Accenture: la Belgique en panne de “densité numérique”

Hors-cadre
Par · 11/03/2015

Une étude d’Accenture s’est penchée sur les gains en croissance économique et en termes de PIB qu’une meilleure pénétration du numérique pourrait représenter pour diverses économies internationales.

En Belgique, une augmentation de 10% de la “densité numérique” se traduirait, selon la société, par un gain de 0,5%, en termes de croissance annuelle, et de 10 milliards pour le PIB d’ici 2020 (+ 1,8%).

 

Qu’entend la société par “densité numérique”? Le “Digital Density Index” défini par Accenture prend en compte une cinquantaine de paramètres, parmi lesquels: le volume des transactions en ligne (transactions bancaires, déclarations fiscales, achats…), l’utilisation du cloud ou d’autres technologies d’optimisation des processus, la pénétration des compétences technologiques dans une entreprise, l’adhésion de l’économie aux nouveaux modèles commerciaux numériques…

Comme le montre le graphique ci-dessous, la Belgique ne se situe pas vraiment en tête de peloton, parmi les 17 pays scrutés par Accenture. Même si nous faisons apparemment mieux que la France et l’Italie…

Nous naviguons apparemment en-deçà de la moyenne européenne.

Points positifs toutefois: le taux d’adoption de l’IT par les entreprises (même si, on le sait via d’autres études, toutes ne sont pas égales devant le Numérique, avec un grand N) et l’accès au haut débit. Par contre, les auteurs de l’étude relèvent que les utilisateurs ne tirent pas encore suffisamment profit de cet accès: le taux d’abonnement au haut débit mobile par habitant est en effet deux fois inférieur à la moyenne européenne.

 

La FEB, avec qui Accenture présentait les résultats de son étude, n’a pas manqué d’enfoncer le clou: “Un long chemin reste à parcourir. Des études révèlent par exemple qu’à politique inchangée, nous manquerons de 30.000 experts en ICT d’ici à 2020 [Ndlr: ces chiffres viennent d’Agoria]. En 2014, 42% des dépenses en ligne des Belges se sont envolées vers l’étranger [Ndlr: source: Comeos]. Pour accroître notre densité numérique, des actions sont nécessaires à différents niveaux”. Et d’énumérer: “des connexions Internet fixes et mobiles plus rapides, des instruments plus conviviaux en matière d’identification électronique (mobile ID) et de signature électronique, un portail unique à l’intention des entreprises pour toutes les interactions électroniques avec les pouvoirs publics. ”

Des doléances déjà entendues

Sans oublier, bien évidemment – petite musique bien connue – “une organisation du travail plus souple offrant à nos entreprises les meilleures chances de réussite dans le commerce électronique.” Tiens! revoilà le discours de Comeos.

Accenture, pour sa part, y va de ses propres recommandations:

étendre la couverture numérique des ménages belges et l’accès à Internet dans les écoles

– prendre résolument le cap du commerce électronique (la part des transactions en ligne ne représente que 4% en Belgique, contre plus de 10% au Royaume-Uni)

– combler son retard dans les dépenses publicitaires en ligne

– renforcer les compétences ICT des travailleurs et développer les services ICT

– investir dans des technologies novatrices telles que le crowd sourcing

– mieux exploiter les plates-formes numériques d’accès au capital.

Un message qui – le hasard n’y est pour rien – tombe à quelques encablures de l’annonce de l’Agenda numérique fédéral.

Olivier Gillerot, directeur général d’Accenture Belux: “Pour stimuler la conversion numérique de l’économie et des entreprises, il faut pouvoir mesurer les progrès réalisés, ainsi qu’orienter les investissements et les priorités. Digital Density sert à cela, et donc à guider la transformation numérique des pouvoirs publics et des entreprises belges.”

De manière un rien troublante, les conclusions publiées par Accenture (et son hôte du jour, la FEB) contiennent ce qui ressemble étrangement à un appel à la délocalisation! “À l’heure où de nombreuses entreprises cherchent à améliorer leur croissance et leur compétitivité, elles peuvent aussi utiliser l’indice pour identifier les « digital hotspots » dans le monde, révélant les zones où elles pourraient positionner différents pans de leurs activités sur base du potentiel numérique.”

Et ces “hotspots”, terres numériques bénies pouvant accueillir des entrepreneurs belges en souffrance, on les trouve bien entendu “ailleurs”. Aux Pays-Bas – sacrés pays de “la meilleure densité numérique”, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Finlande, voire en Corée du Sud.

Si vous n’aviez pas encore compris le message, Accenture en ressert une deuxième louche: “Étant donné que les entreprises se mettent de plus en plus au numérique, la densité numérique devrait être prise en considération au même titre que l’accès aux ressources naturelles, la qualité des transports et les compétences du personnel dans la liste des critères d’implantation.”

Il aurait été possible de formuler autrement…