Nozon veut rendre la “réalité virtuelle” plus… naturelle

Portrait
Par · 12/02/2015

La société bruxelloise Nozon, spécialisée dans les techniques d’animation et de 3D/360° pour post-production vidéo et cinématographique, franchit un cap supplémentaire dans son positionnement technologique en dévoilant une technologie de réalité virtuelle qui optimise l’effet immersif 360° et 3D via prise en compte du parallaxe, autrement dit l’effet du changement qu’a la position de l’observateur sur ce qu’il perçoit à l’écran.

Avec cette technologie PresenZ, présentée en première mondiale au récent CES de Las Vegas, la société dit vouloir “offrir la qualité d’un film 3D précalculé avec le sentiment d’immersion d’un moteur de jeu en temps réel”.

“L’objectif de nos développements, réalisés entièrement sur base des compétences internes et de fonds propres, a eu pour but de résoudre les problèmes habituels de la réalité virtuelle telle qu’on la connaît actuellement”, souligne Matthieu Labeau, directeur comercial de Nozon. A savoir?

D’une part, un manque de précision du rendu de l’image en situation d’immersion, pour cause de faiblesse du tracking positionnel, et des problèmes de vision (image décalée ou sautillante).

“Il existe par ailleurs des films 360° stéréoscopiques mais il n’est pas encore possible de faire du live. La 3D temps réel pèche encore par insuffisance du nombre de polygones et, dès lors, par manque de qualité. Il faut donc encore en passer par de l’image de synthèse. Mais du précalculé ne tient pas compte de la parallaxe.

Par ailleurs, les moteurs de jeu vidéo en temps réel prennent certes en compte le tracking positionnel et adaptent dynamiquement la scène virtuelle à la position d’une personne mais posent encore de sérieux problèmes de cyber sickness [provoqués par un déboussolement de l’oreille interne]. Cela a pour effet de réduire l’applicabilité de cette technique à des expériences statiques. Autre problème avec ces moteurs: le rendu est moins bon qu’en offline. En cause, le 75 Hz du casque…”

Comme si vous y étiez…

Quelques petits détails techniques

Taille de la “zone of view”: résolution 4.000×2.000 pixels en 25 images/sec.

Charge de calcul du rendu: “deux fois celle du 4K, ou 8 fois celle du HD basique”

Tous les angles (positions du spectateur/joueur) devant être pris en compte, en 360°, les scènes sont plus complexes à calculer, les polygones plus nombreux pour optimiser la précision, mais les temps de calcul “demeurent parfaitement abordables”, affirme Matthieu Labeau. Ce qui correspond toutefois à plusieurs jours par scène, les traitements et calculs étant assurés par une “grappe” de 35 serveurs biprocesseurs Xeon de dernière génération.

Le logiciel se greffe sur la solution de rendu Arnold (développée par Solid Angle).

PresenZ veut combiner le meilleur de ces deux potentiels, en passant par du précalcul 3D mais en y injectant du véritable tracking positionnel, du moins dans un périmètre bien défini, appelé “zone of view”, au sein duquel les mouvements de la tête et les changements de position de l’utilisateur (coiffé d’un casque Oculus, pour l’instant) seront pris en considération pour une immersion réaliste.

Cela permet au spectateur ou joueur de découvrir une même scène ou objet sous divers angles en modifiant sa propre position.

“Nous pouvons créer un rendu photoréaliste, d’une qualité semblable à celle de films du genre La planète des singes ou Transformers”, affirme Matthieu Labeau. Un frein à la qualité demeure toutefois encore le casque de réalité virtuelle (un bémol que des sociétés telles Oculus s’attèlent à solutionner).

Matthieu Labeau: “Le fait de pouvoir simuler de manière hyperréaliste la présence réelle d’objets – d’où le nom PresenZ – implique qu’il n’est plus nécessaire de recourir aux ficelles classiques de l’immersion virtuelle que sont la sensation de vitesse et les effets spéciaux déstabilisants [et qui provoquent, chez beaucoup de personnes, un effet de cyber sickness plus ou moins prononcé]. Avec PresenZ, l’accent est mis sur la découverte progressive de son environnement.”

Un marché dans l’expectative

Quels sont les débouchés prioritaires que Nozon envisage pour sa solution PresenZ? Le secteur publicitaire, l’événementiel, les salles d’exposition, et, sans doute, un peu plus tard, les producteurs de films et de documentaires.

Plongée dans un monde virtuel où l’animation s’approche du réalisme

Le premier marché-cible que Nozon espère séduire avec sa technologie est celui de la publicité. Des secteurs tels que le tourisme, les agences de voyage, les compagnies aériennes ou encore les constructeurs automobiles seraient aux premières loges.

Compte tenu de la mise en scène (recourt à des dispositifs de vision) que requiert ce genre de réalisation, Nozon estime que le contexte sera essentiellement, dans les premiers temps, le lancement de produits (showrooms, espaces d’exposition).

L’intérêt que montrent par exemple les compagnies aériennes pour équiper leurs classes business en casque de réalité virtuelle achoppe encore sur certains obstacles techniques. Il serait certes intéressant pour elles de proposer de la projection de films 3D à bord mais, soulligne Matthieu Labeau, à condition de résoudre le problème de déréglage que provoque le moindre changement de direction de l’avion sur le calcul de position virtuelle de l’utilisateur. Le calcul se base en effet sur… l’accéléromètre intégré au casque.

Matthieu Labeau (Nozon): “Le fait de pouvoir simuler de manière hyperréaliste la présence réelle d’objets implique qu’il n’est plus nécessaire de recourir aux ficelles classiques de l’immersion virtuelle que sont la sensation de vitesse et les effets spéciaux déstabilisants. Avec PresenZ, l’accent est mis sur la découverte progressive de son environnement.”

Pour ce qui est de l’enrichissement de productions vidéo, documentaires ou cinématographiques par l’ajout d’effets spéciaux immersifs, le stade actuel du marché est encore celui de… l’oeuf et de la poule. Pour que producteurs et sociétés en tous genres se mettent à générer du contenu, il faut que les casques de réalité virtuelle soient suffisamment répandus sur le marché. Et vice versa.

Quant à l’immersion photoréaliste bien calé dans son fauteuil, dans son salon, casque sur les yeux, il faudra sans doute encore attendre quelque temps…

A ses futurs clients, Nozon proposera diverses prestations basées sur la mise en oeuvre de sa technologie, telles qu’une aide à la conception, la mise à disposition de matériels, et de l’assistance sur projet.

A terme, Nozon envisage de vendre son logiciel sous licence. Pour l’instant, Nozon utilise Arnold comme pipeline. “De grands studios spécialisés dans les effets spéciaux pouraient donc s’appuyer sur leurs solutions existantes et bénéficier de notre technologie par le biais de plug-ins. Nous ne limitons d’ailleurs pas le champ à la seule solution Arnold”, précise Matthieu Labeau. “D’autres plug-ins pourraient être conçus.” A la demande, en fonction des besoins.

Autre voie d’évolution: étendre la solution aux équipements mobiles – “où la demande est forte” – et ajouter du live.

La technologie PresenZ est en effet encore appelée à évoluer et à s’enrichir. Le socle fonctionnel développé à ce jour peut d’ores et déjà être commercialisé mais l’ajout de fonctions plus variées et plus évoluées sera nécessaire. Et pour les financer, l’équipe compte sur quelques contrats majeurs dont les budgets, libérés par les commanditaires, permettraient de poursuivre les développements.

Rapide portrait

Nozon, société créée à bruxelles en 1998, s’est spécialisée dans l’animation 3D, le 360° et les effets spéciaux numériques. De manière plus spécifique, son terrain d’action est celui de la post-production de films publicitaires, de courts- et longs-métrages, de documentaires et autres clips vidéo. Ce qui l’amène à assurer des missions de création d’effets spéciaux, de montage, d’animation 3D, de supervision du tournage…

On la retrouve récemment au générique de la série Minuscule et du long-métrage Minuscule-La Vallée des Fourmis Perdues (animation, rendu et composition), du film d’animation Asterix et le domaine des Dieux (rendu et composition) ou encore du clip Ta fête de Stromae.

La société est basée à la fois à Bruxelles, à Liège (où une équipe a travaillé sur le long-métrage Minuscule) et à Paris (où la présence se résume pour l’instant à une seule personne). L’envergure de l’équipe, dans ces 3 sites, varie selon le volume de projets en cours, la société faisant largement appel à des freelances. Le “noyau dur”, lui, se compose d’une quinzaine de personnes.

La société est dirigée par un quatuor: Tristan Salomé, Chris Mascarello, Mike De Coninck et James Vanderhaeghen.

Plus de 50% du chiffre d’affaires de Nozon est réalisé à l’international (Europe, Etats-Unis, Asie). Côté commercial, elle a notamment travaillé pour quelques grands noms tels que Total, Shell, Chrysler ou Peugeot.