PME wallonnes: des pratiques de développement logiciel à améliorer

Pratique
Par · 06/07/2015

Le CETIC vient de dresser – un exercice qui se poursuivra d’ailleurs – un “baromètre” des pratiques logicielles au sein des PME francophones.

Pendant deux mois (voir en fin d’article la méthodologie suivie), le CETIC a récolté les réponses des PME wallonnes sur la manière dont elles conduisent leurs projets de développement logiciel et de gestion de projet (logiciel). Quelles sont leurs pratiques en la matière? Quels processus de contrôle de qualité sont-ils déployés? Quels sont les principales causes d’insatisfaction (côté équipes de développement et côté clients)? Quelles sont les principales problématiques rencontrées? Peut-on dégager des corrélations avec la taille de la société, son secteur d’activités, la durée du projet…?

Objectif: poser un diagnostic sur la gestion de ces projets, identifier les carences, pointer les méthodes inadaptées et pouvoir proposer des éléments de correction et d’amélioration afin d’améliorer les pratiques de développement logiciel.

A noter d’emblée que si les premiers résultats ont été analysés, l’enquête se poursuit (vous pouvez y participer via ce site) afin d’étoffer la base exploitable et dégager ainsi des tendances plus pertinentes et exploitables.

Plus les réponses au questionnaire seront nombreuses, mieux le CETIC pourra effectuer un petit travail de benchmarking, permettant à chaque société de se comparer objectivement aux autres.

Quelques constats

Agiles, les développements?

La majorité des PME participantes (34 sur 36) disent pratiquer les méthodes agiles, avec près de la moitié d’entre elles qui sont des adeptes de Scrum (plus rares sont celles qui pratiquent l’Extreme Programming). Souvent toutefois, la manière dont ces méthodes agiles sont utilisées est loin d’être systématique.

Les méthodes itératives se retrouvent chez 8 des 36 répondants. 11 disent ne pas disposer de méthode décrite (autrement dit, consignée, documentée).

Qui veille à la qualité et à l’amélioration des processus?

14% des PME disent ne pas dédier une personne à l’amélioration des processus. Ce qui semble logique, compte tenu de la proportion importante de petites PME voire de TPE dans l’échantillon.

Plus étonnant, 14% des PME wallonnes interrogées disent affecter “plus de 5 personnes” à l’amélioration des processus. Il ne s’agit fort probablement pas de personnes spécifiquement dédiées à cette tâche mais sans doute davantage des personnes à qui il est demandé d’accorder de l’attention à cet aspect des choses. Les auteurs de l’enquête craignent en tout cas que la question ait été mal comprise ou, autre scénario, que les PME soient un peu trop confiantes dans leur aptitude à procéder à de l’amélioration constante.

Durée des projets?

La majorité des projets de développement sont de relativement courte durée: 58% d’entre eux s’étaleraient sur une période allant de un à six mois.

17% durent plus de 6 mois mais moins d’un an. 11% sont exécutés en moins d’un mois. Il en reste toutefois 14% qui durent plus d’un an.

Quelles sont les principales problématiques rencontrées?

Pas de grande surprise ici. On retrouve en tête de classement des causes (hyper-)classiques. A savoir: dépassement de délais et de budget. Et entre le “toujours”, le souvent” et le “parfois”, l’aiguille a tendance à se fixer sur le “souvent” (de 31 à 47%).

Autre problème qui se glisse dans le top 3: l’inefficacité des tâches. Un signalement qui est à la fois une bonne et une mauvaise chose. Mauvaise parce qu’il s’agit évidemment d’un (gros) problème. Bonne parce qu’au moins, les sociétés en sont conscientes…

La catégorie de PME qui signale le plus fréquemment ces problèmes est celle des entreprises employant moins de 10 personnes. Les PME de petite taille (moins de 10 personnes) sont 5 fois plus nombreuses (25% contre 5,5%) à connaître des problèmes de dépassement de budget que les grandes PME (plus de 50 personnes). L’inégalité est quasi aussi sévère au rayon dépassement de délais: 30,5% contre 8,3%.

“C’est sans doute logique et naturel”, estime Annick Majchrowski, gestionnaire de projets au CETIC, “dans la mesure où il s’agit de petites sociétés, dont l’équipe est peu étoffée, et qui n’ont donc guère de recours en termes de ressources humaines en cas de survenance d’un problème.”

Peut-on dégager des tendances ou des corrélations entre les difficultés rencontrées et le secteur d’activités?

En rappelant une fois encore que l’échantillon est modeste et donc statistiquement peu représentatif, il semble toutefois que les secteurs public, financier et celui de la fabrication soient — ou se disent — moins concernés par le trio de problématiques classiques cité ci-dessus. Ce qui ne veut pas dire, bien entendu, qu’ils y échappent totalement. Mais les problèmes sont clairement perçus comme plus sensibles dans des secteurs tels l’ICT ou la santé. Ce dernier, par exemple, avoue des dépassements de budget et de délais dans 22% des cas, alors que le secteur financier ne subirait de dépassement de coûts que dans 9% des cas et de dépassement de délais dans 12% des cas.

Pourquoi ces différences? Annick Majchrowski dit ne pas avoir d’explication à donner à ce phénomène.

L’impact de la durée?

Confirmation d’une chose qui a déjà été maintes fois documentée: “plus la durée d’un projet est longue, plus les problèmes sont sévères, notamment pour cause de prise de risque plus importante.” Logique, souligne Annick Majchrowski: “un projet court ou de faible ampleur est davantage maîtrisable.” Le différentiel entre un projet de moins d’un mois et un autre de plus d’un an est quasiment de 1 à 4. Entre un projet de maximum 6 mois et un autre de plus d’un an, le degré de sévérité du problème passe du simple au double.

Par contre — et il y a là quelque chose d’étonnant —, la taille de l’équipe “qualité” ne semble pas avoir d’influence. Mais est-ce vraiment étonnant? Peut-être pas. En effet, comme signalé ci-dessus, il y a peut-être eu une mauvaise interprétation de la question concernant les personnes affectées à l’amélioration des processus et à la gestion de qualité. Autrement dit, les sociétés qui disent y affecter plus de 5 personnes ne le font fort probablement pas en réalité. Leur rôle n’étant pas celui que l’on croit, il est logique que le fait d’être théoriquement plus nombreuses n’ait pas d’impact sur le résultat… Mais ce n’est là qu’une supposition qu’il serait utile de “creuser” davantage dans le chef des auteurs de l’étude.

Sur-confiance?

Annick Majchrowski: “Nombre de sociétés surestiment leur aptitude à bien gérer un projet de développement logiciel.”

Autre enseignement: les PME qui sont actives dans le développement logiciel se disent confiantes que leurs équipes comprennent bien les tâches assignées. Mais il n’est par contre pas sûr que ce critère corresponde à la bonne compréhension du problème à résoudre au bénéfice du client.

D’autres réponses jettent d’ailleurs une ombre de doute sur la validité de cette confiance affichée.

Ainsi, 57% des PME participantes avouent un “taux élevé d’erreurs parfois signalé par le client” en cours de développement. La description des besoins ou exigences du client est aussi une grosse épine dans le pied des sociétés (voir plus loin).

Quels conseils donner?

Sur base des premiers résultats de son enquête, le CETIC a formulé et proposé un certain nombre de recommandations. Compte tenu du “hit parade” des problèmes rencontrés, le centre d’expertise conseille ainsi aux PME locales de:

  • procéder à une (meilleure) description des exigences client – même si 75% des PME participantes disent déjà le faire
  • documenter l’état d’avancement du projet en cours d’exécution
  • contrôler régulièrement l’évolution du projet par rapport au planning
  • établir un plan de projet.

Le problème le plus criant semble être la description des exigences client. La majorité dit le faire mais l’efficacité et la pertinence ne sont pas pour autant forcément au rendez-vous. En cause, un manque de profils et de compétences d’analyste. Souvent, cette tâche est souvent assumée par une personne qui a une autre fonction, un autre profil. Un développeur, par exemple. Ce qui est loin d’être optimal pour la compréhension des choses à réaliser.

Ne jamais croire que les deux parties se comprennent naturellement…

La difficulté à bien définir les besoins du client peut également expliquer, dans une certaine mesure, les dépassements de délais et de budget. A force de mal comprendre, il faut remettre sur le métier des tâches qu’on aurait pu finaliser plus efficacement plus tôt…

Un suivi efficace du projet est aussi un point sensible, un gros bémol à résoudre. “Sans doute, pour partie, par manque de coordination au sein d’une équipe qui est éclatée. Ou parce que le chef de projet est souvent aussi le développeur et ne prend donc pas assez de recul afin de mieux gérer le déroulement et le suivi du projet, de mieux coordonner l’ensemble des intervenants”, suggère Sanae Saadaoui, chef de projet au CETIC.

“De 20 à 30% des PME ne mettant pas encore en oeuvre des pratiques de gestion de projets, cette recommandation figure en bonne place sur notre liste”, soulignent les deux collaboratrices du CETIC. “D’une manière générale, nous constatons que 50% des PME éprouvent des difficultés [en matière de développement logiciel] et ont besoin d’aide.”

Méthodologie

Quelque 400 invitations à participer à l’enquête avaient été envoyées à des PME locales. Critères pour participer: être une PME wallonne ou bruxelloise active dans le développement logiciel.

50 ont à ce jour réagi positivement à la sollicitation mais seules 36 d’entre elles ont complètement rempli le questionnaire.

Leur profil? 17% emploient plus de 50 personnes; 8% entre 25 et 50 personnes; 22% entre 10 et 25; 53% moins de 10.

Type d’activités: services logiciels: 23%; développement et vente de logiciels: 35%; développement interne de logiciels: 22%; conseil en logiciels: 14%

Ce qui donne un échantillon encore maigrichon mais qui permet néanmoins de dégager de premiers enseignements.

Autre point important à noter: l’enquête s’est déroulée sur base d’un questionnaire à remplir en-ligne, avec auto-évaluation de la part des sociétés participantes. Une certaine dose d’évaluations biaisées est donc loin d’être exclue. La chose se vérifie d’ailleurs à l’analyse des réponses, comme on le voit dans l’article.

Par ailleurs – et les deux choses sont parfois liées -, il n’est pas certain que tous les participants aient bien compris le sens de certaines questions. Petit exemple: comment expliquer que 14% des PME wallonnes interrogées disent affecter “plus de 5 personnes” à l’amélioration des processus? Il ne s’agit fort probablement pas de personnes spécifiquement dédiées à cette tâche mais sans doute davantage des personnes à qui il est demandé d’ accorder de l’attention à cet aspect des choses. Grosse nuance…  [  Retour au texte ]