Bientôt un “agridrone” pour les cultures wallonnes

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Par · 22/08/2014

D’ici la fin de l’année, un premier “agridrone” devrait entrer en action en Wallonie, permettant aux agriculteurs d’optimiser les épandages et de (mieux) respecter les réglementations en vigueur grâce à l’utilisation de ce “système automatique de cartographie à usage agronomique et agricole”.

C’est la SCAM (société coopérative agricole de la Meuse) qui est à la base de l’initiative. La coopérative avait choisi la récente Foire de Libramont pour présenter l’agridrone dont elle a récemment fait l’acquisition auprès de la société française Airinov.

Avant sa mise en exploitation, plusieurs étapes doivent encore être franchies. Celle de l’apprentissage du système par plusieurs collaborateurs de la SCAM (pilotage, maintenance, planification de vol…) qui pourront ensuite offrir ce service aux agriculteurs. Mais aussi – et c’est évidemment indispensable – la publication de l’arrêté royal qui autorisera, selon des règles strictes, l’utilisation civile des drones au-dessus du territoire belge (le texte est prêt mais n’a pas encore été publié au Moniteur et a subi les effets du changement de gouvernement, au fédéral).

Etape Recherche

En attendent l’entrée en vigueur de la nouvelle législation (espérée pour décembre), la coopérative introduira une demande de dérogation afin de pouvoir utiliser son drone à des fins de recherche expérimentale.

Des adaptations de la solution de cartographie agronomique Airinov seront en effet nécessaires pour pouvoir l’utiliser chez nous. Non pas au niveau du drone proprement dit mais plutôt de sa programmation.

“Le modèle de calcul agronomique devra être calibré en fonction des conditions propres à l’agriculture belge voire wallonne”, explique Sébastien Weykmans, responsable Développement de la SCAM. “La solution Airinov permet par exemple de cartographier des parcelles à colza ou blé tendre (froment) et d’en dégager des plans d’épandage optimisés mais les résultats des mesures françaises devront être recalibrés en fonction des variétés de plantes, des conditions de culture et de sol. Les niveaux de rendement, eux aussi, sont différents.”

“Le modèle de calcul agronomique devra être calibré en fonction des conditions propres à l’agriculture locale”.

Pour ce faire, la SCAM travaillera en collaboration avec des centres de recherche (UCL et Gembloux). La reprogrammation et la remodélisation feront l’objet d’un travail de fin d’études.

Dès la fin de l’année, moyennant la nécessaire dérogation, la SCAM espère pouvoir démarrer des vols expérimentaux de cartographie en mettant à contribution le réseau expérimental (une bonne quinzaine de parcelles agricoles participantes) qu’elle a constitué à des fins d’étude de protection des plantes.

“Rien qu’un début”

La cartographie et la modélisation d’épandage concernera tout d’abord la culture du colza (12.000 hectares potentiellement concernés chez nous). Le froment (130.000 hectares) exigera encore des adaptations et ne pourra sans doute bénéficier des services de drones que d’ici un an ou deux.

Cartographie à fins de calcul de biomasse. Source: Airinov.

D’autres types de culture devraient faire l’objet de recherches et de développements. Des collaborations ont été entamées à cet effet, non seulement avec Airinov et l’INRA (Institut National français de la Recherche Agronomique), mais aussi, en Belgique, avec Innovatech. “Une réflexion a été engagée pour identifier des possibilités de développement. A la fois dans le domaine de la télédétection et dans celui de l’intégration de la solution par les équipementiers agricoles.”

En France, par exemple, les chercheurs planchent par exemple sur l’optimisation des programmes de protection des plantes, la détection du taux de chlorophylle, de surface des feuilles, de paramètres de stress hydrique de la végétation, ou encore sur l’identification du type de mauvaises herbes dans les parcelles. “Ces développements sont plus compliqués”, explique Sébastien Weykmans. “On est là dans le domaine de l’interprétation des images captées et de leur transposition en applications et actions concrètes pour les agriculteurs…”

Epandre, oui, mais avec méthode

Au-delà de considérations purement économiques ou productives (utiliser les bons dosages d’engrais et produits divers), un épandage contrôlé est également indispensable à des fins environnementales et… légales. Les agriculteurs doivent en effet respecter diverses législations visant notamment à protéger la qualité des eaux de surface et souterraines. La directive européenne Nitrates, entrée en vigueur en 2002, a par exemple été intégrée par les autorités wallonnes dans le Plan de Gestion Durable de l’Azote en Agriculture (PGDA). S’y ajoutent encore des normes en matière de stockage des effluents d’élevage, des règles pour les épandages, des obligations en matière d’implantation de Cultures Intermédiaires Pièges A Nitrates (les couverts végétaux que l’on voit fréquemment fleurir en automne), etc.

Sébastien Weykmans: “Une réflexion est en cours pour identifier les possibilités de développement, tant en termes d’applications que d’intégration avec les équipements.”

Or, le respect des règles et normes en matière d’épandage n’est pas une simple question de bonne volonté et de bons dosages, fait-on remarquer dans le camp agricole. Même en respectant indications et quantités autorisées, des facteurs tiers – tels la météo mais aussi la composition variable des sols – peuvent venir bousculer la théorie. Autrement dit, les épandages doivent pouvoir se moduler, parfois au mètre près. Et c’est là qu’intervient ce nouveau drone.

Si les progrès technologiques ont permis aux satellites de devenir des guides de haute précision pour l’adaptation des degrés de fertilisation, leur utilisation est souvent rendue impossible en raison de… la couverture nuageuse. D’où l’idée d’utiliser un instrument davantage “rase-mottes” qui, grâce aux technologies de géolocalisation, peut s’avérer tout aussi précis, voire même plus précis, dans les relevés et évaluations.

Airinov promet par exemple une meilleure résolution des photos que celle qu’autorisent les satellites. “La résolution des images satellites ne permet pas de différencier les pousses. Le drone le permet avec, pour les chercheurs, une résolution qui peut atteindre 1,5 cm par pixel”, déclarait récemment Florent Mainfroy, le patron d’Airinov, à l’occasion du Salon international de l’Agriculture (Paris, mai 2014). “Toutefois, pour l’agriculteur, nous allons travailler avec une résolution d’un mètre carré par pixel. C’est largement suffisant pour ses besoins.”

Start-up française lancée en 2010, Airinov a été créée par deux ingénieurs spécialisés en technologies drone et en cartographie (Corentin Cheron et Florent Mainfroy) et par un fils d’agriculteur (Romain Faroux).

AirInov a bénéficié au début de cette année d’un apport de capital de l’une des stars du monde des drones. A savoir, la société française Parrot qui a injecté 1,6 million d’euros, prenant ainsi une participation de 20,9% dans le capital.

Le drone (2 mètres d’envergure pour un peu moins de 2 kg) est piloté par GPS mais est guidé in situ par un opérateur en chair et en os. Il est équipé d’un capteur qui a été développé par l’Institut National français de la Recherche Agronomique (INRA). Ce capteur enregistre et analyse la réflexion des rayons solaires par les plantes, permettant ainsi de déterminer avec exactitude l’état de développement des cultures, mètre par mètre.

Les relevés sont transposés en cartes et alimentent des modèles de calcul agronomique qui fournissent des conseils d’amendement “optimisé” aux agriculteurs (adéquation du produit et des dosages par rapport aux cultures, économies d’engrais…). Et cela, pour chaque parcelle, au mètre près. Airinov affirme ainsi que le gain financier potentiel pour l’agriculteur pourrait atteindre plusieurs dizaines d’euros à l’hectare.

Les données peuvent même être injectées directement dans les logiciels embarqués dans les matériel d’épandage, ce qui permet de moduler automatiquement les quantités d’engrais.

Ce n’est pas encore du temps réel mais un agriculteur peut disposer de toutes les indications nécessaires maximum 4 jours après que le drone ait effectué son travail de repérage. Signalons au passage que sa capacité de relevé est de 500 hectares par jour.