est à une multiplication des ressources pédagogiques en-ligne: ENT (espaces numériques de travail), LMS (learning management systems), sites Web, blogs, environnements bureautiques, services d’annuaire… proposés en mode services hébergés (cloud). Une tendance que veut également encourager la Région.

Le Très Haut Débit pour les zonings et parcs d’activités

Le rapport du Conseil du Numérique recommande un renforcement, une stabilisation financière et statutaire et une extension des tâches des EPN: “Les EPN pourraient jouer le rôle de lieux de formation citoyens en lien avec des politiques aussi que de lieux-relais pour l’acculturation numérique des mandataires publics, des travailleurs sociaux, des commerçants locaux.”

Au même titre que les écoles et les EPN (espaces publics numériques – voir encadré ci-contre), les parcs d’activité sont considérés comme prioritaires pour le déploiement du THD. Leur équipement doit donc se poursuivre (le total est de 280 zonings).

Il faudra, selon le rapport du Conseil du Numérique, “systématiser les conditions d’un déploiement rapide du THD à l’intérieur des zonings, avec l’aide des intercommunales” et “concentrer les budgets sur le raccordement direct au THD pour des zonings prioritaires”. Sans oublier de promouvoir et valoriser les usages THD, pour obtenir un effet d’exemples et, partant, accélérer le phénomène de masse critique qui porte en lui les promesses d’une réduction des coûts.

L’agenda préconisé? Démarrer dès 2016, “monter en puissance en 2018-2020” pour arriver à un “plein régime” à l’été 2020. Lors des travaux des groupes thématiques des Assises du Numérique, la date-butoir de 2018 avait été évoquée pour terminer le raccordement de tous les zonings au THD, avec, dans les deux années qui suivent, une généralisation du déploiement THD au sein-même des zonings.